Le pape François a déclaré que le bienheureux Paul VI serait canonisé cette année. La date devrait coïncider avec le Synode des évêques en octobre. Le professeur Morales analyse la signification de sa figure dans le contexte de l'histoire récente de l'Église.
José Morales - Professeur de théologie dogmatique. Auteur du livre "Paul VI (1963-1978)".
On a beaucoup parlé du martyre du pape Paul VI, mais il est plus approprié de parler du mystère de Paul VI pour décrire son règne papal, qui s'est distingué par une unité d'objectif, une patience et des réalisations marquées. Si le Concile Vatican II est sa plus grande réussite, les quinze années de son entière présence à la tête de l'Église sont probablement la réussite singulière de Jean-Baptiste Montini. L'unité du pontificat se trouve dans la personnalité, le caractère et le charisme du Pape, et non dans les événements extérieurs, qui le brouillent et appartiennent aux contingences de l'histoire.
Paul VI est un personnage impossible à décrire. A la fois ancien et moderne, amoureux de la tradition et ouvert aux particularités de l'homme contemporain, conscient que le catholicisme et l'Eglise elle-même ne sont qu'une seule identité dans le temps. C'était un homme religieux, évidemment, et on pourrait aussi le décrire comme un mystique. Il cultivait l'intériorité, qui était en grande partie le secret de son caractère. Il était saisi par la conscience que Jésus-Christ était son Seigneur, et cette certitude allait de pair avec une compréhension profonde et ardente de l'Église.
C'était une personne d'une humilité peu commune, qui appréciait la fidélité et la loyauté. Il pensait qu'un Dieu qui aime l'homme et un homme qui aime Dieu doivent souffrir. À cet égard, il ressemblait un peu à saint Paul, dont il choisit le nom comme pontife. Saint Paul a abondé en traits de ce que l'on considère comme la modernité : il se réjouissait de ses faiblesses et il était apathique, tenté, faible, incertain. Paul VI porte dans sa nature cette ressemblance avec l'homme de cette époque, dans ses aspirations et dans ses tourments.
Paul VI n'était pas spontané, et il n'y avait pas de réelle familiarité à son sujet. Sa gravité trahissait une certaine mélancolie, et bien qu'il semblait cultiver l'image hiératique du berger suprême, il était par nature et par grâce profondément optimiste. Il y a eu des papes du triomphalisme, mais Paul VI a été le pape de l'humilité et de l'expiation. Il a parlé des fautes historiques de l'Église. Il était l'homme de la charité.
Durant son pontificat, l'Église est véritablement devenue une Église universelle. Ouvert à tous les continents, comme l'ont montré ses voyages, il s'est fait l'interprète de la vieille Europe chrétienne et a détruit la légende de l'orgueil papal en Orient. La curie n'a jamais voulu de lui. Elle le jugeait trop moderne, trop intellectuel et trop problématique. C'était un homme de prière et d'action, qui portait avec lui la terre de Brescia, comme Jean-Paul II la terre de Cracovie. Il a déclaré : "Je ne me lasserai jamais de bénir et de pardonner. Un pape se sent très peu quand il se considère lui-même. Ma faiblesse est restée entière ; mais une force qui ne vient pas de moi me soutient, instant après instant. La vie d'un pape ne comporte aucun moment de répit ou de repos. Il n'y a pas d'interruption de la paternité ou de la filiation. Un pape vit d'urgence en urgence".
La gestion papale du Conseil a été une œuvre d'art. Le Conseil s'est déroulé sans encombre ; il n'a été ni suspendu ni interrompu, ce qui aurait pu être le cas avec un timonier moins expérimenté. Il a atteint les objectifs fixés, et dans certains cas, a dépassé les espoirs placés en lui.
Ses brillantes réalisations comprennent des encycliques et des exhortations apostoliques décisives. La réforme liturgique tant débattue visant à rapprocher le peuple chrétien de l'autel a été couronnée par la promulgation du Missel romain, des rituels des sacrements, des lectionnaires, du calendrier et l'introduction des langues vernaculaires.
La réforme de la Curie romaine et son internalisation, la création de la Commission des femmes et la proclamation de Thérèse de Jésus et de Catherine de Sienne comme docteurs de l'Église, la création du Synode des évêques et de la Commission théologique, le renouveau de la catéchèse avec les Catechesi tradendae, l'impulsion donnée au CELAM avec le voyage en Colombie, les voyages papaux sur les cinq continents, la réinscription du diaconat permanent, le remodelage de l'Église africaine avec l'ordination de trois cents évêques du pays, le Credo du peuple de Dieu et l'ordination du diocèse de Rome, la politique orientale, la transparence des procédures sur les livres et les doctrines, la création de la Sala Stampa au Vatican, la réhabilitation de Padre Pio de Pietrelcina, l'âge des cardinaux et des évêques, la simplification de la cour papale, la présence des évêques dans les congrégations romaines, les progrès du dialogue avec l'orthodoxie, l'approbation des associations laïques, etc., tous contribuent à considérer ce pontificat comme l'un des plus fructueux et des plus nécessaires du 20ème siècle.
Paul VI a été béatifié par le pape François le 19 octobre 2014. Aujourd'hui, la Congrégation pour la cause des saints a approuvé le miracle attribué à son intercession (la guérison d'une petite fille encore dans le ventre de sa mère), et le pape lui-même a confirmé que la canonisation aura lieu cette année 2018.