La prophétie de Joseph Ratzinger

Benoît XVI était convaincu que l'Église vivait une époque semblable à celle qui a suivi les Lumières et la Révolution française. Aujourd'hui, nous constatons que nombre de ses prédictions se sont réalisées. Cela n'a pas provoqué chez Joseph Ratzinger une expérience négative : il pensait que cette situation conduirait à un temps de purification qui aiderait l'Église à devenir plus authentique et plus libre.

8 juin 2024-Temps de lecture : 4 minutes

Les chrétiens célèbrent le dimanche des Rameaux à Jérusalem ©OSV

Alors que la NASA mettait la dernière main aux préparatifs qui allaient permettre à l'homme de poser le pied sur la lune pour la première fois, un jeune théologien, Joseph Ratzinger, se posait des questions similaires. Le titre de l'une de ses interventions radiophoniques, publiée plus tard dans le livre "L'Église en l'an 2000", était "À quoi ressemblera l'Église en l'an 2000 ?Foi et avenir". Le futur Pape Benoît XVI était convaincu que l'Église vivait une époque semblable à celle qu'elle a connue après les Lumières et la Révolution française. Nous sommes à un tournant énorme", a-t-il expliqué, "dans l'évolution de l'humanité. Un moment par rapport auquel le passage du Moyen Âge aux temps modernes semble presque insignifiant".

L'an 2000 était alors bien loin. Elle apparaissait à l'horizon comme une ligne symbolique. L'année même où le jeune théologien allemand donnait cette conférence, Stanley Kubrick présentait son chef-d'œuvre "2001 : l'Odyssée de l'espace", dans lequel il voulait également exprimer ses intuitions sur l'avenir de l'humanité. Aujourd'hui, bien après cette époque, nous voyons combien de ces prophéties sont en train de se réaliser. Il est effrayant de voir les progrès de l'intelligence artificielle et son approche possible d'une soi-disant conscience de soi, comme cela s'est produit pour l'ordinateur HAL-9000 dans le film visionnaire. Et il est choquant de lire les paroles de ce jeune théologien allemand. En effet, il ne croyait pas que l'Église aurait une grande influence sur la société, ni qu'elle marquerait cette nouvelle époque de l'histoire. Au contraire, il pensait qu'elle était confrontée à une grande crise et à une perte totale d'influence :

De la crise actuelle, a-t-il dit, émergera une Église qui aura beaucoup perdu. Elle deviendra petite, elle devra tout recommencer. Elle ne pourra plus habiter les bâtiments qu'elle a construits en période de prospérité. Avec la diminution de ses fidèles, elle perdra aussi une grande partie de ses privilèges sociaux".

Combien d'églises vides, d'immenses séminaires aujourd'hui transformés en hôtels ou en maisons de retraite, témoignent de l'accomplissement de ces paroles ! Dans notre propre pays, nous assistons au déclin des catholiques alors qu'une génération prend le relais - précisément ceux d'entre nous qui sont nés dans ces années-là - pour qui la foi n'a plus d'importance dans la vie. Nous avons été baptisés, mais cette foi que nos parents ont voulu nous donner, nous ne l'avons plus transmise à nos enfants. Ainsi, lentement mais inexorablement, l'Église a cessé d'avoir des membres actifs et, par conséquent, elle est de moins en moins pertinente dans notre société.

Cette vision brutale de l'avenir de l'Église n'a pas amené Joseph Ratzinger à la vivre de manière négative. Au contraire. Il pensait que cette situation conduirait à un temps de purification qui aiderait l'Église à devenir plus authentique et plus libre :

"Elle [l'Église] se présentera de manière beaucoup plus intense qu'auparavant comme la communauté de la libre volonté, qui ne peut être atteinte que par une décision. Disons-le positivement : l'avenir de l'Église, également à cette occasion, comme toujours, sera à nouveau marqué du sceau des saints. Ce sera une Église plus spirituelle, qui ne souscrira pas à un mandat politique flirtant avec la gauche ou la droite. Elle sera pauvre et deviendra l'Église des pauvres.

Son successeur sur le siège de Pierre, François, au début de son pontificat, s'exclamera : "Comme je voudrais une Église pauvre pour les pauvres ! Ce n'est pas la voie du pouvoir, de l'influence, des stratégies du monde qui marquera l'avenir de l'Église. Ce n'est pas non plus son adaptation aux critères de la société qui nous rendra plus influents. Au contraire, dénonce le futur pape Benoît XVI, cela nous rendrait complètement insignifiants. Le chemin que nous devons redécouvrir est simplement, comme l'a vécu le "poverello" d'Assise, celui de la radicalité de l'Évangile. C'est celui sur lequel le pape François s'est engagé en prenant la barre de la barque de Pierre. C'est un chemin qui provoquera des tensions internes, comme on le voit aujourd'hui dans notre Église. Le jeune Joseph Ratzinger l'a d'ailleurs indiqué dans son discours :

"Le processus sera d'autant plus difficile qu'il faudra éliminer à la fois l'étroitesse d'esprit sectaire et le volontarisme enhardi. On peut prévoir que cela prendra du temps. Le processus sera long et laborieux. Mais après l'épreuve de ces divisions, une grande force émergera d'une Église intériorisée et simplifiée, parce que les êtres humains seront indiciblement seuls dans un monde entièrement planifié. Il fera l'expérience, lorsque Dieu aura totalement disparu pour lui, de son absolue et horrible pauvreté. C'est alors qu'ils découvriront la petite communauté des croyants comme quelque chose de totalement nouveau. Comme une espérance importante pour eux, comme une réponse qu'ils ont toujours cherchée à tâtons.

Le jeune théologien allemand prévoyait que l'Église connaîtrait des tensions internes et externes. Il semble que ce soit le moment que nous vivons. Le Christ est à nouveau crucifié par des idéologies sectaires venues du monde qui veulent coloniser l'Église et un courant de nouveau pélagianisme volontariste. Il n'est pas nécessaire d'aller très loin pour percevoir cette tension. Il me semble certain que des temps très difficiles attendent l'Église", a insisté Ratzinger lors de cette conférence radiophonique. Sa véritable crise n'a pas encore commencé. Il faut s'attendre à de fortes secousses".

La barque de Pierre est ballottée encore et encore. Les apôtres d'aujourd'hui crient à nouveau de peur qu'elle ne coule. Mais, une fois de plus, il y a un petit troupeau, un reste d'Israël, qui reste fidèle. Et qui, dans sa simplicité, vivant l'Évangile sans pages déchirées, sans besoin de gloses explicatives, sera une vraie lumière pour un monde noyé dans les ténèbres. L'Église, petite et pauvre, avec ses mains vides, avec moins d'œuvres, sera la réponse à ce que son cœur désirait. C'est la dernière partie de la prophétie de Joseph Ratzinger qui ouvre la porte à l'espérance la plus authentiquement chrétienne.

"Elle [l'Église] fleurira à nouveau et deviendra visible pour les êtres humains comme la patrie qui leur donne la vie et l'espérance au-delà de la mort".

L'auteurJavier Segura

Délégué à l'enseignement dans le diocèse de Getafe depuis l'année scolaire 2010-2011, il a auparavant exercé ce service dans l'archevêché de Pampelune et Tudela pendant sept ans (2003-2009). Il combine actuellement ce travail avec son dévouement à la pastorale des jeunes, en dirigeant l'association publique de fidèles "Milicia de Santa María" et l'association éducative "VEN Y VERÁS". EDUCACIÓN", dont il est le président.

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