Le texte original de cette préface a été obtenu par l'union de deux préfaces très anciennes : la première se trouve dans le Sacramentaire Véronèse et, selon certains auteurs, est l'œuvre du pape Damase (366-384), tandis que d'autres en situent l'origine au Ve siècle ; le second texte se trouve dans l'ancien Sacramentaire Gélasien, ainsi que dans la tradition ambrosienne.
Quia ipsum in Christo salútis nostræ mystérium
hódie ad lumen géntium revelásti,
et, cum in substántia nostræ mortalitátis appáruit,
nova nos immortalitátis eius glória reparásti.
Car [aujourd'hui] en Christ, lumière du monde,
tu as révélé aux nations le mystère du salut,
et en Celui qui est apparu dans notre chair mortelle,
Tu nous as renouvelés par la gloire de l'immortalité divine.
Préface de l'Épiphanie
Le texte est très bien construit, car il comporte deux parties coordonnées. La première est contenue dans les deux premières strophes du texte et affirme que, dans le Christ, le Père a révélé le mystère même de notre rédemption, afin que les nations soient éclairées par lui.
Comme nous l'avons vu dans le Préface de Noël ILe thème de la lumière revient également dans cette préface : si là il s'agissait de la lumière qui éclaire l'esprit de chaque individu, ici la manifestation du Christ prend une teinte universaliste, car c'est la lumière qui éclaire toutes les nations ; en effet, le cœur même de cette fête est précisément la manifestation de Dieu non seulement au peuple élu, mais à tous les hommes, représenté par le Mages d'Orient pour adorer le roi des Juifs.
Le contenu de cette illumination est la révélation du mystère du salut du genre humain dans le Christ Jésus. Sa personne, ses actes, ses paroles, toute sa vie, mais aussi et surtout sa mort et sa résurrection sont le moyen que le Père, dans son dessein d'amour ineffable, a choisi pour nous apporter le salut.
La théologie de l'Incarnation
La deuxième partie de la Préface explique que cela est possible grâce à la réparation (reparasti) de l'Incarnation (apparuit). Nous retrouvons ici l'idée de l'admirabile commercium, cet échange admirable, qui est à la base de notre salut et que nous avons déjà vu dans la Préface de Noël IIILa substantia nostrae mortalitatis est sauvée par l'immortalitatis eius gloria, ce qui est exprimé ici par un beau parallélisme antithétique en forme de chiasme : la substantia nostrae mortalitatis est sauvée par l'immortalitatis eius gloria.
En quelques mots se résume toute la théologie de l'Incarnation, selon laquelle "ce qui n'est pas assumé n'est pas sauvé, mais ce qui est uni à Dieu est aussi racheté" (Saint Grégoire de Nazianze, Epître 101).
Ceci est exprimé de manière très plastique par l'utilisation des termes substantiacomme pour indiquer la matérialité de la nature humaine mortelle, et gloireLe lien entre les deux parties de la préface est ainsi mis en évidence : la véritable épiphanie est celle de l'homme. EncarnaciónEn effet, le Père, à travers la chair du Christ, ouvre à l'humanité la possibilité du salut, déchirant ainsi les ténèbres qui enveloppaient la vie humaine avec la lumière de son rayonnement éternel.
Université pontificale de la Sainte-Croix (Rome)