Dans un colloque virtuel avec des prêtres canadiens, le spécialiste parisien de la géopolitique Jean-Baptiste Noé a expliqué que le pape peut faire ce qu'aucun autre dirigeant mondial ne peut faire. Il est le premier pape à se rendre en Irak, l'un des berceaux du christianisme, pour réconforter son peuple crucifié, et le 6 mars, il a eu la troisième grande rencontre personnelle de son pontificat, cette fois avec l'ayatollah chiite Al-Sistani. Ici vous pouvez voir des indices sur le diplomate Francis.
Un bâtisseur de ponts
Le Pontife, véritable bâtisseur de ponts, cherche, dans ses rencontres et ses voyages, à dialoguer, à consoler les affligés, à défendre la liberté religieuse et la liberté des catholiques. Il veut mettre en avant ceux qui sont passés à travers les mailles de l'opinion publique.
Aucun autre chef d'État n'aurait pu visiter l'Irak d'aujourd'hui comme l'a fait François. C'était une grande fierté pour les Irakiens de pouvoir l'accueillir en toute sécurité. L'ayatollah Al-Sistani, âgé de 90 ans, n'apparaît publiquement avec personne d'autre que François. Noé a rappelé que les rencontres de François avec le Grand Imam égyptien Ahmed el-Tayyeb, et surtout leur signature conjointe, il y a deux ans à Abu Dhabi, de l'accord de coopération entre les deux pays. Document sur la fraternité humaineLa rencontre avec Al-Sistani, il y a un mois, a créé un pont vers l'islam chiite.
Nuncios : les premiers diplomates modernes
À 37 ans, Noé excelle déjà dans son domaine : il est professeur d'université, écrivain prolifique, rédacteur en chef de la revue Conflitset directeur de l'Institut de Géopolitique Orbis. Il a donné une introduction magistrale à la diplomatie du Vatican. Il a expliqué que les nonces étaient les premiers diplomates modernes et que l'Académie pontificale ecclésiastique était la première au monde à former des diplomates.
Aujourd'hui, seuls cinq pays n'ont pas de relations diplomatiques avec le Vatican, qui est l'un des États les mieux informés de ce qui se passe "sur le terrain" dans le monde. Il a donné comme exemple que, dans ses mémoires, un ancien ambassadeur japonais au Vatican s'est souvenu que son poste d'ambassadeur au Vatican a marqué sa carrière diplomatique, parce que c'est à Rome que tous, les puissants comme les impuissants, font leur pèlerinage.
A force de charisme et d'intelligence
Comme Noé l'explique dans son livre François le diplomate (Éditions Salvator, 2019), Depuis son élection il y a huit ans, François a agi avec rapidité et efficacité sur la scène mondiale. Il a réconcilié Cuba et les États-Unis de manière spectaculaire. Il a rendu visite à des réfugiés sur l'île de Lesbos. Sans expérience diplomatique préalable, contrairement à ses prédécesseurs Pie XII, Jean XXIII et Paul VI, François s'est imposé avec charisme et intelligence comme un interlocuteur privilégié des dirigeants mondiaux.
Bien sûr, depuis plus d'un millénaire et demi, de nombreux papes ont joué un rôle "international" à bien des égards. Le pape argentin, malgré les turbulences que l'Église a traversées, parvient à renforcer l'influence mondiale du Vatican. Sa "politique étrangère" poursuit une mission d'évangélisation par d'autres moyens.
Une diplomatie neutre, mais pas impartiale
Noah a défendu la controversée et secrète Accord intérimaire entre le Saint-Siège et la Chine sur la nomination des évêques (signé en 2018 et prolongé en 2020) : "très mauvais mais très nécessaire". Pourquoi ? Parce que le Vatican fait le pari qu'il peut "desserrer l'étau" de la persécution religieuse en Chine centrale. L'accord n'a pas résolu les problèmes, comme le président chinois Xi Jinping se moque du pape. Mais mieux vaut quelque chose de mauvais que rien, la diplomatie étant très limitée avec un gouvernement tyrannique.
La diplomatie du Saint-Siège est neutre mais pas impartiale. Il recherche la paix. Par exemple, Jean-Paul II a empêché une guerre entre l'Argentine et le Chili à cause d'un différend frontalier et, beaucoup plus près dans le temps, François a recherché la paix, naturellement et de manière neutre, dans une guerre récente : la deuxième guerre du Haut-Karabakh (septembre-novembre 2020) entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie.