Il est décédé Jean Paul II Le 2 avril 2005, le pape de ma jeunesse, que j'avais suivi lors de ses déplacements en Espagne, ainsi que de nombreux autres jeunes de ma génération, et moi-même avons décidé d'organiser un pèlerinage à Rome avec mes étudiants pour assister à ses funérailles le 8 avril. Je l'ai proposé aux anciens de l'école où je travaillais, sans omettre les éventuels inconvénients que nous aurions à subir ; et l'idée a été si bien accueillie que beaucoup de ceux qui étaient intéressés n'ont pas pu venir parce que nous n'avons pas pu obtenir suffisamment de billets d'avion.
Il n'y a pas eu une seule plainte concernant le fait de toujours porter un sac à dos, de dormir à même le sol dans les environs du Castell Sant'Angelo, ou de commencer tôt pour obtenir un bon emplacement sur la place Saint-Pierre, ce que nous avons effectivement réussi à faire. Il n'y a pas eu une seule plainte pour quelque raison que ce soit.
Pour moi, comme je l'ai toujours reconnu, cette aventure a été une grande leçon que je n'ai jamais oubliée : les jeunes sont capables de beaucoup plus que ce que nous imaginons habituellement. Nous sommes rentrés à Madrid très satisfaits de la décision que nous avions prise, avec la satisfaction intérieure d'avoir participé aux funérailles solennelles d'un pape très aimé et très saint et, en même temps, ravis de l'aventure que nous avions vécue ensemble.
Cette réponse forte et généreuse en faveur du bien du groupe (réaliser le projet et que tout le monde s'amuse) a montré les vertus de ceux qui formaient le groupe. Et je dis vertus et non valeurs, comme on les appelle plus souvent aujourd'hui, parce que les valeurs sont suffisantes pour être connues intellectuellement ; les vertus, en revanche, doivent être vécues, ce qui implique toujours un dépassement personnel de notre tendance naturelle au confort. On peut savoir qu'être ponctuel en classe est une valeur importante, mais vivre la vertu de la ponctualité exige de quitter le match de football de la récréation avec suffisamment de temps pour arriver à l'heure en classe, un jour, un autre jour... et tous les jours - et tous les jours.
Valeurs et vertus
Les valeurs sont des principes que notre intelligence considère comme importants, bénéfiques et souhaitables, et qui nous incitent à bien nous comporter et à vivre de manière positive, par exemple l'honnêteté, le respect et la gentillesse. Les valeurs peuvent englober des aspects moraux, culturels, esthétiques, sociaux et matériels, etc. Ce sont des concepts intellectuels qui suggèrent qu'un certain comportement personnel ou social est meilleur qu'un autre.
De nos jours, on parle beaucoup de "l'éducation aux valeurs". En réalité, il n'y a pas d'autre moyen d'éduquer que les valeurs. Ce n'est qu'en se référant aux valeurs que l'on peut discerner ce qui est bon et ce qui est mauvais ; mais il existe différentes catégories de valeurs : chrétiennes, communistes, musulmanes, celles d'une culture orientale, etc. Et il est très important de décider lesquelles guident notre travail éducatif et notre vie. Pour éviter toute ambiguïté, nous prenons ici les valeurs chrétiennes comme point de référence.
L'éthique classique distingue clairement le bien du mal ; en revanche, le concept de "valeur" - apparu au XXe siècle - peut être utilisé indistinctement pour parler du bien ou du mal, bien que l'on distingue les valeurs positives des valeurs négatives ou des anti-valeurs.
Aristote et saint Thomas d'AquinAu contraire, ils distinguent le bien du mal par des termes différents : la vertu et le vice. La vertu - selon son étymologie, elle vient du mot latin visqui signifie force et suggère une impulsion à faire ce qui est juste - est une bonne habitude fixée dans la volonté d'une personne qui la dispose intérieurement à faire le bien ; tandis qu'un vice est un défaut - saint Thomas parlait du "vice" d'une chaise lorsqu'elle est mal construite - et peut se produire dans le domaine de n'importe quelle vertu ; mais il précise qu'un seul acte ne suffit pas, mais qu'"un vice" est une inclination, une manière d'être qui nous éloigne de ce qui est bon.
Les vertus, comme nous l'avons déjà mentionné, sont des forces de caractère qui nous aident à être de bonnes personnes. Depuis l'Antiquité, nous parlons de quatre vertus cardinales : la prudence, la justice, la force d'âme et la tempérance, dont découlent toutes les vertus humaines. À cela s'ajoutent, ne serait-ce que pour les mentionner, les vertus théologales : la foi, l'espérance et la charité, que Dieu nous donne gratuitement et qui sont des aides plus puissantes que les vertus cardinales.
Ainsi, les valeurs sont les concepts intellectuels que nous considérons comme importants pour discerner qu'un certain comportement est meilleur qu'un autre, personnellement ou socialement ; tandis que les vertus vont plus loin : elles sont comme des "superpouvoirs" qui nous aident à faire le bien de manière cohérente et volontaire. Par exemple, vous pensez peut-être clairement que l'honnêteté - entre autres choses, la capacité de traiter les gens sur un pied d'égalité et de comprendre que tout le monde devrait avoir les mêmes chances - est très importante pour vivre ensemble ; mais être honnête exige que vous soyez juste dans les jeux avec les autres, de sorte que tous les participants suivent les règles, sans tromper les autres ni tricher ; et cela vous aide aussi à vous comporter de cette manière.
La vertu n'est pas quelque chose d'improvisé", a expliqué le pape François lors de l'audience générale du 13 mars 2024, "au contraire, c'est un bien qui naît d'une lente maturation de la personne, jusqu'à ce qu'il devienne sa caractéristique intérieure.
D'autre part, le terme "vertu" gagne actuellement en popularité :
- Dans l'entreprise, certains problèmes de travail pourraient être résolus en développant des vertus, par exemple certaines difficultés à effectuer le travail, à respecter les délais, à travailler en équipe, à tenir sa parole, etc.
- Dans le domaine de l'éducation, l'un des objectifs que nous recherchons est le développement humain intégral, qui se concrétise par le développement des vertus humaines. Dans certaines universités, comme Oxford ou Birmingham, il existe déjà des recherches bien développées sur ce sujet.
Le prix et la récompense des vertus
Le moment est venu de commencer à clarifier certaines questions fondamentales :
- Nous avons besoin des vertus pour faire le bien et lutter contre le mal ; elles sont une aide indispensable à cette fin : comme le vent dans les voiles d'un navire, qui le pousse vers sa destination en soulageant les rames.
- Développer les vertus suppose une volonté entraînée à l'effort et au sacrifice. Vouloir vivre une vie vertueuse nous oblige à donner une place importante à la douleur et à la souffrance dans notre vie ; oui ou oui, je dois renoncer à ce que je veux et faire ce que je dois faire à tout moment ; mais cela ne signifie pas que ma vie est volontariste et triste : c'est l'amour qui nous permet de supporter avec joie la douleur et le sacrifice et d'être très heureux même dans les épreuves. C'est ce qu'exprime magnifiquement une jota navarraise qui dit : "J'ai traversé les Bardenas, bien qu'il neigeait et pleuvait, mais comme j'allais te voir, il m'a semblé que c'était le printemps".
De plus, lorsqu'ils sont bénéfiques, nous trouvons un sens à la fatigue et à la souffrance, et ils nous apportent le bonheur.
La scène suivante, tirée du "Seigneur des Anneaux", en est une bonne illustration. Dans un moment de découragement dû à une faiblesse extrême après des jours sans manger et à la menace sérieuse qui pèse sur la Mission, alors qu'il observe les armées du Mordor,
Soudain, au loin, comme sorti des souvenirs de la Comté, éclairé par le premier soleil du matin, alors que le jour s'éveillait et que les portes s'ouvraient, il entendit la voix de Sam : "Réveillez-vous, M. Frodon ! Réveillez-vous ! -Si la voix avait ajouté : 'Le petit déjeuner est servi', il aurait été peu surpris". Il est évident que Sam était inquiet.
Réveillez-vous, M. Frodon ! Ils sont partis, et nous ferions mieux de partir d'ici aussi.
-Courage, M. Frodon !
"Frodon releva la tête, puis s'assit. Le désespoir ne l'avait pas quitté, mais il n'était plus aussi faible. Il sourit même, avec une certaine ironie, sentant maintenant aussi clairement que l'instant d'avant il avait senti le contraire, que ce qu'il devait faire, il devait le faire, s'il le pouvait, et qu'il importait peu que Faramir ou Aragorn ou Elrond ou Galadriel ou Gandalf ou n'importe qui d'autre n'en sache jamais rien. Il prit le bâton dans une main et la fiole de verre dans l'autre. Lorsqu'il vit qu'une lumière claire coulait entre ses doigts, il la replaça sur sa poitrine et la serra contre son cœur. Puis, tournant le dos à la cité de Morgul, il reprit le chemin de l'ascension."
Frodon est réconforté par le souvenir de Dame Galadriel lui présentant en Lothlórien la petite fiole qui l'éclaire.
"Et toi, porteur de l'anneau, dit la Dame en se tournant vers Frodon. J'ai préparé ceci pour toi. Il brandit une petite fiole qui étincela lorsqu'elle la fit bouger, et des rayons de lumière jaillirent de sa main. Dans cette fiole, dit-elle, j'ai rassemblé la lumière de l'Étoile d'Eärendil, telle qu'elle est apparue dans les eaux de ma fontaine. Elle brillera encore plus fort au milieu de la nuit. Qu'elle soit pour toi une lumière dans les lieux sombres, quand toutes les autres lumières se seront éteintes. Souviens-toi de Galadriel !"
Cet épisode montre très clairement comment le souvenir de Galadriel donne à Frodon du courage et, à cause de son amour pour elle, il décide de remonter ; et en même temps, la lumière qui jaillit de la fiole qu'elle lui a donnée le pousse à accomplir la Mission, qui est de détruire l'Anneau dans le Mordor, pour libérer le monde de l'esclavage de Sauron.
Conclusions
Les vertus humaines sont des habitudes que l'homme acquiert par un effort continu, qui font de lui une meilleure personne, qui le poussent à faire le bien de manière permanente et stable et qui l'aident à mener une vie réussie que nous appelons "vie vertueuse" ; qui ne consiste pas en un lourd fardeau, ni en un simple respect d'un ensemble de règles et de sacrifices. Au contraire, la recherche de l'intégrité rend meilleur et plus heureux.
Il ne suffit pas de commencer à étudier un jour à l'heure dite pour acquérir la vertu de diligence, mais il faut que, librement et volontairement, nous vivions chaque jour des actes de diligence - et si nous échouons, nous recommençons - ; cette persévérance forgera dans notre volonté la ferme disposition à être diligent de manière régulière ; en même temps, nous constatons qu'il devient de plus en plus facile d'accomplir les tâches à l'heure dite, avec simplicité et plaisir. Et cela vaut pour toutes les vertus humaines.
Mais dans le développement des vertus par le garçon ou la fille, en plus de la répétition des actes, la dimension affective est également d'une grande importance : de nombreux enfants sont confrontés à des difficultés avec la vertu de pureté, qu'ils ne parviennent pas à surmonter, bien qu'ils essaient ; mais soudain, ils tombent amoureux et on leur rend la pareille, et soudain, ces difficultés disparaissent. L'amour génère une force, une énergie intérieure, qui aide à surmonter toutes les difficultés.
Les prochains articles seront consacrés aux vertus humaines, en rappelant ce qu'elles sont et en montrant comment aider les enfants et les élèves à les développer et à les acquérir. L'une de mes sources d'inspiration sera la littérature de Tolkien, qui a créé une mythologie avec l'intention claire d'encourager ses lecteurs à s'engager sur la voie du bien et de la lutte contre le mal, et dans laquelle ses protagonistes se distinguent par le fait qu'ils vivent les vertus que nous appelons humaines - la force d'âme, le détachement, l'esprit de service, la solidarité, etc. J'essaierai également de montrer des témoignages contemporains abondants et variés qui peuvent nous servir d'exemples.
Physicien. Professeur de mathématiques, de physique et de religion au niveau du baccalauréat.