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Le Vatican publie un document très attendu sur la dignité humaine

Lors de la conférence de presse de présentation du document, le cardinal Fernández a déclaré qu'il espérait que ce texte aurait les mêmes répercussions que "Fiducia supplicans".

Andrea Acali-8 avril 2024-Temps de lecture : 9 minutes

Le cardinal Fernández lors de la conférence de presse d'aujourd'hui ©OSV

La déclaration tant attendue du Dicastère pour la Doctrine de la Foi "Dignitas infinita" sur le thème de la dignité humaine a été publiée. Le préfet, le cardinal Fernandez, dans sa présentation, rappelle qu'il a fallu cinq ans pour préparer le document, avec une modification finale substantielle "pour répondre à une demande du Saint-Père, qui a explicitement exhorté à concentrer l'attention sur les graves violations actuelles de la dignité humaine à notre époque, dans le sillage de l'encyclique 'Fratelli tutti'" : le drame de la pauvreté, la situation des migrants, la violence contre les femmes, la traite des êtres humains, la guerre.

La Déclaration rappelle que "le respect de la dignité de chacun est la base indispensable à l'existence même de toute société qui se veut fondée sur le droit juste et non sur la force du pouvoir. C'est sur la base de la reconnaissance de la dignité humaine que sont défendus les droits fondamentaux de l'homme qui précèdent et sous-tendent toute coexistence civilisée. C'est donc à chaque personne et, en même temps, à chaque communauté humaine qu'il appartient de réaliser concrètement et effectivement la dignité humaine, tandis que les États ont le devoir non seulement de la protéger, mais aussi de garantir les conditions nécessaires à son épanouissement dans le cadre de la promotion intégrale de la personne humaine".

La déclaration est structurée en quatre parties : "Dans les trois premières parties, elle rappelle les principes fondamentaux et les hypothèses théoriques afin de fournir des clarifications importantes qui peuvent éviter la confusion fréquente dans l'utilisation du terme "dignité". Dans la quatrième partie, il présente quelques situations problématiques actuelles dans lesquelles l'immense et inaliénable dignité qui correspond à chaque être humain n'est pas reconnue de manière adéquate. Dénoncer ces violations graves et actuelles de la dignité humaine est un geste nécessaire, car l'Église nourrit la conviction profonde que la foi ne peut être séparée de la défense de la dignité humaine, l'évangélisation de la promotion d'une vie digne et la spiritualité de l'engagement en faveur de la dignité de tous les êtres humains".

La dignité humaine

Le document, publié à l'occasion du 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, rappelle tout d'abord que "l'infinie dignité" de toute personne humaine, faite à l'image et à la ressemblance de Dieu, est "inaliénablement inscrite dans son être même". C'est la "dignité ontologique" qui "ne peut jamais être effacée et reste valable au-delà de toutes les circonstances dans lesquelles les individus peuvent se trouver". La Déclaration fait ensuite référence à trois autres concepts de dignité : morale, sociale et existentielle, qui peuvent faillir à la dignité ontologique de chaque être humain, mais ne l'effacent jamais.

L'Eglise "proclame l'égale dignité de tous les êtres humains, quelle que soit leur condition de vie ou leurs qualités". Cette proclamation repose sur trois convictions : l'amour du Dieu créateur, l'incarnation du Christ et le destin de l'homme appelé à la communion avec Dieu à la lumière de la résurrection. Cependant, la dignité humaine peut être ternie par le péché : c'est là que réside la réponse personnelle de chacun pour faire grandir et mûrir sa dignité, avec l'apport décisif de la foi à la raison.

Le document du Dicastère rappelle ensuite "quelques principes essentiels qui doivent toujours être respectés" de la Déclaration universelle des droits de l'homme et clarifie les malentendus qui sont apparus autour du concept de dignité. Comme la proposition d'utiliser la définition de la dignité personnelle, qui impliquerait que seules les personnes capables de raisonner seraient reconnues comme des personnes. La conséquence serait que "l'enfant à naître et les personnes âgées non autonomes n'auraient pas de dignité personnelle, pas plus que les handicapés mentaux". Au contraire, l'Église insiste sur la reconnaissance de la "dignité intrinsèque" de chaque être humain. Elle poursuit en critiquant l'utilisation abusive du concept de dignité pour "justifier une multiplication arbitraire de nouveaux droits, souvent opposés au droit fondamental à la vie, comme pour garantir la capacité d'exprimer et de réaliser toute préférence individuelle ou tout désir subjectif. La dignité est alors identifiée à une liberté isolée et individualiste, qui cherche à imposer certains désirs et propensions subjectifs comme des "droits", garantis et financés par la collectivité. Or, la dignité humaine ne peut se fonder sur des critères purement individuels, ni s'identifier uniquement au bien-être psychophysique de l'individu. Au contraire, la défense de la dignité humaine se fonde sur les exigences constitutives de la nature humaine, qui ne dépendent ni de l'arbitraire individuel ni de la reconnaissance sociale. Les devoirs découlant de la reconnaissance de la dignité de l'autre et les droits correspondants qui en découlent ont donc un contenu concret et objectif, fondé sur la nature humaine commune. Sans cette référence objective, le concept de dignité est en effet soumis à l'arbitraire le plus divers et aux intérêts du pouvoir".

Le document rappelle que la dignité de l'être humain inclut également la capacité d'assumer des obligations envers autrui et l'importance de la liberté, en abordant ce qui la conditionne, la limite et l'obscurcit, ainsi que la question du relativisme.

Au cours de la présentation, M. Fernandez a qualifié la dignité humaine de "pilier fondamental de l'enseignement chrétien". Le cardinal argentin s'est appuyé sur la précédente déclaration sur les bénédictions, "Fiducia supplicans", qui "a été consultée sept milliards de fois sur Internet", citant une étude montrant qu'en Italie, parmi les moins de 35 ans, 75% des personnes interrogées étaient d'accord avec ce document. "Celui d'aujourd'hui est beaucoup plus important et nous souhaitons qu'il ait le même impact, car le monde a besoin de redécouvrir les immenses implications de la dignité humaine". Il a toutefois précisé que ces propos ne constituaient pas une autodéfense après la vive controverse de ces dernières semaines sur la "Fiducia supplicans".

Le préfet a souligné la "croissance de l'Eglise dans la compréhension de la dignité, jusqu'au rejet total de la peine de mort, point culminant de la réflexion sur l'inviolabilité de la vie humaine" et a raconté deux anecdotes. La première concerne le choix du titre : ils avaient pensé à "Au-delà de toutes les circonstances", parce que c'est la clé pour comprendre l'ensemble de la déclaration, mais ils ont ensuite choisi une citation tirée d'un discours aux handicapés prononcé par Jean-Paul II en 1980, lors de son premier voyage en Allemagne. L'autre était personnelle, lorsque dans un moment personnel difficile à Buenos Aires, à l'occasion de sa nomination comme recteur de l'Université Catholique, Bergoglio lui a dit "Non, Tucho, lève la tête parce qu'ils ne peuvent pas t'enlever ta dignité...".

La dernière partie de la Déclaration "aborde certaines violations concrètes et graves" de la dignité humaine, à commencer par la "tragédie de la pauvreté", qui touche non seulement les pays riches et les pays pauvres, mais aussi les inégalités sociales : "Nous sommes tous responsables, dans une mesure plus ou moins grande, de cette inégalité criante". Il y a aussi la guerre, qui "avec son cortège de destructions et de souffrances, porte atteinte à la dignité humaine à court et à long terme". Outre l'appel "plus jamais la guerre", le document rappelle que "la relation intime entre la foi et la dignité humaine rend contradictoire le fait que la guerre soit fondée sur des convictions religieuses".

Migrants

Et encore les migrants, "parmi les premières victimes des multiples formes de pauvreté" : leur accueil "est une manière importante et significative de défendre la dignité inaliénable de toute personne humaine". La traite des êtres humains est également "considérée comme une grave violation de la dignité humaine" et est définie comme un "crime contre l'humanité" : "L'Eglise et l'humanité ne doivent pas renoncer à lutter contre des phénomènes tels que le commerce d'organes et de tissus humains, l'exploitation sexuelle des enfants, le travail forcé, y compris la prostitution, le trafic de drogues et d'armes, le terrorisme et la criminalité internationale organisée". L'engagement de l'Église dans la lutte contre le fléau des abus sexuels est réaffirmé.

Violence à l'égard des femmes

L'accent est mis sur la violence à l'égard des femmes : "Il s'agit d'un scandale mondial, de plus en plus reconnu. Bien que l'égale dignité des femmes soit reconnue en paroles, dans certains pays les inégalités entre les femmes et les hommes sont très graves, et même dans les pays les plus développés et les plus démocratiques, la réalité sociale concrète témoigne que les femmes ne sont souvent pas reconnues comme ayant la même dignité que les hommes". Outre la condamnation des différentes formes de discrimination, "parmi les formes de violence exercées à l'encontre des femmes, comment ne pas mentionner la contrainte à l'avortement, qui touche aussi bien la mère que l'enfant, souvent pour satisfaire l'égoïsme des hommes, et comment ne pas mentionner la pratique de la polygamie ? "Dans ce contexte de violence à l'égard des femmes, le phénomène du féminicide ne peut être suffisamment condamné. Sur ce front, l'engagement de l'ensemble de la communauté internationale doit être compact et concret".

Avortement

Il réitère ensuite la condamnation de l'avortement sans exclusion, en rappelant les paroles de saint Jean-Paul II dans "Evangelium Vitae", et réaffirme qu'"il faut affirmer avec force et clarté, également à notre époque, que cette défense de la vie naissante est intimement liée à la défense de tout droit de l'homme". En ce sens, "l'engagement généreux et courageux de Sainte Thérèse de Calcutta pour la défense de toute personne conçue mérite d'être rappelé".

La gestation pour autrui

Elle condamne la "pratique de la gestation pour autrui, par laquelle l'enfant immensément digne devient un simple objet" : "Elle viole avant tout la dignité de l'enfant" qui a "le droit, en vertu de sa dignité inaliénable, d'avoir une origine pleinement humaine et non artificiellement induite, et de recevoir le don d'une vie qui manifeste, en même temps, la dignité de celui qui la donne et de celui qui la reçoit". La reconnaissance de la dignité de la personne humaine implique également la reconnaissance de la dignité de l'union conjugale et de la procréation humaine dans toutes ses dimensions. En ce sens, le désir légitime d'avoir un enfant ne peut être transformé en un "droit à l'enfant" qui ne respecte pas la dignité de l'enfant lui-même en tant que bénéficiaire du don gratuit de la vie. Il va ensuite à l'encontre de "la dignité de la femme elle-même qui est contrainte ou choisit librement de s'y soumettre". Avec une telle pratique, la femme se dissocie de l'enfant qui grandit en elle et devient un simple moyen au service du profit ou du désir arbitraire d'autrui".

Euthanasie

Un autre chapitre clé est consacré à l'euthanasie, "un cas particulier de violation de la dignité humaine, plus silencieux mais qui gagne beaucoup de terrain. Elle a la particularité d'utiliser une conception erronée de la dignité humaine pour la retourner contre la vie elle-même". "L'idée que l'euthanasie ou le suicide assisté sont compatibles avec le respect de la dignité de la personne humaine est très répandue. Face à ce constat, il faut réaffirmer avec force que la souffrance ne fait pas perdre au malade la dignité qui lui est intrinsèquement et inaliénablement propre, mais qu'elle peut devenir une occasion de renforcer les liens d'appartenance mutuelle et de prendre davantage conscience de la valeur de chaque personne pour l'humanité tout entière. Certes, la dignité de la personne gravement malade ou en phase terminale exige un effort adéquat et nécessaire de la part de tous pour soulager ses souffrances par des soins palliatifs appropriés et en évitant tout acharnement thérapeutique ou toute intervention disproportionnée [...]. Mais un tel effort est totalement différent, différent, voire contraire à la décision d'éliminer sa propre vie ou celle d'autrui sous le poids de la souffrance. La vie humaine, même dans sa condition douloureuse, est porteuse d'une dignité qui doit toujours être respectée, qui ne peut être perdue et dont le respect reste inconditionnel". Des concepts similaires pour l'assistance aux personnes handicapées et vulnérables, pour lesquelles "l'inclusion et la participation active à la vie sociale et ecclésiale de tous ceux qui sont, d'une manière ou d'une autre, marqués par la fragilité ou le handicap, doivent être encouragées autant que possible".

Idéologie du genre

Une condamnation explicite concerne la théorie du genre. Tout en réaffirmant le respect dû à toute personne et la condamnation de toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, avec un appel à la dépénalisation de l'homosexualité dans les pays où elle reste un crime, la Déclaration "rappelle que la vie humaine, dans toutes ses composantes, physiques et spirituelles, est un don de Dieu, qui doit être accepté avec gratitude et mis au service du bien. Vouloir disposer de soi, comme le prescrit la théorie du genre, indépendamment de cette vérité fondamentale de la vie humaine comme don, ne signifie rien d'autre que céder à l'antique tentation pour l'être humain de se faire Dieu et d'entrer en compétition avec le vrai Dieu d'amour qui nous est révélé dans l'Évangile". La différence sexuelle est donc "non seulement la plus grande différence imaginable, mais aussi la plus belle et la plus puissante [...], le respect de son propre corps et de celui des autres est essentiel face à la prolifération et à la revendication de nouveaux droits avancés par la théorie du genre [...]. Toute tentative d'occulter la référence à la différence sexuelle inéliminable entre l'homme et la femme est donc à rejeter". Dans ce contexte, "toute intervention visant à changer de sexe, en règle générale, risque de menacer la dignité unique que la personne a reçue dès le moment de la conception. Cela n'exclut pas la possibilité qu'une personne souffrant d'anomalies génitales déjà évidentes à la naissance ou qui se développent ultérieurement choisisse de recevoir une assistance médicale afin de résoudre ces anomalies".

Violence numérique

Enfin, le document examine la violence numérique et met en garde contre la création d'un monde d'exploitation, d'exclusion et de violence croissantes, facilitée par le progrès technologique : "Ces tendances représentent le côté sombre du progrès numérique. De ce point de vue, si la technologie doit servir la dignité humaine et non lui nuire, et si elle doit promouvoir la paix plutôt que la violence, la communauté humaine doit être proactive dans la lutte contre ces tendances en respectant la dignité humaine et en promouvant le bien".

Répondant à une question lors de la présentation, le cardinal a finalement affirmé que l'enfer est compatible avec la liberté humaine, que Dieu respecte, mais il reste la question que le pape François soulève souvent sur la possibilité que l'enfer soit vide.

L'auteurAndrea Acali

-Rome

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