Énée, le héros grec légendaire de "L'Énéide" de Virgile, doit quitter rapidement la Troie en flammes. La déesse Vénus lui conseille de le faire. Mais le héros ne veut pas fuir sans emporter le plus important : il prend son fils Ascanius, un enfant, par la main et porte sur ses épaules son père Anchises, qui, à cause de son grand âge, peut à peine marcher et pourrait périr dans l'incendie.
La Conférence épiscopale espagnole a publié le document suivant La vie est un don, l'euthanasie est un échec", dans lequel il dénonce la proposition de loi sur l'euthanasie. Mais peu d'autres voix se sont fait entendre en réponse à cette nouvelle ligne rouge que notre société a franchie.
La loi sur l'euthanasie est radicalement injuste en raison des critères qu'elle établit autour de la valeur de la vie.
J'ai réfléchi à la question de l'euthanasie et, même si elle est présentée sous le couvert d'une prétendue "pitié", je suis convaincu qu'il s'agit d'une loi radicalement injuste aux conséquences imprévisibles, non seulement pour le nombre de vies auxquelles elle met fin, mais aussi pour les critères qu'elle établit dans la société concernant la valeur de la vie et les relations entre nous.
Dans le cinquième point, les évêques déclarent qu'"en accordant ce prétendu droit, la personne, qui est vécue comme une charge pour la famille et un fardeau social, se sent conditionnée à demander la mort lorsqu'une loi la pousse dans cette direction".
Ne réalisons-nous pas ce que cela peut signifier pour une personne dépendante et âgée, qui se sent souvent comme un fardeau, de se voir dire par l'État et la société qu'il existe une "solution" et qu'elle est entre ses mains ? Qu'en mettant fin à leur vie, ils enlèvent un problème à leurs enfants. Que sa propre mort est un "acte d'amour" pour ses proches.
Une société qui ne cultive pas l'amour et la vénération pour ses personnes âgées est une société perdue. Il est vrai qu'en certaines occasions, la souffrance fait ressortir le meilleur de nous-mêmes, et fait des soignants et des proches de cette personne âgée ou de cette personne au bord du gouffre de véritables héros. Il est vrai qu'Énée doit porter son père, et que le fardeau est lourd.
Celui qui jette le plus faible comme un fardeau marchera "plus vite" mais marchera à sa propre destruction.
Mais l'histoire d'Énée, comme tous les mythes, nous donne les clés de la vie. Aeneas a sauvé le plus sacré. Il est sorti avec son père sur son dos et son fils par la main. Face au présentisme et au regard égoïste, il prend son père et son fils. Il sauve les plus faibles. Et, en eux, il préserve leurs racines et leur histoire, il prend soin de l'avenir.
Le chemin que notre civilisation a construit est le chemin de la miséricorde d'Énée. Celui qui jette le plus faible comme un fardeau, il est vrai qu'il marchera plus vite, qu'il pourra même courir, mais il le fera à sa propre perte.
Les cinq mois passés avec mon ami et frère Manuel en soins palliatifs, l'amour manifesté jour et nuit par son épouse, la prière et l'affection qui les ont soutenus au cours de ces sept années de lutte contre le cancer, me donnent la certitude que c'est la seule façon qui nous rende vraiment humains : prendre soin les uns des autres, panser nos blessures, protéger la vie.
C'est ce que nos pasteurs nous rappellent aujourd'hui dans cette lettre. Qu'Énée doive à nouveau porter son vieux père.
Et prenez votre enfant par la main.
Que le dernier mot ne soit pas celui de la mort - l'euthanasie - mais celui de l'amour.
Délégué à l'enseignement dans le diocèse de Getafe depuis l'année scolaire 2010-2011, il a auparavant exercé ce service dans l'archevêché de Pampelune et Tudela pendant sept ans (2003-2009). Il combine actuellement ce travail avec son dévouement à la pastorale des jeunes, en dirigeant l'association publique de fidèles "Milicia de Santa María" et l'association éducative "VEN Y VERÁS". EDUCACIÓN", dont il est le président.