Essayons d'avoir une vue d'ensemble de l'impact théologique de St Jean Paul II et de répondre à cette question intéressante. S'il n'avait pas été pape, il est peu probable qu'un archevêque de Cracovie du XXe siècle aurait pu occuper un rôle de premier plan dans l'histoire universelle de l'Église ou de la théologie.
D'abord, parce que peu peuvent tenir au sommet : la mémoire culturelle collective ne peut contenir au sommet qu'une dizaine d'auteurs, sans cesse renouvelés. Et celle des plus instruits peut atteindre une centaine. Il est pratiquement impossible qu'un auteur écrivant en polonais à une époque où cette nation était soumise à un blocus général par un régime communiste soit connu, traduit et lu dans le monde entier. Il n'y avait pas de chaînes.
Une comparaison avec Paul VI
L'élection papale l'a placé au premier plan de l'histoire et a donné à sa personne et à sa pensée une portée universelle. Et, bien sûr, il a lui-même joué ce rôle en toute conscience. Et là, une comparaison s'impose. Lorsque Paul VI a été élu pape, il a assumé la responsabilité du pontificat. Pour lui, le changement de nom signifiait que Giuseppe Montini devait disparaître pour que Paul VI puisse agir comme pasteur de l'Église. Tout ce qui est personnel, y compris sa famille, a été relégué au second plan. Il a mis à profit ses nombreuses années d'expérience au sein du gouvernement pour mener à bien le Conseil et a servi, entre autres, dans les fonctions suivantes Humanae vitae (1968), une œuvre profonde de jugement, toujours à la recherche de l'esprit de l'Église. Et pour cela, il a beaucoup consulté.
En comparaison, la figure de Jean-Paul II a quelque chose d'unique : ayant vécu dans sa vie les grands enjeux et les tragédies du XXe siècle, il croit que la Providence a forgé dans son âme des convictions et des orientations qu'il doit apporter à l'Église universelle, qui traverse une période difficile. Non pas parce qu'elles lui sont venues à l'esprit, comme le ferait un mégalomane, mais parce qu'elles sont des lumières de l'Esprit. Et ces points, me semble-t-il, sont les points clés de son pontificat et ceux où il aura le plus grand impact théologique. Essayons de les parcourir.
L'esprit et la lettre du Conseil
Le premier, par ordre d'importance, est son implication intensive et directe dans le développement de la Gaudium et spesCe document visait à refléter la position de l'Église dans le monde moderne. Cela a fait de lui un témoin et un interprète autorisé du Concile, événement millénaire de l'Église, à un moment où se jouait "la lutte des interprétations" et le choix entre "réformation et rupture", comme le dira plus tard Benoît XVI. Pensez, par exemple, à l'immense travail de l'historien Giuseppe Alberigo pour reconstruire un "esprit du Concile" parfaitement en dehors de la lettre approuvée dans les documents : en transformant les intentions et les intuitions des théologiens et des pères avec lesquels il sympathisait en véritable Concile.
L'expérience de Wojtyla, par contre, s'est forgée en faisant la lettre, avec de grands théologiens (De Lubac, Congar, Daniélou, Moeller, entre autres) et avec les Pères du Concile. Et cette forge de Gaudium et spes a donné une orientation générale à son pontificat : ce que l'Église devait faire dans le monde, ce qu'il devait faire en tant que pape, précisément ce qu'il avait indiqué qu'il allait faire dans le monde, ce qu'il allait faire dans le monde, ce qu'il allait faire dans le monde, ce qu'il allait faire dans le monde, ce qu'il allait faire dans le monde. Gaudium et spes. D'où l'attention constante portée à ce document dans les grands actes de son pontificat, du premier au dernier.
C'est une grande chance, une Providence de Dieu, que dans une période aussi confuse pour l'Église, comme l'a été la période post-conciliaire, le Pape ait été un témoin aussi qualifié du Concile. Et cela serait renforcé par Benoît XVI, lui aussi témoin et participant du Concile.
Amour et responsabilité
La deuxième contribution doctrinale et théologique de Karol Wojtyla à l'Église universelle a une portée plus large, qui commence avec ses premières expériences en tant que prêtre dans son travail avec les jeunes de Cracovie. Il s'est vite rendu compte que l'Église avait besoin d'une doctrine positive sur la sexualité comme base de la moralité sexuelle. Une morale sexuelle basée sur ce qui est ou n'est pas un péché n'était pas suffisante et même contre-productive. La doctrine de la sexualité devait être fondée sur l'anthropologie de la sexualité considérée de manière chrétienne. De ses conférences et cours aux jeunes naîtra un livre aussi original que Love and Responsibility, publié alors qu'il travaillait à Concilio (la version française portera une préface de De Lubac). Mais jusqu'à présent, il ne s'agit que d'une contribution privée
L'argument de Humanae vitae
La question a pris un tournant avec la décision de Paul VI, pendant le Concile, de se réserver l'étude du contrôle des naissances (contraception). Paul VI a nommé plusieurs commissions à Rome pour l'étudier. Entre-temps, l'archevêque de Cracovie, Karol Wojtyla, en a également formé un dans son diocèse avec des collaborateurs et des professeurs. Et ils sont restés en contact jusqu'au tout dernier moment. L'encyclique Humanae vitae stipule que l'utilisation de moyens de contraception non naturels n'est pas licite et souligne l'idée qu'il est immoral de séparer la signification unitive et procréative de l'acte conjugal. La décision ne se fonde pas sur cet argument, mais le présente. On peut constater que c'est l'argument que le cardinal Wojtyla et son équipe de Cracovie faisaient valoir.
A partir de ce moment, l'archevêque et cardinal Wojtyla s'est engagé à plusieurs conférences pour la défense de Humanae vitaedévelopper l'argument et le baser sur...