Le charme de la voix

La voix de chacun nous incite à penser que la nôtre est différente de toute autre et qu'elle est invitée à s'exprimer, à échanger. Cela pourrait être le début d'une nouvelle prise de conscience de ce que signifie être dans le monde.

7 avril 2021-Temps de lecture : 3 minutes
un enfant chante devant un micro

Photo : Jason Rosewell / Unsplash

"Mais je n'entends que ta voix et elle s'élève / ta voix avec le vol et la précision d'une flèche". La voix a ce pouvoir pratique, que Neruda résume dans ces vers : elle rend le mot audible et spécial, et sait lui assigner sa propre singularité, une singularité propre à la personne qui le prononce.

La voix, combinaison de sons distinctifs, de mémoire et d'émotions, mûrit en nous, monte des poumons à la gorge, sort de la bouche comme une flèche vers sa cible, entre dans l'espace commun et va vers les autres, révélant non seulement ce que nous avons l'intention de dire, mais aussi ce que nous voudrions cacher. En cela, la voix est loyale, trop loyale envers nous, au point de nous trahir.

En latin, vox signifie son, ton, et est comme un pont reliant deux rives, permettant une relation. Souvent utilisé comme synonyme de mot, jugement et phrase, vox indique également le chant, comme celui des sirènes (Voix de Sirenum), et même l'incantation : dans Horace le voces sacrae sont des formules magiques, des moyens de guérison. Une voix peut aussi guérir, semble suggérer le poète.

Si intime pour nous, elle a fini par être pillée par une série de dictons populaires : "passer la voix", "entendre la voix", "donner la voix", "donner la voix aux sans-voix", autant d'expressions qui affichent leur potentiel relationnel. Ou bien nous utilisons la voix du cœur et la voix du sang, comme si nos organes eux-mêmes voulaient être entendus, directement, sans médiation.

Il est immédiatement clair qu'il est destiné à la parole. Mais dans ce destin, il exerce un magnétisme particulier : il défend les mots contre la dérive vers l'abstraction, comme s'ils étaient des nuages qui volent au-dessus de nos têtes sans qu'on s'en soucie, bons pour faire des chroniques comme celle-ci, et il nous libère du risque du logocentrisme, en rendant notre façon de parler (justement) concrète, corporelle. Avec sa "minutie" particulière, la voix est la corporalité du dire qui se situe entre le corps et la parole, elle est l'échange entre le corps et la parole.

Il ne pose qu'une seule condition : demander à être écouté. Et en présumant de l'écoute, elle s'ouvre à la reconnaissance de la différence : le mot que tu m'adresses n'est pas séparé du réel, parce que tu le dis maintenant. Unique comme vous, comme la curiosité qu'elle nourrit, comme la relation qu'elle établit avec l'autre.

Il était une fois un roi, nous dit Calvino, qui, pour ne pas risquer de perdre son pouvoir, finit par se réduire à un prisonnier dans son palais, assis sur son trône et accroché à son sceptre. Bloqué par la peur d'être victime d'un complot, il se consacre à une seule activité, celle de l'écoute, qui devient vite une obsession pour contrôler le moindre bruit. Jusqu'à ce qu'il entende une voix qui chantait... Une voix qui provenait d'une personne, unique et non répétable comme toutes les personnes. Calvino souligne : une voix qui manifeste toujours ce qui est le plus caché et le plus vrai dans une personne.

Cette voix a changé le destin du royaume. Comment ? Par la force de l'intuition du roi : la voix lui a indiqué qu'il y avait une personne vivante, gorge, poitrine et histoire, différente de toutes les autres, qui l'invitait à sortir de lui-même, de sa cage. Et il l'a écouté.

Cela arrive à un roi et cela peut nous arriver.

Le plaisir que la voix produit dans sa propre existence nous attire et nous émeut. Elle nous incite à penser que la nôtre est différente de toute autre et qu'elle est invitée à s'exprimer, à échanger. Ce pourrait être le début d'une nouvelle prise de conscience de ce que signifie être dans le monde, de ce qu'est une relation.

La voix a une dernière caractéristique : elle résiste au temps, elle reste imprimée dans la mémoire auditive et continue à nous tenir compagnie même si son propriétaire la perd ou déménage. Ce doit être son sort.

L'auteurMaria Laura Conte

Diplôme en littérature classique et doctorat en sociologie de la communication. Directeur de la communication de la Fondation AVSI, basée à Milan, qui se consacre à la coopération au développement et à l'aide humanitaire dans le monde entier. Elle a reçu plusieurs prix pour son activité journalistique.

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