Espagne

Un régime de conformité pour les institutions de l'Église en accord avec le droit canonique

La responsabilité pénale prévue dans certains cas pour les personnes morales concerne également l'Église. Pour cette raison et pour d'autres, il est nécessaire d'établir des systèmes de conformité réglementaire, qui peuvent empêcher le transfert de la responsabilité de la personne physique à l'institution. C'est ce qu'explique Jorge Otaduy, qui préside le comité d'organisation d'un symposium sur le sujet à l'université de Navarre.

Alfonso Riobó-16 mars 2022-Temps de lecture : 3 minutes
jorge otaduy

Photo : Jorge Otaduy, au centre de l'image. Université de Navarre

L'introduction de la responsabilité pénale des personnes morales dans certains cas, ainsi que la généralisation des systèmes de conformité, suscitent l'inquiétude des responsables des institutions ecclésiastiques. D'une part, la signification et la portée des dispositions civiles ne sont parfois pas comprises ; d'autre part, leur coordination avec les règles du droit canonique est inconnue.

Du 23 au 25 mars, l'Institut Martín de Azpilcueta de l'Université de Navarre organise un symposium international sur ces questions, sous le titre : "Responsabilité pénale des personnes morales : implications pour l'Église catholique et les entités canoniques". 

Le professeur Jorge Otaduy est le président du comité d'organisation du symposium. Dans cette interview pour Omnes, il clarifie ces concepts.

Qu'est-ce que l'on entend par conformité ou système de conformité ?

-The conformitéLe système de conformité, ou système de conformité réglementaire, est un programme de prévention des délits par la mise en place, dans les entreprises, de modèles d'organisation et de gestion comprenant des mesures de contrôle pour éviter les mauvaises pratiques, qui, dans certains cas, pourraient être criminelles. En outre, il est nécessaire qu'un organe de la société supervise, avec des pouvoirs autonomes, le fonctionnement et la conformité de ces programmes. Si de telles mesures d'autorégulation sont en place et qu'il est prouvé que le contrevenant a commis l'infraction en contournant ces règles ainsi que les mesures de surveillance, seule la personne physique contrevenante sera responsable et le transfert de la responsabilité pénale à la société n'aura pas lieu, puisque la société sera exonérée.

La responsabilité pénale des personnes morales n'a été introduite que récemment en Espagne. Existe-t-elle également dans d'autres pays ?

-Ce nouveau concept juridique a été introduit en Espagne en 2010. Depuis les années 1990, on assiste à un mouvement vers l'introduction de la responsabilité pénale des personnes morales dans de nombreux pays. En Europe, par exemple, la France, l'Italie, l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Portugal... Avec, dans chaque cas, des nuances importantes, auxquelles il n'est pas possible de se référer maintenant. En Amérique, des pays comme le Brésil, l'Argentine, le Pérou, le Chili, l'Équateur, le Costa Rica... En réalité, le chiffre trouve ses racines dans le droit anglo-saxon. Aux États-Unis, des formes de responsabilité pénale des entreprises existent au moins depuis le début du XXe siècle, et le concept a également une longue tradition au Royaume-Uni. À partir de là, tout s'est joué entre nous.

Pourquoi cette législation touche-t-elle aussi l'Église, et le droit civil mentionne-t-il spécifiquement l'Église ? 

-Dans le cadre de la gestion économique ordinaire de ses activités, une entité ecclésiastique pourrait encourir certains des délits pénaux dont découle ce type de responsabilité, comme le blanchiment d'argent, s'il y avait, par exemple, un manque de contrôle sur les dons reçus ; ou des délits contre la Sécurité sociale, comme conséquence de mauvaises pratiques - c'est aussi un exemple - en relation avec les différentes formes de collaboration et de bénévolat qui sont souvent pratiquées au sein des entités ecclésiastiques. La loi n'exclut pas l'Église, elle y est donc soumise. Il est d'ores et déjà entendu que nous nous référons uniquement aux activités qui ont une pertinence dans la sphère civile et qui peuvent relever des conduites typiques qui génèrent ce type de responsabilité juridique.

Comment la législation pénale de cet État affecte-t-elle le droit canonique ?

-Le droit canonique ne dispose pas d'un régime de responsabilité pénale des institutions à la manière de ces récentes réglementations étatiques, mais il dispose d'un ordre juridico-administratif orienté vers la pratique de la bonne gouvernance dans l'Église. Si un organisme ecclésiastique devait considérer qu'il est opportun d'établir un système de conformité Je lui conseillerais d'essayer de l'intégrer aux normes du droit canonique. L'Église ne doit ni renoncer à sa propre tradition juridique ni adopter sans critique les normes étatiques qui peuvent conduire à une véritable sécularisation interne des institutions ecclésiales. 

Cette intégration des normes canoniques et civiles ne semble pas facile.....

-Certainement pas. Cette nouvelle législation soulève de nombreux doutes d'un point de vue canonique. Je ne fais pas seulement référence aux problèmes d'interprétation des normes, mais aussi à des aspects plus substantiels. Je ne sais pas dans quelle mesure certains aspects des "politiques d'entreprise" en vogue, qui sont imposées par la force de la loi de l'État, sont compatibles avec la culture du gouvernement ecclésial et le style pastoral propre à l'Église. Je suis préoccupé par le fait qu'une législation séculière toujours plus étendue et intrusive conditionne en pratique la vie interne de l'Église. Il y a beaucoup à réfléchir sur ces questions. 

Quel est l'objectif du symposium que vous organisez prochainement en Navarre sur cette question ?

-Nous souhaitons approfondir la dimension canonique du sujet, qui n'a pas fait l'objet jusqu'à présent de l'attention de la doctrine spécialisée. C'est le trait distinctif de notre symposium. Avec l'aide de canonistes hautement qualifiés de différents pays, nous tenterons d'identifier, conformément au droit de l'Église, les différentes catégories juridiques auxquelles se réfère le droit pénal de l'État, afin qu'il puisse être appliqué aux institutions ecclésiastiques, en tenant compte de leurs particularités juridiques.

Comment cette réforme juridique est-elle perçue dans les institutions ecclésiastiques en Espagne ?

-Avec beaucoup d'inquiétude et peu de conscience du rôle du droit canonique en la matière. Avec ce Symposium, nous souhaitons aider les organismes ecclésiastiques à établir leur régime de droit canonique. conformité en accord avec le droit canonique et éviter les applications hâtives du droit étatique.

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