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Jeux de pouvoir dans l'Église d'Espagne

Revue du livre récemment publié par José Francisco Serrano Oceja, Église et pouvoir en Espagneune synthèse permettant de comprendre l'évolution de l'Église au cours du siècle dernier.

José Carlos Martín de la Hoz-4 novembre 2024-Temps de lecture : 4 minutes
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José Francisco Serrano Oceja. L'Église et le pouvoir en Espagne. De Vatican II à nos jours. Arzalia ediciones, Madrid 2024, 375 pp. 

José Francisco Serrano Oceja (Santander, 1968), professeur de journalisme à l'Université San Pablo-CEU de Madrid et professeur d'histoire contemporaine, vient de publier un essai intéressant sur les relations entre l'Eglise et la société civile depuis le Concile Vatican II jusqu'à nos jours. Jetons-y un bref coup d'œil.

Dans cet essai, le professeur Serrano Oceja fait preuve d'un mélange naturel entre sa facette d'historien et celle de communicateur religieux, parvenant à une synthèse acceptable tant en termes de style d'écriture que de traitement différent des questions.

Le XIXe siècle

En effet, le livre commence par un exposé extraordinaire des relations entre l'Église et l'État au XIXe siècle, le siècle le plus compliqué de notre histoire. D'une part, il décrit cette partie de l'histoire du XIXe siècle en se concentrant sur les relations entre les libéraux conservateurs et les libéraux progressistes et leur reflet constant tout au long du siècle dans leur animosité commune à l'égard de l'Église catholique. En effet, les gouvernants pratiquent la déchristianisation d'un pays qui n'a pas connu les vraies lumières. 

L'effritement de la confiance dans l'Église, la destruction progressive des arguments catholiques dans la vie sociale et culturelle seront de plus en plus perceptibles. 

Ils ont tenté de changer les mentalités par le biais de Constitutions, de changements de gouvernement, de mépris dans la presse, au théâtre, de blasphèmes et, surtout, d'un anticléricalisme atroce mêlé à des démembrements successifs qui ont rendu l'Église catholique espagnole incapable d'exercer la charité envers les nécessiteux et de subvenir à leurs besoins les plus précaires.

20e siècle : première moitié

Depuis l'arrivée du 20ème siècle et l'arrivée du Krausisme et la formation d'une nouvelle intelligentsia, de plus en plus de mesures seront prises pour conduire à une guerre civile d'extermination et de destruction fraternelle. Le pays sera divisé jusqu'à la moelle, famille par famille et milieu par milieu. 

L'étude de Serrano Oceja sur le XXe siècle et la guerre civile espagnole est précise, brève et percutante. Les choses ne pouvaient que se passer ainsi, car tout était parfaitement synchronisé pour faire de l'Espagne un banc d'essai de ce qui allait être l'émergence des idéologies et leur affrontement à mort, d'abord dans la péninsule ibérique, puis sur le vieux continent européen.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'Espagne et l'Europe se reconstruisent, et l'Espagne est freinée par la présence d'une dictature et la connivence de l'Église avec un régime qui n'a d'autres armes pour se maintenir que d'éviter à tout prix la liberté politique.

20e siècle : seconde moitié

À partir des années 1960, le livre devient une étude des relations des évêques avec un régime défait par la culture et la rue, tant dans l'université que dans la classe ouvrière qui lui tournait le dos. 

Comme l'a indiqué le professeur Julio Montero, les intellectuels et les professionnels libéraux ont vécu en marge de la politique jusqu'à la mort du dictateur, date à laquelle ils ont pris le pouvoir.

La base documentaire avec laquelle l'auteur aborde la deuxième partie du livre, du Concile Vatican II à nos jours, est tirée de l'essai publié en 2016 avec Pablo Martín de Santa Olalla (Encuentro, 294 pp). D'où la confiance avec laquelle il exprime, notamment, la situation difficile de l'Église sous les gouvernements de Felipe González, surtout en matière d'éducation.

L'Assemblée paritaire

En premier lieu, il faut saluer le traitement délicat de l'Assemblée mixte des évêques et des prêtres qui devait se conclure en septembre 1971 et dont le cardinal Tarancon remettra le procès-verbal à Paul VI lui-même avant le début du Synode des évêques de la même année. 

Le phénomène de contestation et de manipulation des votes a conduit à des conclusions qui ne correspondent pas à la pensée de la majorité du clergé mais à celle de certains qui finiront par abandonner le ministère sacerdotal. 

L'auteur s'efforce de déplacer les responsabilités et de se rapprocher de l'origine de la division du clergé en Espagne et du début de l'animosité d'une partie du clergé contre l'Opus Dei, à cause de la question du " document romain ". Il est clair que les mêmes personnes qui ont capitalisé sur la manœuvre ont fini par supprimer la condamnation du clergé par le Dicastère, en échange de l'enterrement du Conjoint. 

Logiquement, Serrano Oceja évite d'entrer dans le phénomène de la protestation qui s'est produite après l'élection présidentielle. conclusion de Vatican II et que le pape Benoît XVI a résumé par le dilemme entre l'herméneutique de la continuité avec la tradition de l'Église et l'herméneutique de la rupture, comme celle des néo-modernistes qui existent encore aujourd'hui, métamorphosés en "dictature du relativisme".

Questions ouvertes

Au terme de ce travail, nous devons nous demander pourquoi l'Église et, en particulier, les évêques, n'ont guère d'écho dans l'opinion publique et pourquoi leurs documents ont perdu de l'intérêt et de l'influence parmi les intellectuels espagnols. L'explication tient peut-être à la sécularisation de la société espagnole, comme l'évoquera Serrano Oceja en parlant d'une société qui a successivement voté pour le PSOE, tout en recevant avec grand enthousiasme les visites de saint Jean-Paul II en Espagne. Il se peut aussi que l'Église doive présenter ses propositions aux problèmes avec plus de clarté, en se basant sur la révélation chrétienne et en faisant appel aux racines chrétiennes de l'Europe, comme l'ont rappelé Jean-Paul II et François.

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