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Le sacrement du pardon. Une expérience de liberté

Lorsque je me confesse, le protagoniste n'est pas mon péché, ni mon repentir, ni mes dispositions intérieures - toutes nécessaires - mais l'amour miséricordieux de Dieu, a expliqué le pape François dans une paroisse romaine le 8 mars. Chaque sacrement est une rencontre réelle avec Jésus vivant. Le pardon est une expérience de liberté, alors que le péché est une expérience d'esclavage.

Fernando del Moral Acha-15 septembre 2024-Temps de lecture : 7 minutes
Confession du prêtre

Personne ne peut pardonner s'il n'a pas été pardonné auparavant, s'il n'a pas fait l'expérience du vrai pardon. Le pardon est une façon d'aimer, peut-être, j'ose le dire, l'une des façons les plus parfaites d'aimer. Dire à quelqu'un "je te pardonne", c'est dire "je t'aime tel que tu es, je reconnais en toi quelque chose qui transcende tes actes, tes limites, tes erreurs".

Mais le pardon a un double aspect : d'une part, c'est un don, il ne vient pas de nous-mêmes, il n'est pas le résultat exclusif de notre volonté ou de notre détermination ; mais, d'autre part, nous pouvons aussi apprendre à pardonner. Il existe une série d'attitudes internes et externes qui facilitent l'acceptation de ce don.

La prière de collecte de la messe du 27e dimanche du temps ordinaire contient une affirmation provocante : "Ô Dieu, qui manifestez surtout votre puissance dans le pardon et la miséricorde, répandez sans cesse votre grâce sur nous, afin que, désirant ce que vous nous promettez, nous obtenions les biens du ciel". 

Bien que cette formulation puisse nous surprendre au premier abord, nous devons affirmer que la plus grande manifestation de la puissance de Dieu n'est pas seulement la création ou les miracles physiques racontés dans l'Évangile, et aujourd'hui, par exemple, dans les processus de béatification et de canonisation (derrière chaque saint que nous connaissons, il y a deux miracles confirmés), mais qu'il se manifeste "surtout" en nous pardonnant.

Saint Josémaria Escriva l'exprime avec force : " Un Dieu qui nous fait sortir du néant, qui crée, est quelque chose d'imposant. Et un Dieu qui se laisse coudre au fer sur le bois de la croix pour nous racheter, c'est tout l'Amour. Mais un Dieu qui pardonne, c'est père et mère cent fois, mille fois, une infinité de fois".

Dieu prononce aussi sur nous une parole de pardon, et le Verbe de Dieu se fait chair : "Jésus-Christ est le visage de la miséricorde du Père. Le mystère de la foi chrétienne semble trouver sa synthèse dans ce mot. Il est devenu vivant, visible et a atteint son point culminant en Jésus de Nazareth" (Misericordiae Vultus, 1).

Soif d'amour

Dieu avait tout prévu. Grâce aux sacrements, la puissance du mystère pascal du Christ demeure dans l'Église. Le visage de la miséricorde du Père est toujours vivant et actif. Dieu me pardonne aujourd'hui ! Et il m'apprend à pardonner. Quand on reprochait à saint Léopold Mandic - un saint confesseur capucin - de pardonner à tout le monde, il montrait un crucifix et répondait : "Il nous a donné l'exemple" (...) Et en ouvrant les bras, il ajoutait : "Et si le Seigneur me reprochait d'être trop indulgent, je pourrais lui dire : "Seigneur, tu m'as donné ce mauvais exemple, en mourant sur la croix pour les âmes, poussé par ta divine charité"". L'humour des saints cache une vérité profonde.

L'homme d'aujourd'hui - qui est l'homme de toujours - fait souvent l'expérience d'une profonde rupture, d'une multitude d'échecs, d'angoisses, de désorientations. Benoît XVI a affirmé à juste titre que "dans le cœur de tout homme, mendiant d'amour, il y a une soif d'amour". Dans sa première encyclique, "Redemptor hominis"Mon bien-aimé prédécesseur (saint) Jean-Paul II a écrit : "L'homme ne peut pas vivre sans amour. Il reste pour lui-même un être incompréhensible, sa vie est privée de sens si l'amour ne lui est pas révélé, s'il ne rencontre pas l'amour, s'il n'en fait pas l'expérience et ne le fait pas sien, s'il n'y participe pas pleinement" (n. 10). 

Le chrétien, d'une manière particulière, ne peut pas vivre sans amour. En outre, s'il ne rencontre pas l'amour véritable, il ne peut même pas se dire chrétien, car, comme il l'a souligné dans l'encyclique "Deus Caritas Est", "on ne commence pas à être chrétien par une décision éthique ou une grande idée, mais par la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne un nouvel horizon à la vie et donc une orientation décisive" (n.1.). (Homélie lors d'une liturgie pénitentielle. 29 mars 2007).

Se reconnaître pécheur

Chaque sacrement est une véritable rencontre avec Jésus vivant. Lorsque je me confesse, le protagoniste n'est pas mon péché, ni mon repentir, ni mes dispositions intérieures - toutes nécessaires - mais l'amour miséricordieux de Dieu. Le pape François a récemment expliqué dans une paroisse romaine que la confession "n'est pas une pratique dévotionnelle, mais le fondement de l'existence chrétienne. Il ne s'agit pas de savoir bien exprimer nos péchés, mais de nous reconnaître pécheurs et de nous jeter dans les bras de Jésus crucifié pour être libérés" (Pape François, Homélie lors de la célébration de la Réconciliation, 24 heures pour le Seigneur, 8 mars 2024). 

Le pape souligne une chose importante : le pardon est une expérience de liberté, alors que le péché, la culpabilité, est une expérience d'esclavage, comme le rappelle sans cesse l'Écriture Sainte. Et cette expérience de la liberté s'accompagne de la paix, de la joie intérieure et du bonheur.

Le Catéchisme de l'Église catholique (n. 1423-1424) nous enseigne que ce sacrement peut être appelé de différentes manières : "de la conversion", "de la pénitence", "de la confession", "du pardon" et "de la réconciliation". Aucun de ces termes n'épuise toute sa richesse, mais il nous le montre comme un diamant aux multiples facettes qui peut être contemplé sous ses différents aspects.

Sacrement de conversion

C'est le point de départ : reconnaître que nous avons tous besoin de nous convertir, ce qui revient à dire que nous sommes tous imparfaits. Mais la conversion ne doit pas naître de la contemplation de mon moi blessé parce que je ne suis pas parfait, mais de la contemplation étonnante d'un Amour qui m'enveloppe et auquel je veux correspondre. "L'amour n'est pas aimé", s'écriait le jeune François dans les rues d'Assise, sa ville natale. Le point de départ de la conversion doit être la prise de conscience de mon péché, comme en médecine le point de départ du traitement est le diagnostic.

C'est précisément dans cette imperfection que nous attend Dieu, qui nous donne toujours une seconde chance. Il est toujours temps de recommencer, comme le montrent les paroles du vénérable serviteur de Dieu Tomás Morales, SJ : "Ne jamais se fatiguer, toujours recommencer". Ces mots nous rappellent la répétition insistante du pape François, dès les premiers jours de son pontificat : "Dieu ne se lasse pas de pardonner, ne nous lassons pas de demander pardon".

Sacrement de pénitence

La conversion mentionnée ci-dessus n'est pas une question d'instant, mais implique un processus, un chemin à suivre. Même dans les cas où le début a été une action directe, "tumbative de Dieu" (pensez à Saint PaulIl est clair qu'ils devaient ensuite poursuivre ce chemin quotidien de face à face avec Dieu. Il compte le temps, il est patient et sait attendre, il nous accompagne. En tant que telle, la conversion est un processus vivant, non linéaire, avec des hauts et des bas.

Pour de nombreux chrétiens, l'expérience de la conversion peut être frustrante en raison du manque de temps. Dans une culture de l'immédiateté, il est facile de succomber à l'impatience ou au désespoir et de tout vouloir tout de suite. Pensez aux quarante ans d'Israël dans le désert... Dieu n'est pas pressé.

Sacrement de la confession 

La verbalisation de nos péchés. Passer de l'idée à la parole. Saint Jean-Paul II, dans son exhortation apostolique sur ce sacrement, affirme que "reconnaître son propre péché, en effet - et en allant encore plus loin dans la considération de sa propre personnalité - se reconnaître pécheur, capable de pécher et enclin au péché, est le principe indispensable pour revenir à Dieu (...). En effet, se réconcilier avec Dieu présuppose et inclut le fait de se détourner de façon claire et déterminée du péché dans lequel on est tombé. Cela suppose et inclut donc de faire pénitence au sens le plus complet du terme : se repentir, se montrer repentant, prendre l'attitude concrète du repentir, qui est celle de celui qui s'engage sur le chemin du retour au Père. Il s'agit d'une loi générale que chacun doit suivre dans la situation particulière où il se trouve. En effet, le péché et la conversion ne peuvent pas être traités seulement en termes abstraits". (Reconciliatio et paenitentia, 13).

L'examen de conscience effectué sur la base de l'amour - et non d'une conception légaliste du péché - nous aide à identifier, à concrétiser. Nous ne nous contentons pas de nous concentrer sur "ce que j'ai fait" ou "ce que je n'ai pas fait", mais nous allons à la racine. Pour tuer un arbre, il ne suffit pas de couper les branches, il faut détruire la racine.

Le pardon et la réconciliation

Il est impressionnant d'entendre (dans le cas du prêtre, de prononcer) ces mots que, si nous le pouvons, nous recevons à genoux : "Je t'absous de tes péchés...". À ce moment-là, la corde qui nous retenait est coupée, Dieu s'approche et nous embrasse. 

Voici comment le pape François l'a expliqué il y a quelques années : "Célébrer le sacrement de la réconciliation signifie être enveloppé dans une étreinte chaleureuse : c'est l'étreinte de la miséricorde infinie du Père. Souvenons-nous de la belle, très belle parabole du fils qui partit de chez lui avec l'argent de l'héritage ; il dépensa tout l'argent et, quand il ne lui resta plus rien, il décida de retourner chez lui, non pas comme un fils, mais comme un serviteur. Il y avait tant de culpabilité et de honte dans son cœur. Ce qui est surprenant, c'est que lorsqu'il a commencé à parler, à demander pardon, le père ne l'a pas laissé parler, il l'a serré dans ses bras, l'a embrassé et a fait une fête. Mais je vous le dis : chaque fois que nous nous confessons, Dieu nous embrasse, Dieu fait la fête". (Audience générale, 19 février 2014).

Le lien entre la pénitence et l'eucharistie

Et qui ne veut pas être embrassé, qui ne veut pas être greffé dans une relation d'amour ? Dieu nous attend toujours les bras et le cœur ouverts. C'est pourquoi certains auteurs ont également appelé ce sacrement "le sacrement de la joie". C'est une vertu qui apparaît chez tous les personnages des paraboles de Luc, à l'exception du frère aîné dans la parabole du fils prodigue, ce qui devrait nous faire réfléchir.

Ce parcours réaffirme la nécessité de remettre le sacrement de la pénitence au centre de la pastorale ordinaire de l'Église. N'oublions pas le lien intrinsèque entre le sacrement de pénitence et le sacrement de l'Eucharistie, cœur de la vie de l'Église, qui, bien qu'il ne soit pas le sujet de cet article, doit être mentionné.

Nouvelle évangélisation et sainteté

D'où la question du pape Benoît XVI : "En quel sens la confession sacramentelle est-elle un "chemin" pour la nouvelle évangélisation ? Tout d'abord, parce que la nouvelle évangélisation puise sa lymphe vitale dans la sainteté des enfants de l'Église, dans le chemin quotidien de conversion personnelle et communautaire pour se conformer toujours plus profondément au Christ. Il existe un lien étroit entre la sainteté et le sacrement de la réconciliation, dont témoignent tous les saints de l'histoire. La véritable conversion du cœur, qui signifie s'ouvrir à l'action transformatrice et rénovatrice de Dieu, est le "moteur" de toute réforme et se traduit par une véritable force évangélisatrice.

Et le même Pape de poursuivre : "Dans la confession, le pécheur repenti, par l'action gratuite de la miséricorde divine, est justifié, pardonné et sanctifié ; il abandonne le vieil homme pour revêtir l'homme nouveau. Seul celui qui s'est laissé profondément renouveler par la grâce divine peut porter en lui, et donc annoncer, la nouveauté de l'Évangile. (Saint) Jean-Paul II, dans la Lettre apostolique "Novo Millennio Ineunte", affirmait : "Je voudrais aussi demander un courage pastoral renouvelé pour que la pédagogie quotidienne de la communauté chrétienne puisse proposer de façon convaincante et efficace la pratique du sacrement de la réconciliation" (n. 37).

"Je tiens à souligner cet appel, a-t-il ajouté, sachant que la nouvelle évangélisation doit faire connaître aux hommes de notre temps le visage du Christ en tant que "mysterium pietatis", dans lequel Dieu nous montre son cœur miséricordieux et nous réconcilie pleinement avec lui-même. C'est ce visage du Christ qu'ils doivent également découvrir à travers le sacrement de la pénitence" (Benoît XVI. Discours aux participants au cours de la Pénitencerie apostolique sur la loi interne, 9 mars 2012).

Je crois qu'il a été démontré, même brièvement, que le sacrement de pénitence a aussi une valeur pédagogique. Il fait partie d'un chemin de sainteté, but ultime de la vie de chacun d'entre nous.

C'est pourquoi nous devons partager notre expérience avec les autres. "Que la parole du pardon parvienne à tous et que l'appel à faire l'expérience de la miséricorde ne laisse personne indifférent" (Misericordiae Vultus, 19). À partir du pardon que nous avons reçu, nous devenons nous aussi des instruments de pardon.

L'auteurFernando del Moral Acha

Vicaire de la paroisse de Santa María de Caná. Assistant du Bureau des causes des saints (CEE).

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