Le pape François nous rappelle constamment que nous sommes à des niveaux brutaux de crimes contre la dignité humaine, d'exploitation, d'appauvrissement et de mise au rebut d'un nombre croissant de personnes. La majorité de l'humanité est engluée dans la misère, la faim et la violence, dans de véritables couloirs de la mort. Et pourtant, nous vivons comme si tout cela ne se produisait pas, comme si nous étions indifférents, comme si nous étions anesthésiés, fuyant la souffrance, ou convaincus que nous ne pouvons rien faire face à l'injustice.
Il est clair que seuls, isolés les uns des autres, nous ne sortirons pas de notre passivité. Le capitalisme a été transformé à toute vitesse par la révolution technologique. Une révolution qui n'a jamais été guidée par la solidarité et le bien commun mais par le profit et la soif totalitaire de pouvoir. Le capitalisme numérique trouve sa principale source de richesse dans l'extraction de toutes nos données et dans le contrôle de nos comportements, de nos habitudes et de nos désirs. Nous sommes des objets d'expérimentation et de tests économiques et politiques. Si nous ne sommes pas rentables, nous sommes mis au rebut ou exterminés sans pitié.
Notre indifférence seule ne suffit pas à ce système. Les frontières intellectuelles et numériques ne suffisent pas. Des murs, des tanks et des armées sont également nécessaires. Des frontières physiques ont été érigées pour arrêter la fuite des affamés. Le monde compte dix fois plus de murs qu'il y a 30 ans. Entourés d'affamés, de mal nourris, de désespérés et d'humiliés, nous érigeons des murs et des clôtures. Cela fait-il mal ? Nous devons être responsables de l'humanité entière.
Personne ne peut comprendre, à ce moment de notre capacité technologique, que des millions de personnes continuent à mourir de faim, que le travail forcé inhumain continue à exister, que la prostitution et les proxénètes augmentent, qu'il y ait plus de 400 millions d'enfants dont la dignité est bafouée, qu'il y ait des marchés d'esclaves, des guerres d'extermination, des trafics d'organes et de personnes, des décès dus à des maladies parfaitement curables, plus de 80 millions de personnes vivant dans des camps de réfugiés, ....et un long etcetera d'injustices qui semblent se cacher derrière des murs visibles et ceux de notre indifférence.
La plupart du temps, nous ne sommes pas conscients de la mesure dans laquelle notre bien-être et nos possibilités sont fondés sur l'exploitation des personnes et des ressources naturelles, sur la violence et la guerre, et sur le gaspillage. Nous sommes tous responsables les uns des autres. Aussi pour les générations à venir. Il est de notre devoir moral à tous d'offrir aux nouvelles générations un espoir fondé sur l'amour d'un idéal de justice et de solidarité. Nous devons semer une réponse associée, dont nous sommes les protagonistes, une réponse communautaire, guidée par le bien commun. Les jeunes doivent découvrir la vie en solidarité et en partenariat comme seule réponse à un système qui écrase leurs idéaux.
Face au grand mensonge d'un "monde heureux", progressiste, dans un système qui ne protège que les plus riches, nous devons défendre, comme nous le demande le pape François, qu'il n'y aura de vie fraternelle que si nous travaillons à libérer notre conscience des addictions, des drogues et de l'indifférence... avec une formation critique, avec la lecture en commun, avec l'étude, avec le sens de la responsabilité envers les autres ; si nous nous engageons à devenir des associations et des organisations et à nous engager sérieusement au service des autres, de manière concrète et non générique, en commençant par nous engager dans des familles qui sont d'authentiques écoles et des témoignages de vie solidaire et de dévouement au bien commun ; s'il existe des personnes et des groupes qui n'ont pas peur de défendre et de travailler sans complexes pour la vie et la dignité de chaque être humain.
Curé dans les paroisses de Santa María Reparadora et Santa María de los Ángeles, Santander.