"La confrérie doit être une famille !", voilà une affirmation que toute confrérie assume sans réserve et l'un des objectifs prioritaires de tous les frères aînés ; pour y parvenir, il faut identifier les principaux traits distinctifs de la famille et essayer de les reproduire dans la confrérie :
Vocation : Pour un chrétien, la famille n'est pas une simple institution sociale, c'est une authentique vocation humaine et surnaturelle, fondée sur l'amour des époux.
Soutien et acceptation mutuels : Dans la famille, l'amour doit se manifester dans les gestes les plus simples et les plus quotidiens. Elle connaît la joie et l'espoir, mais aussi la fatigue et la douleur, et les surmonte grâce à l'amour, qui naît de la volonté d'être ensemble, de s'entraider, qui se confirme chaque jour dans l'acceptation inconditionnelle de l'autre.
Développement personnel en libertéLa famille n'est pas seulement un lieu où les gens vivent ensemble, mais aussi un lieu où ils forment leur personnalité, où ils apprennent à aimer et à servir. Cet amour fait partie de la structure ontologique de chaque personne, et doit être développé dans la famille sur la base de la liberté personnelle.
Après avoir défini ces principes, proclamer que "la fraternité doit être une famille", c'est reconnaître que Dieu a disposé de toute éternité notre vocation de fraternité comme moyen de sanctification, et que pour cette raison la fraternité doit refléter ces caractéristiques de la famille.
Tout n'est pas toujours aussi idéal. Dans tout groupe humain, même dans les familles et dans les fraternités, des difficultés et des divisions surgissent, comme le reconnaît le Pape : " Vivre en famille n'est pas toujours facile, c'est souvent douloureux et fatigant, mais je crois que l'on peut appliquer à la famille [et aux fraternités] ce que j'ai dit plus d'une fois à propos de l'Église : je préfère une famille [une fraternité] blessée, qui essaie chaque jour de conjuguer l'amour, à une famille [une fraternité] et à une société malade de l'égoïsme et du confort de la peur d'aimer " (16.02.16). (16.02.16)
Cependant, il existe des situations où les difficultés s'enracinent et conduisent à des situations peu édifiantes, comment y parvenir ?
Dans notre société, et les confréries font partie de la société, on a tendance à sous-estimer la force créatrice de la pensée critique, à confondre divergence et déloyauté, opposition et tension, autonomie et autodétermination. On ne demande plus une adhésion sans faille, mais une adhésion sans critique. Ce qui est différent est craint et nous essayons de le supprimer, afin de réaffirmer la bonté de nos approches, même si ce n'est que par de petits gestes, comme le refus de saluer ou de traiter les autres cordialement.
Cette attitude, maintenue dans le temps, génère une tendance à faire une distinction entre "nous" et "eux". L'étape suivante consiste à dépouiller "eux", ceux qui pensent différemment, de leurs caractéristiques individuelles : ils n'existent pas en tant qu'individus, ils sont une abstraction, un collectif qui, en tant que tel, n'est pas soumis à des droits. À partir de là, notre moralité et nos principes ne s'appliquent qu'à nous, aux membres de notre groupe.
Cela peut paraître exagéré, mais lorsque quelqu'un s'installe dans cette attitude, il finit par ne plus trouver de lien entre son monde, le seul qu'il considère comme réel, et celui des autres, qu'il voit comme un collectif indifférencié qu'il réifie, et par conséquent les règles morales ne sont applicables qu'au sien, pas aux autres. Les comportements indignes à leur égard, refusant de les saluer, les critiquant, les isolant, suspendant la responsabilité personnelle, sont ainsi légitimés.
Normalement, ceux qui agissent de la sorte sont de bonnes personnes, qui ne tueraient pas une mouche, mais qui ont assumé la banalité du mal dans un tel comportement, comme Hannah Arendt l'a expliqué dans ses chroniques du procès "Eichman à Jérusalem".
Quel est le rôle des "autres", ceux que la corporation des biempensantes a placés de l'autre côté ? ne pas s'engager dans une lutte dialectique pour imposer leurs vues, mais les promouvoir avec liberté, conscients que cela a un coût, et de la force, une force patiente, sans résignation ni renoncement, ferme sans provocation, prudente, pour promouvoir activement le progrès souhaitable et sans renoncer à leurs convictions, conscients que lorsqu'on cède, qu'on y renonce ou qu'on les dissimule, par faiblesse, pour ne pas aller à contre-courant, pour ne pas être critiqué ou pour maintenir un statut, on s'avilit et on entraîne la lassitude, la tristesse et la médiocrité de son entourage (Cfr. Saint Jean Paul II : 1.01.1979).
Doctorat en administration des affaires. Directeur de l'Instituto de Investigación Aplicada a la Pyme. Frère aîné (2017-2020) de la confrérie de la Soledad de San Lorenzo, à Séville. Il a publié plusieurs livres, monographies et articles sur les confréries.