Les laïcs en mouvement

Le secret de la mobilisation des laïcs consiste à cultiver une vie intérieure intense, ancrée dans un amour profond pour Jésus-Christ et Notre-Dame, qui nous fait déborder de vie.

16 février 2025-Temps de lecture : 7 minutes

Messe pour le congrès SEEK24 (OSV News photo / courtesy FOCUS)

L'implication des laïcs dans la mission de l'Église est l'un des aspects récurrents qui, comme il ne pouvait en être autrement, a été au cœur de la synodalité que le pape François veut promouvoir. Tous les chrétiens doivent être également engagés dans la mission de l'Église, chacun dans la partie du Royaume qui correspond à sa vocation.

Mais pour que cela devienne une réalité, pour qu'il y ait une réelle implication des laïcs dans la vie de l'Église et dans sa mission dans le monde, ils doivent être formés pour cela. Telle a été la passion de nombreux prêtres au cours des cent dernières années, et elle a été ratifiée d'une manière particulière par le Concile Vatican II.

L'un de ces promoteurs du laïcat est le prêtre jésuite, le vénérable Tomás Morales, qui a consacré le meilleur de ses énergies et de ses enseignements précisément à la formation des laïcs, qu'il résume dans son ouvrage "Le laïcat dans l'Église".Les laïcs en mouvement". Dans ce livre, à partir de l'expérience accumulée au fil des années, il donne des conseils pour la mobilisation des laïcs catholiques. C'est là qu'apparaît sa grande passion. Il pense que l'Eglise a besoin que les chrétiens laïcs, qui sont la grande majorité, découvrent la dignité de leur baptême. De cette découverte naîtra une nouvelle attitude qui les conduira à prendre une part active à la vie de l'Église.

Le laïc n'est pas, comme le disait l'un d'entre nous, celui qui est au "côté" du prêtre. Les laïcs ne sont pas simplement les longues mains du prêtre, pour atteindre ce qu'il ne peut pas atteindre. Le laïc a toute la dignité de la consécration baptismale, il est donc prêtre, prophète et roi. Et il a une mission irremplaçable : construire ce monde selon le cœur du Christ, le rendre tel que Dieu l'a rêvé.

Mais par où commencer ?

Morales S.I. ne se perd pas dans la casuistique des différentes réalités temporelles à évangéliser, mais va au cœur de l'action et propose six conseils pour une mobilisation réelle et efficace du laïcat catholique. Six conseils qui peuvent également être utiles aux éducateurs du XXIe siècle.

Faire avec

Le premier conseil qu'il nous donne est d'apprendre à impliquer les autres. Il est plus facile de faire comme dix personnes que de faire faire quelque chose à dix personnes, dit-il. Et c'est vrai, nous le savons par expérience. Il est plus facile de faire quelque chose soi-même que d'essayer de faire faire la même chose à dix personnes, parce qu'elles devront apprendre, elles voudront le faire à leur manière, elles le feront moins bien que nous qui savons déjà comment faire, et ainsi de suite.

Or, c'est précisément de cette manière (tout faire soi-même) que nous finissons par transformer nos collaborateurs en enfants qui ne peuvent, tout au plus, que suivre nos instructions à la lettre, faire ce que nous leur disons de faire, nous donner un coup de main. Mais ainsi, ils ne grandissent pas, ils ne s'approprient pas, ils ne mûrissent pas. 

Le défi pour tout mobilisateur de laïcs est d'entrer dans cette école du faire-faire. Et qu'à leur tour, ces mêmes personnes impliquées apprennent cette technique. Ainsi, l'action se multiplie de manière exponentielle. Car chaque individu est responsable et autonome pour entreprendre l'évangélisation dans son milieu. Et cette responsabilité est transmise à d'autres.

Cette façon de travailler permet aux gens de s'épanouir. Et c'est ce que nous recherchons avant tout. Ce n'est pas tant que le travail concret se déroule bien, mais que les personnes impliquées aient l'occasion d'apprendre, de grandir en tant que personnes et de développer des qualités concrètes. Une fois de plus, la personne est au centre !

Renoncer à la précipitation

Le deuxième conseil met le nouvel apôtre en garde contre une grande tentation : la précipitation.

Dans une société où l'on veut des résultats immédiats, on est obligé de présenter des chiffres importants - et rapidement - qui montrent l'efficacité de la proposition d'évangélisation que l'on met en œuvre. Et la précipitation n'a jamais été bonne conseillère !

Car, dans notre hâte, nous pouvons facilement tomber dans des concessions dangereuses, nous pouvons finir par nous compromettre avec les critères du monde pour attirer plus de monde. Nous aurons peut-être plus de monde autour de nous à la fin, mais la question que nous devons nous poser honnêtement est de savoir si la vie divine les atteint vraiment, si leurs cœurs sont vraiment transformés.

La croissance des personnes est lente, au rythme de la vie, et ne peut être forcée. L'outil le plus solide de l'évangélisation est celui qui se donne dans le contact d'âme à âme, comme aimait à l'exprimer le père Morales, dans la conversation amicale, dans le dialogue serein, dans les confidences intimes. Mais le chemin du cœur est lent, l'amitié se forge dans l'adversité, l'intimité ne se crée pas immédiatement ni avec n'importe qui.

Nous devons cultiver une vision de foi. Surtout lorsque nous voyons l'ampleur de l'entreprise, un monde dont nous dirions presque qu'il nous écrase et ne nous englobe pas. C'est alors que peut venir la double tentation : soit d'essayer d'évangéliser le monde par des méthodes "rapides", en utilisant les mêmes méthodes que le monde utilise pour vendre ses produits ; soit de se décourager et de jeter l'éponge. Mais les deux sont des tentations.

La voie que nous propose cet infatigable apôtre est différente. Former une minorité qui transforme la pâte, comme le fait le levain. Consacrer tout le temps nécessaire à la formation et à l'éducation de chaque jeune. Ne pas être pressés, pas du tout, simplement parce que Dieu n'est pas pressé.

Comme le dit le proverbe italien, "Chi va piano va lontano"..

Ne vous laissez pas éblouir par le messianisme social ou politique.

C'est précisément le troisième concile qui est à l'origine de cette course à la transformation de la société. Le père Morales a dû vivre différents messianismes sociaux et politiques auxquels beaucoup ont succombé. Ils sont tous passés. Nous courons également ce risque aujourd'hui, en pensant qu'il suffit d'organiser un parti politique, de gagner les élections et de changer la société à partir de ce pouvoir. Nous pensons que la clé est de mobiliser les gens dans les rues, de disposer de mécanismes de pouvoir pour influencer les masses, de disposer de puissants moyens de communication et de propagande. C'est pourquoi l'indication de ne pas se laisser entraîner par des messianismes sociaux ou politiques est toujours d'actualité.

Il faudra donc être à l'affût des nouveaux messianismes qui peuvent nous éblouir.

Ce n'est pas que le père Morales ne croit pas que la société doit s'améliorer, et donc qu'il méprise l'action sociale ou politique. Au contraire, il encourageait tous ceux qui se sentaient appelés à la politique à entreprendre ce chemin d'engagement fondé sur l'Évangile. Mais il était conscient que la véritable réforme de la société ne consiste pas tant à changer les structures qu'à convertir les cœurs. C'est l'homme qui doit être réformé. C'est son cœur qu'il faut changer si l'on veut une société plus juste. 

Seuls les hommes transformés transformeront la société.

Et elle le fait de toutes ses forces.

Ne devenez pas un organisateur d'amusement

La quatrième tentation contre laquelle l'apôtre met en garde, surtout chez les jeunes, est celle de devenir un organisateur de divertissements. Cette tentation consiste à croire que la création d'un espace sain de divertissement et de socialisation pour les jeunes, avec des activités adaptées, rapprochera finalement les masses de Dieu.

Il y a une part de vérité dans cette affirmation. Une nouvelle culture doit être créée, et cette culture, qui doit tout imprégner, concerne également toutes les relations humaines, y compris les divertissements et les loisirs. 

Mais il faut admettre que, comme méthode d'évangélisation, le risque de rester à ce stade d'amusement sain est élevé, très élevé. Elle ne conduira pas les jeunes à Dieu s'il n'y a pas, au sein de ce groupe de jeunes, d'autres personnes qui les aident à élever leur regard au-delà de ce monde de l'amusement. Et cela ne servira à rien d'autre qu'à créer une bonne ambiance, si cette proposition ne contient pas déjà la semence de la vie chrétienne.

Parce que, finalement, ce qui peut arriver, c'est que ces jeunes qui sont attirés par ce divertissement sain finissent par chercher d'autres divertissements, sans avoir changé de mentalité. Et finalement, en matière d'animation, il y a des gens qui le font beaucoup mieux que nous.

La voie que nous propose le père Morales est de placer nos attentes non pas sur les moyens, mais sur la fin. Chercher à ce que nos actions portent du fruit, et non pas à ce qu'elles soient couronnées de succès. Placer notre tête et notre cœur au bon endroit, en Dieu. Car lorsque Jésus-Christ est au centre de la vie, tout se met en place et prend son importance relative.

En même temps, le Père Morales encourage les jeunes à placer dans leur cœur, comme leur plus grande espérance, que leurs compagnons de travail ou d'étude se rapprochent de Jésus-Christ. Que l'apostolat soit leur plus grand plaisir, l'aventure la plus excitante, capable de catapulter le meilleur de leurs énergies.

Car si nous avons tous besoin de nos propres points d'eau, comme le répétait Sainte Thérèse de Jésus à ses sœurs, nous ne pouvons pas permettre que toute la vie se retrouve dans ce point d'eau qu'est le divertissement comme objectif central de la vie. Il n'y a qu'une seule vie et elle vaut la peine d'être dépensée pour quelque chose de grand, pour l'Évangile !

La largeur d'esprit et d'action œcuménique

Le cinquième conseil est de sortir de la vision étroite de notre groupe et d'élever notre regard vers la mission de l'Église universelle. Ce n'est pas facile, parce que nous avons tendance à "capilliser", à nous regarder le nombril, à croire que notre mouvement est meilleur que les autres, qu'en lui réside le salut de l'Église.

L'Église est bien plus grande que nous-mêmes. Et l'Esprit donne naissance à une myriade de charismes pour apporter la vie divine dans le monde. Il nous est demandé d'être des militants de l'Église catholique, et non de notre propre petit groupe.

Cette mentalité œcuménique, que le père Morales a vécue avec intensité dans la période post-Vatican II, doit être exercée au sein de l'Église catholique elle-même. Nous avons besoin d'œcuménisme entre catholiques. Nous devons apprendre à valoriser le frère et à vivre son charisme comme une grâce qui enrichit toute l'Église, un don qui m'appartient. Peut-être que l'une des contributions que nous pouvons apporter à partir de cet esprit universel est précisément de créer une famille entre les différents charismes et mouvements de notre environnement. Nous unir dans une mission partagée, c'est faire Église.

C'est encore plus vrai dans le monde d'aujourd'hui où l'Église est minoritaire dans la société, où nous ressentons tous notre faiblesse. Nous devons apprendre qu'aucun groupe ou mouvement ne possède les réponses à tous les besoins du monde. Nous avons tous besoin les uns des autres et nous nous complétons. Certains apporteront leur capacité d'adoration, d'autres leur dévouement aux plus démunis, l'appel à la conversion ou la création d'une culture. Chacun de nous est comme une pièce précieuse dans une mosaïque. S'il manquait ne serait-ce qu'une petite pierre, la mosaïque serait incomplète. 

Primauté de la vie intérieure

Le sixième et dernier conseil ne pouvait être que de donner la primauté à la vie intérieure. Et très concrètement, de cultiver l'affection pour la Vierge, le grand amour de cet apôtre qu'était Tomás Morales.

Face à une action qui peut devenir incontrôlable, Thomas sait que la source de toutes nos actions est la rencontre personnelle avec Jésus-Christ, l'amour inconditionnel qu'il a pour nous. Un amour que nous cultivons surtout dans la vie des sacrements et dans l'intimité de la prière quotidienne. Il se fait ainsi l'écho d'une sagesse qu'il partage avec tous les saints. C'est pourquoi, Sainte Thérèse de CalcuttaComme le travail avec les malades et les mourants augmentait, elle a demandé aux sœurs d'accroître leur vie de prière. Comme il est facile, si l'on n'a pas le cœur à la bonne place, de se laisser distraire ! Nous commençons à croire, sans nous en rendre compte, que la prière nous fait perdre du temps par rapport à l'urgence de prendre soin de ceux qui sont dans le besoin. Et nous finissons par quitter la source de la vie. Et notre âme finit par être sèche, desséchée, morte.

Le secret ultime de la mobilisation des laïcs réside précisément dans ce point, dans la culture d'une vie intérieure intense, ancrée dans un amour profond pour Jésus-Christ et la Vierge, qui nous fait déborder de vie. Qu'elle fasse de notre cœur une source qui jaillisse pour la vie éternelle.

L'auteurJavier Segura

Délégué à l'enseignement dans le diocèse de Getafe depuis l'année scolaire 2010-2011, il a auparavant exercé ce service dans l'archevêché de Pampelune et Tudela pendant sept ans (2003-2009). Il combine actuellement ce travail avec son dévouement à la pastorale des jeunes, en dirigeant l'association publique de fidèles "Milicia de Santa María" et l'association éducative "VEN Y VERÁS". EDUCACIÓN", dont il est le président.

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