Au temps des melons...

Le proverbe espagnol dit qu'"à l'époque des melons, les sermons doivent être brefs". Un conseil qui, en cette période de l'année, fait défaut à plus d'une personne.

15 juillet 2023-Temps de lecture : 3 minutes

L'achèvement des études d'un enfant est l'un des moments les plus heureux dans la vie d'un parent, mais la récente remise des diplômes de l'un de mes enfants a failli se transformer en la pire journée de ma vie à cause de l'un des orateurs.

L'ambiance qui précède l'événement est comme souvent : parents et grands-parents fiers se disputent les places les plus proches de la scène, des jeunes gens bien habillés prennent des selfies en se complimentant les uns les autres, tandis que le concierge et l'étudiant "intelligent" finissent de tester le microphone et le projecteur.

La manifestation s'est poursuivie, comme d'habitude, avec les discours de remerciement habituels, les remerciements sur la façon dont nous avons grandi, les plaisanteries internes auxquelles les étrangers ne peuvent que sourire bêtement, et les applaudissements qui montent et descendent après chaque nomination et investiture de bourses d'études.

Quelque deux heures et demie plus tard, alors que la plupart d'entre nous ne se sentaient plus le cul et que les prostatiques n'avaient pas pu éviter de manifester publiquement leur mal, le discours de l'homme en charge de la chose académique a commencé. Lorsqu'il s'approcha du micro, ses yeux brillèrent plus fort que ceux de Michael Scott dans Le Bureau dans de telles circonstances. C'était son moment et il le savait. La bromance qu'il s'apprêtait à déchaîner sur nous, en son honneur et pour sa gloire, allait prendre des proportions bibliques. J'ai décidé de profiter de l'occasion pour fermer les yeux et me reposer, car la précipitation pour ne pas être en retard à l'événement m'avait empêché de faire ma traditionnelle sieste de l'après-midi. Mais les mots de l'orateur ne cessaient de me frapper : clichés, diction irritante parsemée de béquilles, blagues pas drôles, allusions à des sujets extemporanés...

J'ai regardé l'horloge et la trotteuse semblait s'être arrêtée. Les fourmillements dans ma jambe droite étaient déjà passés au niveau de l'amputation. Le membre fantôme envoyait cependant des signaux, car le genou s'enfonçait dans la partie supérieure de la moulure du siège avant. J'ai jeté un coup d'œil à gauche et à droite, à la recherche d'une éventuelle sortie de secours, mais la longue file d'invités de part et d'autre m'empêchait de m'échapper sans devenir le centre d'attention de l'auditorium. L'absence d'air conditionné m'a donné une sensation d'étouffement et un excès de transpiration désagréable. Mon cœur s'est mis à s'emballer jusqu'à atteindre des niveaux critiques. Le discours, que j'entendais déjà déformé et en écho, continuait d'enchaîner des phrases ineptes : "nous avons vécu une pandémie", "l'avenir est à vous"....

"Assez ! ai-je crié en me levant péniblement (je vous rappelle que j'étais médicalement boiteux à ce moment-là). "Pour l'amour de Dieu, je n'en peux plus, arrêtez ! me suis-je exclamé sous les regards étonnés de ma femme et de ma belle-mère. Toute l'assistance s'est tournée vers moi avec joie, mettant de côté leurs téléphones portables qu'ils consultaient depuis un moment, parce qu'il s'était enfin passé quelque chose d'intéressant au cours de la dernière demi-heure.

"Il n'y a pas de droit ! ai-je poursuivi. Nous sommes venus ici pour célébrer une fête, pour passer du temps à nous réjouir avec nos familles des réussites de nos enfants. Mais vous avez profité du fait que nous sommes un public captif, que par politesse et par respect pour nos enfants nous supportons tout ce qu'il faut, pour nous infliger un ennui insupportable. Je veux que vous sachiez qu'il est indigne qu'une personne comme vous, qui représentez une institution éducative, soit à ce point inculte qu'elle n'ait pas préparé quelques mots qui disent quelque chose. Arrêtez, pour l'amour de Dieu !

Je n'avais pas fini de sangloter cette dernière phrase que le support de ma jambe muette a cédé et que je suis tombée du haut de l'auditorium où j'étais assise jusqu'aux stalles. Le choc de la chute m'a réveillé en sursaut alors que le public, inconscient de ma rêverie, applaudissait l'orateur qui venait de terminer son discours.

J'en ai profité pour me lever et irriguer, pour de vrai cette fois, mes membres inférieurs tout en applaudissant, les larmes aux yeux, la fin de ce discours inoubliable. L'octogénaire qui était assise à côté de moi, tapant dans ses mains et me poussant le ventre avec ses coudes, a dit un ironique "au temps des melons, à court de sermons".

Et c'est en somme la phrase sur laquelle je voulais baser mon article sur les homélies d'aujourd'hui, mais je n'ai plus de place. Je n'ai donc rien à ajouter. Juste que si cet été, à la messe, pendant le sermon, vous voyez un homme se lever dans le banc et crier "Assez ! Ce n'est qu'un rêve.

L'auteurAntonio Moreno

Journaliste. Diplômé en sciences de la communication et licencié en sciences religieuses. Il travaille dans la délégation diocésaine des médias à Malaga. Ses nombreux "fils" sur Twitter sur la foi et la vie quotidienne sont très populaires.

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