Catherine de Sienne est une femme admirable. Elle est née en 1347 dans une famille d'artisans. Enfant, elle appréciait la solitude, consacrait beaucoup de temps à la prière et au recueillement, et à l'âge de 6 ans, elle eut sa première vision de Jésus-Christ, qui décida de son chemin spirituel : elle fit vœu de virginité et intensifia sa vie de pénitence et de prière, face à la résistance de sa famille.
À l'âge adulte, elle s'est imposée comme manteletune sœur tertiaire des Dominicains. Sa vie spirituelle est renforcée et elle découvre comment l'intimité chrétienne est toujours habitée par Dieu : "Tu dois savoir, ma fille, ce que tu es et ce que je suis. Si vous apprenez ces deux choses, vous serez heureux. Tu es ce qui n'est pas, et je suis ce que je suis". La jeune Catherine se familiarise de plus en plus avec Dieu, faisant notamment l'expérience de la providence du Père. De ces expériences est née son œuvre la plus célèbre : la Dialogue avec la Providence divine.
En 1366, elle fait l'expérience mystique fondamentale des fiançailles avec Jésus-Christ, qui lui apparaît comme son Époux et lui remet un anneau splendide, qu'elle seule voit, et qui marque à jamais sa spiritualité. Une relation d'intimité, de fidélité et d'amour est née : "Ma fille bien-aimée, de même que j'ai pris ton cœur, que tu m'as offert, je te donne maintenant le mien, et désormais je serai à la place où était le tien".
"C'est le Christ qui vit en moi".
En vérité, Catherine actualise l'idéal de l'Évangile : ce n'est pas moi qui vis, c'est... Le Christ qui vit en moi (Gal 2:20). Le mystère pascal imprègne et façonne toute sa spiritualité : Jésus-Christ, par ses paroles et surtout par sa vie qui se donne, est le Pontife, agissant littéralement comme le pont qui nous mène au ciel. Son corps sur la Croix est le symbole de la montée vers la sainteté, en trois étapes successives : les pieds, le côté et la bouche de Jésus, qui expriment les étapes classiques de la vie spirituelle que sont la lutte contre le péché, la pratique de la vertu et l'union douce et affectueuse avec Dieu.
Au cours des années suivantes, les visions se multiplient : de l'enfer, du purgatoire, du paradis, pour culminer en 1375 avec l'expérience mystique des stigmates, extérieurement invisibles, mais intérieurement sensibles pour elle.
Sa communion avec le Crucifié se traduit par un appel à la solidarité avec les pestiférés et les autres pauvres de son époque : "Souvenez-vous du Christ crucifié, fixez-vous le but du Christ crucifié". Sa réputation de sainteté attira beaucoup de monde, et un groupe de disciples se forma autour de Mamma Dulcisima. Sa maternité spirituelle cherche le prochain, qui devient l'occasion de notre amour : pour Catherine, toute vertu qui plaît à Dieu se réalise à travers le prochain que la Providence met sur notre chemin.
Cette même notoriété a également éveillé les soupçons. Les Dominicains s'intéressèrent à leur fille spirituelle et envoyèrent le frère Raymond de Capoue enquêter sur la femme charismatique de Sienne. Le résultat est non seulement favorable à Catherine, mais Raymond est fasciné, devient son disciple, son confesseur et son biographe, avant de devenir plus tard Maître Général de l'Ordre.
Implication dans la destinée de l'Eglise
C'est là que doit se situer la dimension politique de sa vie, dans le meilleur sens du terme, car la spiritualité chrétienne doit toujours prendre une forme apostolique.
Catherine s'engage et écrit des lettres aux grandes personnalités de l'Église et des républiques italiennes, recherchant la paix entre les villes, servant de médiatrice dans les conflits de la haute noblesse, et faisant même appel aux papes, demandant une réforme intense du clergé et plaidant pour le retour à Rome du successeur de Pierre d'Avignon, où ils s'étaient réfugiés au début du siècle, mais où ils se trouvaient aussi dans l'orbite politique des rois français. Catherine meurt en 1380, à Rome, aux côtés du Saint-Père, son "doux Christ sur terre".
Sa maternité spirituelle, qu'elle recherchait pour tous, s'exprime aujourd'hui par son doctorat, mais aussi par son patronage de la Ville éternelle, de l'Italie et de l'Europe entière. Elle est notre mère aussi à cause de cette intercession : historiquement, elle a demandé la liberté du Saint-Père, mais en définitive, la liberté de toute l'Église.
Professeur de théologie à l'université San Dámaso. Directeur du Centre œcuménique de Madrid et vice-consiliateur du mouvement des Cursillos de la chrétienté en Espagne.