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Saint Thomas d'Aquin, une compréhension synthétique de la réalité

2024 marque le 750e anniversaire de la mort de saint Thomas d'Aquin, qui a trouvé dans la pensée aristotélicienne la confirmation de sa propre vision synthétique de la réalité, fondée sur une compréhension dynamique des êtres.

José Manuel Giménez Amaya et José Ángel Lombo-4 août 2024-Temps de lecture : 4 minutes
saint tomas de aquino

Photo : St Thomas d'Aquin

On a souvent dit que Thomas d'Aquin était un penseur de la synthèse. Il a reçu de Alberto Magno des enseignements fondamentaux sur Aristote et le néoplatonisme, tous deux élaborés sur une base chrétienne.

Outre l'Écriture Sainte et les Pères de l'Église, Thomas d'Aquin connaissait également les classiques de la culture gréco-romaine et de la philosophie arabe. Cette capacité de synthèse explique en grande partie pourquoi sa vision sera proposée, des siècles plus tard, comme une base sûre pour l'étude de la philosophie et de la théologie, malgré la suspicion que l'aristotélisme avait suscitée au XIIIe siècle.

Si l'on considère ce rejet initial, l'insistance de l'Aquinate à proposer la pensée aristotélicienne est encore plus surprenante. Il semble raisonnable de penser qu'il a trouvé dans le Stagirite une confirmation de sa propre vision synthétique de la réalité.

Cette vision se fonde sur une compréhension dynamique des êtres à partir de leurs causes : l'intégrité de la matière et de la forme (unité substantielle "hylémorphique") et l'orientation de tous les mouvements vers une fin (téléologie de la nature).

Métaphysique

Cette conception de la réalité implique une métaphysique à la fois unitaire et dynamique. Ainsi, ni Aristote ni Thomas d'Aquin n'ont une conception rigide de la substance : pour eux, toute substance possède un certain degré d'activité, et les substances par excellence sont les êtres naturels et, plus précisément, les êtres vivants. Les substances par excellence sont les êtres naturels et, plus précisément, les êtres vivants. À leur tour, la vie est donnée selon des degrés, c'est-à-dire les plantes, les animaux et les êtres intellectuels.

De cette métaphysique unitaire et dynamique, l'Aquinate a tiré une anthropologie qui s'oppose autant au dualisme qu'au monisme. La nature rationnelle comprend le corps et l'âme et constitue le principe de l'activité libre. Cette compréhension anthropologique de l'être humain a donc des conséquences importantes pour l'éthique.

L'activité libre est ouverte au bien universel que l'homme est capable d'atteindre par lui-même. Ce bien est le plus excellent et constitue son bonheur, qui est la vie atteinte. Cependant, puisque nous sommes une unité d'âme et de corps, nos actions ne consistent pas exclusivement à exécuter des actions, mais aussi à être influencées par les actions d'autres êtres. La direction vers la fin ultime exige donc un ordonnancement rationnel des actions et des passions, et cet ordonnancement est donné par les vertus.

Dans la mesure où nous avons besoin de l'action des autres, l'être rationnel a besoin de la collaboration d'autres êtres rationnels. Ainsi, le bien de chaque individu est en continuité avec le bien des autres. Les êtres rationnels tendent vers ce bien commun en formant une unité entre eux, qui est la société humaine. Ainsi, la sociabilité est constitutive de notre nature.

Une vision unitaire

Au début de ces lignes, nous nous sommes demandé ce que Thomas d'Aquin avait vu chez Aristote pour suivre sa philosophie dans des domaines fondamentaux tels que la métaphysique, l'anthropologie et l'éthique. D'après ce que nous avons dit, la clé se trouve dans une compréhension synthétique de la réalité, qui s'avère être une interprétation valable dans la mesure où elle permet de faire dialoguer différentes traditions philosophiques, avec une vision unitaire et dynamique de la multiplicité des êtres.

La pensée de l'Aquinate a également fait l'objet de multiples lectures. Ces conceptions cherchaient, au fond, à s'approcher de la vision unitaire et dynamique des êtres à laquelle nous avons fait référence plus haut. En d'autres termes, Thomas d'Aquin, comme le Stagirite, aspire à une compréhension synthétique de la réalité.

Fondamentalement, la pensée de l'Aquinate se veut en continuité avec Aristote, mais non pas du point de vue d'une école particulière, mais en tant qu'accès adéquat à la réalité. C'est ce que l'on appelle traditionnellement la philosophia perennisqui a été interrompue, d'une certaine manière, dans la modernité. L'une des manifestations de ce phénomène a été la fragmentation de la connaissance en perspectives partielles et un certain renoncement à parvenir à une compréhension des choses en elles-mêmes.

On comprend dès lors que le renouvellement d'une approche philosophique dans la lignée d'Aristote et de Thomas d'Aquin doit remplir au moins trois conditions. La première est qu'elle soit ouverte à une continuité dans la connaissance des choses. La deuxième est qu'elle soit capable d'établir un dialogue avec d'autres traditions qui peuvent trouver un terrain d'entente. La troisième est qu'elle cherche à dépasser la fragmentation de la connaissance pour accéder à la réalité dans son unité et son dynamisme.

MacIntyre et autres propositions

Ces derniers temps, plusieurs tentatives d'approche d'une philosophie réaliste dans la lignée d'Aristote et de Thomas d'Aquin ont vu le jour. L'une des propositions qui nous semble la plus remarquable est celle du penseur anglo-saxon Alasdair MacIntyreLa première, qui se distingue par son accès à la philosophie aristotélico-thomiste précisément par le biais de l'éthique.

Dans le cas de MacIntyre, son point de départ est un contexte moderne - philosophie analytique, marxisme, psychanalyse - dans lequel il se sent insatisfait de ne pas trouver de réponses qui rendent compte de l'être humain, de manière unitaire, dans ses actions en relation avec les autres. Ainsi, pour lui, la modernité a été plombée par l'individualisme et la fragmentation de l'être humain. C'est pourquoi il a d'abord proposé de retrouver la notion aristotélicienne de vertu, à travers une conception narrative de la vie humaine, qui s'imbrique avec celle des autres au sein d'une tradition commune.

La téléologie dans la pensée thomiste

Cependant, l'auteur britannique prend conscience du rôle fondamental de la téléologie pour parvenir à cette conception unitaire de la vie humaine. Dans cette recherche, il découvre Thomas d'Aquin comme lecteur d'Aristote, ce qui le rapproche progressivement d'approches clairement métaphysiques et d'une vision plus unitaire de la connaissance.

Dans ce processus, il découvre également de manière plus approfondie la pertinence de l'unité du corps et de l'âme dans l'être humain et, dans cette recherche, il reconnaît l'importance de la biologie pour une bonne compréhension de la nature des êtres rationnels. Cette nature rationnelle se manifeste ainsi non seulement dans son unité spirituelle-corporelle, mais aussi dans sa propre vulnérabilité. Cette condition signifie une dépendance réciproque entre les êtres rationnels, qui manifeste la capacité de donner et de recevoir en relation avec les autres.

Le philosophe écossais arrive à cette conclusion en comprenant en profondeur non seulement l'intégrité spirituelle et corporelle de chaque être humain en lui-même, mais aussi l'unité avec les autres dans une vie commune. À ce stade, il se rend compte que l'approche de l'Aquinate prolonge la conception aristotélicienne de l'être humain en tant qu'être unitaire et social. Alasdair MacIntyre a donc eu l'audace de reconnaître que Thomas d'Aquin a poussé Aristote plus loin qu'Aristote lui-même.

L'auteurJosé Manuel Giménez Amaya et José Ángel Lombo

Université de Navarre et Université pontificale de la Sainte-Croix

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