Espagne

L'instruction de la CEE sur les abus sexuels. Une réflexion

Avec la publication de la "Instruction sur les abus sexuels L'Église d'Espagne traite ce crime de manière légale et sensibilise les gens au fait que les pasteurs de l'Église remplissent leurs fonctions de manière exemplaire.

Rafael Felipe Freije-13 mai 2023-Temps de lecture : 5 minutes
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La Conférence épiscopale espagnole a publié cette semaine un document intitulé "Instruction sur les abus sexuels". Elle avait été annoncée par Mgr Bernardito Auza, nonce apostolique, dans son discours lors de la dernière assemblée plénière des évêques espagnols.

Il s'agit, comme son nom l'indique, d'une instruction. En d'autres termes, il s'agit d'un document qui vise à encourager le respect de la loi, en clarifiant et en déterminant son contenu. Il convient de rappeler que, précédemment, l'Église d'Espagne avait déjà publié une Protocole d'action en cas d'abus sexuel sur mineur.

Introduction et objectifs

Dans la Instruction commence par un long préambule qui introduit le lecteur à la tâche principale du document, qui est d'expliquer et d'élaborer "les mécanismes juridico-procéduraux du droit de l'Église qui sont obligatoires et contraignants pour tous les évêques diocésains, ainsi que, dans leur propre sphère et à l'égard de leurs membres, pour les supérieurs majeurs des instituts de vie consacrée et des sociétés cléricales de vie apostolique". (Préambule, IV).

A côté de cet objectif évidemment louable, le préambule aborde plusieurs aspects qu'il est important de relever. En premier lieu, il mentionne la responsabilité de l'évêque diocésain de protéger et d'assurer le bien commun des fidèles, en particulier "Les plus pauvres et les plus nécessiteux, les mineurs, ceux qui ont habituellement un usage imparfait de la raison et les autres personnes auxquelles la loi reconnaît une tutelle égale". (Préambule, I).

Puis, citant le pape François, il rappelle la nécessité de la sainteté personnelle et de l'engagement moral de tous les fidèles pour favoriser la crédibilité de l'annonce et l'efficacité de la mission de l'Église.

Le préambule rappelle également, comme il ne pouvait en être autrement, la gravité des crimes d'abus sexuels sur mineurs et les conséquences douloureuses et inacceptables qu'ils entraînent d'abord pour les victimes mais aussi pour l'Église tout entière.

L'infraction pénale d'abus

Le premier chapitre de l'Instruction cherche à délimiter le délit d'abus sexuel sur mineurs. Peut-être, compte tenu du fait que la typologie du délit est très large, quelques lignes directrices concrètes auraient été appréciées pour délimiter ce qui relève du type pénal et ce qui n'en relève pas, ce qui, parfois, n'est pas facile dans le cadre d'une enquête judiciaire. Le vade-mecum de la FDD est utile en ce sens, tout comme le protocole du même CEE, qui présente ce délit sur la base de la définition large offerte par le DSM-5.

Le même chapitre traite également de l'obligation des clercs et des religieux de rendre compte non seulement à l'autorité religieuse mais aussi à l'autorité civile (articles 6 et 7). À cet égard, l'Instruction rappelle toutefois la réserve nécessaire concernant les personnes ou les affaires dont ils ont eu connaissance en raison de leur ministère (article 7).

Nous pensons qu'il est important de le rappeler. Indépendamment de la coopération nécessaire avec la sphère civile, il existe toutefois un devoir de confidentialité qui doit être respecté en conséquence. Il en va de même, bien entendu, pour tout ce qui est connu dans la sphère confessionnelle.

Le chapitre se termine en rappelant la prescription de l'action pénale en fonction du moment où l'infraction a été commise, en tenant compte toutefois de la possibilité pour le Dicastère pour la Doctrine de la Foi d'y déroger dans des cas individuels (article 8). Cette donnée juridique, d'une grande importance, ne doit pas être sous-estimée.

Il serait peut-être nécessaire, au niveau universel, d'en revendiquer plus fortement l'importance et la validité et de préciser clairement les critères selon lesquels le Dicastère pour la doctrine de la foi peut y déroger, évitant ainsi le danger de l'arbitraire dans l'administration de la justice et certainement le possible scandale.

Le rôle des bureaux de protection de l'enfance

Le deuxième chapitre de l'instruction traite essentiellement de ce que l'on appelle les "soi-disant" et les "soi-disant". Offices de protection des mineurs. Il s'agit d'un instrument prévu et encouragé par le Pape François dans le Motu Proprio Vos estis lux mundi.

Ces "bureaux", qui seront créés dans chaque diocèse ou province ecclésiastique, seront accompagnés d'un service de coordination et de conseil de la Conférence épiscopale.

Il s'agit certes d'un projet ambitieux, auquel une bonne partie des diocèses espagnols ont adhéré, mais il comporte des difficultés.

L'effort que de nombreux diocèses, parfois avec peu de moyens, ont consenti pour ce nouvel instrument est louable. Mais il convient de se poser certaines questions : Dans quelle mesure sont-ils Ne serait-il pas plus efficace de concentrer cet effort au niveau des provinces ecclésiastiques, comme le permet l'Instruction ? Leurs membres sont-ils suffisamment préparés ? S'agit-il d'une démarche purement "formelle" ou pleinement "fonctionnelle" ? Dans quelle mesure la victime peut-elle se sentir pleinement accueillie et comprise si ses membres, dans de nombreux cas, font partie du même "établissement", malgré ce qu'indique l'Instruction à l'article 9, §5 ? En ce sens, l'Église adopte un instrument que l'on ne trouve pas dans d'autres régions où l'incidence de ces crimes est plus élevée.

À partir du troisième chapitre, l'Instruction s'attarde sur la manière de procéder canoniquement face à une allégation d'abus sexuel sur mineur et à son développement ultérieur. Le document précise tout d'abord ce qu'est l'enquête préliminaire et comment la mener à bien (vers 1717).

Il aborde ensuite l'intervention du Dicastère pour la Doctrine de la Foi à la lumière des résultats de cette enquête et des décisions éventuelles qu'il pourrait prendre (chapitre IV).

Enfin, l'Instruction décrit les deux processus possibles : le processus extrajudiciaire ou dit administratif et le processus judiciaire (chapitres V et VI). Ces chapitres se limitent évidemment à rappeler ce que la loi, ainsi que les autres documents du Saint-Siège, ont énoncé en la matière.

Cependant, elle présente également quelques nouveautés ou aspects qu'il est bon, à notre avis, de souligner. En ce qui concerne l'enquêteur de la phase préliminaire, l'Instruction offre la possibilité qu'elle soit effectuée par l'un des juges-auditeurs du Tribunal de la Rote de la Nonciature Apostolique (article 14, 1º).

La même offre est faite plus tard en ce qui concerne les procédures extrajudiciaires et judiciaires (articles 24, 1er et 33 §2). Il s'agit certainement d'une collaboration appréciée en raison de la préparation plus que suffisante de ses membres.

Cependant, ces dernières années, plusieurs diocèses espagnols, au prix d'efforts considérables, ont préparé leurs tribunaux à de telles tâches, développant dans certains cas un travail conjoint avec des diocèses voisins.

Dieu merci, le temps est révolu où les prêtres, avec de bonnes intentions mais peu de préparation, accomplissaient cette tâche dans un environnement souvent hostile et incompris.

Il convient également de souligner un aspect qui, parfois, a été peu pris en compte ou a été négligé. Il s'agit du droit de l'accusé d'être informé et assisté au cours de l'enquête préliminaire (article 18).

A ce moment également, et plus encore lorsque des mesures conservatoires peuvent être imposées, l'accusé doit avoir la possibilité de bénéficier de l'assistance d'un avocat. L'instruction rappelle bien sûr l'importance de l'avocat dans le processus extrajudiciaire et judiciaire (art. 25 §2 et art. 34 §2).

Enfin, et dans cette même section, il nous semble que l'article 20, 5 de l'Instruction est tout à fait approprié pour rappeler le c. 1341 pour les cas qui ne constituent pas un crime réservé, mais qui pourraient constituer un crime contre le sixième commandement (c. 1398), évitant ainsi, dans les cas où il est possible de procéder ainsi, ce qui semble être une judiciarisation excessive de toutes les procédures dans l'Église.

L'instruction est conforme au changement de paradigme qui s'est opéré dans l'Église à la suite de la promulgation de la nouvelle loi sur les droits de l'homme. Livre VI du Code de droit canonique. Dans la dernière réforme du droit pénal, l'intérêt juridique protégé n'est pas principalement la protection de la dignité du ministère ordonné par la loi. (ou la sainteté des sacrements) mais la protection de la dignité, de la liberté et de l'intégrité sexuelle de toute personne, en particulier des plus vulnérables, comme les mineurs et ceux à qui la loi reconnaît une protection égale.

L'instruction n'est clairement pas un document qui cherche à innover. Ce n'est pas son objectif. Elle cherche avant tout à unifier les critères d'action dans tous les diocèses d'Espagne, en proposant systématiquement les règles universelles et en détaillant, comme c'est le cas, la manière de les appliquer et les circonstances qui peuvent se présenter dans leur gestion.

Nous devons donc nous féliciter de ce document par lequel l'Église d'Espagne cherche à faire face à ce grave problème et nous espérons que son application contribuera non seulement à la résolution juridique de ce crime regrettable, mais aussi à la prise de conscience du fait que les pasteurs de l'Église remplissent leurs fonctions de manière exemplaire.

L'auteurRafael Felipe Freije

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