Parmi les enseignements du pape au cours des dernières semaines, nous avons choisi trois thèmes apparemment très différents, mais en réalité interconnectés : l'Esprit Saint, les pauvres, la théologie.
Marcher avec le Saint-Esprit : demander, discerner, aller de l'avant
Dans le Homélie de Pentecôte (5-VI-2022) le Pape a reconnu avoir été impressionné par une parole de l'Evangile : " Le Esprit SaintLe Père, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit". (Jn 14, 26). Que signifie ce "tout", s'est-il demandé, et il a répondu : ce n'est pas une question de quantité ou d'érudition, mais de qualité, de perspective et de sens de l'odorat, car l'Esprit nous fait tout voir d'une manière nouvelle, selon le regard de Jésus. "Sur la grande route de la vie, il nous enseigne d'où partir, quelles routes prendre et comment marcher". Et il a donc expliqué ces trois aspects.
D'abord, où commencer. Nous sommes habitués à penser que si nous respectons les commandements, alors nous aimons. Mais Jésus l'a pris à l'envers : "Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements".. L'amour est le point de départ, et cet amour ne dépend pas principalement de nos capacités, car c'est son don. C'est pourquoi nous devons demander cet amour à l'Esprit Saint, le "moteur" de la vie spirituelle. Comme en d'autres occasions, François a souligné que l'Esprit Saint est la "mémoire" de Dieu, en divers sens.
D'une part, le Saint-Esprit est une "la mémoire active, qui allume et ravive l'affection de Dieu dans le cœur".C'est-à-dire qu'il nous rappelle sa miséricorde, son pardon, sa consolation. En revanche, même si nous oublions Dieu, Lui se souvient continuellement de nous ; et non pas en général, mais Il "soigne" et "guérit" nos souvenirs, surtout nos défaites, nos erreurs et nos échecs, parce qu'Il nous rappelle toujours le point de départ : l'amour de Dieu. Et ainsi l'Esprit "Elle met de l'ordre dans la vie : elle nous apprend à nous accueillir les uns les autres, elle nous apprend à pardonner, à nous pardonner nous-mêmes".. Il n'est pas facile de se pardonner à soi-même : l'Esprit nous enseigne cette voie, nous apprend à nous réconcilier avec le passé. Pour recommencer.
Deuxièmement, il indique que les chemins à prendre. Ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu, dit saint Paul, "Ne marchez pas selon la chair, mais selon l'esprit". (Rom 8:4). Par conséquent, en plus de demander l'amour du Saint-Esprit, il est nécessaire de "apprendre à discerner pour comprendre où se trouve la voix de l'Esprit, la reconnaître et suivre le chemin, suivre les choses qu'Il nous dit".
Ce n'est pas du tout générique, explique François : l'Esprit Saint nous corrige, nous pousse à changer, à lutter, sans nous laisser emporter par des caprices. Et lorsque nous échouons, il ne nous laisse pas à terre (comme le fait le mauvais esprit), mais nous prend par la main, nous console et nous encourage. Par contre, l'amertume, le pessimisme, la tristesse, la victimisation, la plainte, l'envie... ne viennent pas de l'Esprit Saint, mais du mal.
De plus, ajoute le pape, l'Esprit n'est pas idéaliste mais concret : "Il veut que nous nous concentrions sur l'ici et maintenant".pas dans les fantasmes et les murmures, pas dans la nostalgie du passé, pas dans les craintes ou les faux espoirs pour l'avenir. Et l'on voit bien à quoi François fait référence : "Non, l'Esprit Saint nous conduit à aimer ici et maintenant, concrètement : pas un monde idéal, une Église idéale, une congrégation religieuse idéale, mais ce qui est là, à la lumière du soleil, avec transparence, avec simplicité"..
Troisièmement, le Saint-Esprit nous enseigne comment marcher. Comme les disciples, elle nous fait sortir de notre enfermement pour proclamer, nous ouvrir à tous et aux nouveautés de Dieu, être une maison accueillante et nous oublier. Et c'est ainsi qu'il rajeunit l'Église. "L'esprit -signale le successeur de Pierre. "Elle nous libère de l'obsession des urgences et nous invite à marcher sur des chemins anciens et toujours nouveaux, les chemins du témoignage, les chemins du bon exemple, les chemins de la pauvreté, les chemins de la mission, pour nous libérer de nous-mêmes et nous envoyer dans le monde".
Même, conclut-il, l'Esprit est l'auteur de la division apparente, du bruit et du désordre, comme ce fut le cas le matin de la Pentecôte. Mais au fond, il travaille pour l'harmonie : "Il crée la division avec les charismes et il crée l'harmonie avec toute cette division, et c'est la richesse de l'Église"..
L'Esprit Saint, "enseignant" et "mémoire" vivante.
Dans le Regina Caeli Le dimanche même de la Pentecôte, le Pape a utilisé deux images pour expliquer le rôle de l'Esprit Saint auprès de nous : comme "enseignant" et, à nouveau, comme "mémoire".
Tout d'abord, le Saint-Esprit enseigne pour surmonter la distance qui peut sembler exister entre le message de l'Évangile et la vie quotidienne. Étant donné que Jésus a vécu il y a deux mille ans dans des situations très différentes, l'Évangile peut sembler inadapté à nos besoins et à nos problèmes. Que peut dire l'Évangile - pourrait-on demander - à l'ère d'Internet, à l'ère de la mondialisation ?
Mais le Saint-Esprit est "spécialiste de la réduction des distances" : "relie les enseignements de Jésus à chaque époque et à chaque personne".. Elle actualise l'enseignement de Jésus, ressuscité et vivant, face aux problèmes de notre temps.
C'est le moyen qu'utilise l'Esprit pour "remembrer" (ramener au cœur) les paroles du Christ. Avant la Pentecôte, les apôtres avaient entendu Jésus à plusieurs reprises, mais ne le comprenaient guère. Nous aussi : l'Esprit Saint nous fait nous souvenir et comprendre : "Elle passe de l''entendu' à la connaissance personnelle de Jésus, qui entre dans le cœur. Et c'est ainsi que l'Esprit change nos vies : "Elle fait que les pensées de Jésus deviennent nos pensées"..
Mais sans l'Esprit, avertit François, la foi devient oublieuse, nous perdons la mémoire vivante de l'amour du Seigneur, peut-être à cause d'un effort, d'une crise, d'un doute. C'est pourquoi, propose le pape, nous devons invoquer fréquemment l'Esprit : "Viens, Esprit Saint, rappelle-moi Jésus, éclaire mon cœur".
La pauvreté qui libère
Le 13 juin, François a publié son message pour la 6e Journée mondiale des pauvres, qui sera célébrée le même jour en novembre prochain. La devise résume l'enseignement et la proposition. "Jésus-Christ s'est fait pauvre à cause de vous (cf. 2 Co 8, 9)". C'est une saine provocation, dit Francis, "pour nous aider à réfléchir sur notre mode de vie et sur les nombreuses pauvretés du moment présent".
Même dans le contexte actuel de conflits, de maladies et de guerres, François évoque l'exemple de saint Paul, qui organisait des collectes, par exemple à Corinthe, pour prendre soin des pauvres de Jérusalem. Il fait spécifiquement référence aux collectes de la messe du dimanche. "Sur les instructions de Paul, chaque premier jour de la semaine, ils collectaient ce qu'ils avaient réussi à économiser et ils étaient tous très généreux".. Pour la même raison, nous devons aussi l'être, en signe de l'amour que nous avons reçu de Jésus-Christ. "C'est un signe que les chrétiens ont toujours accompli avec joie et sens des responsabilités, afin qu'aucune sœur ou frère ne manque du nécessaire".comme en témoigne saint Justin (cf. Premières excuses, LXVII, 1-6).
Ainsi, le Pape nous exhorte à ne pas nous lasser de vivre la solidarité et l'accueil : "En tant que membres de la société civile, faisons vivre l'appel aux valeurs de liberté, de responsabilité, de fraternité et de solidarité. Et comme chrétiens, trouvons toujours dans la charité, la foi et l'espérance le fondement de notre être et de notre action".. Face aux pauvres, il faut renoncer à la rhétorique, à l'indifférence et à l'abus de biens matériels. Il ne s'agit pas d'une simple assistance. Ni le militantisme : "Ce n'est pas l'activisme qui sauve, mais l'attention sincère et généreuse qui nous permet d'approcher un pauvre comme un frère qui me tend la main pour m'aider à me réveiller de la léthargie dans laquelle je suis tombé.".
C'est pourquoi il ajoute dans les termes exigeants de son exhortation programmatique Evangelii gaudium : "Personne ne devrait dire qu'il se tient à l'écart des pauvres parce que ses choix de vie impliquent de porter plus d'attention à d'autres questions. C'est une excuse fréquente dans les milieux universitaires, commerciaux ou professionnels, et même ecclésiaux. [...] Personne ne peut se sentir exempté du souci des pauvres et de la justice sociale". (n. 201).
L'évêque de Rome conclut en soulignant deux types de pauvreté très différents : "Il y a une pauvreté - la famine et la misère - qui humilie et tue, et il y a une autre pauvreté, sa pauvreté - celle du Christ - qui nous libère et nous rend heureux".
La première, dit-il, est l'enfant de l'injustice, de l'exploitation, de la violence et de la répartition injuste des ressources. "C'est une pauvreté désespérée, sans avenir, car elle est imposée par une culture du jetable qui n'offre aucune perspective et aucune issue..
Cette pauvreté, qui est souvent extrême, touche également "la dimension spirituelle qui, bien que souvent négligée, n'est pas pour autant inexistante ou ne compte pas"..
Il s'agit en fait d'un phénomène malheureusement fréquent dans la dynamique actuelle du profit sans le contrepoids - qui devrait être prioritaire et qui ne s'oppose pas au profit équitable - du service aux personnes.
Et cette dynamique est implacable, comme le décrit Francis : "Quand la seule loi est celle du calcul des profits à la fin de la journée, alors il n'y a plus de frein à la logique d'exploitation des personnes : les autres ne sont que des moyens. Il n'y a plus de salaires justes, plus de temps de travail équitable, et de nouvelles formes d'esclavage sont créées, subies par des personnes qui n'ont pas d'autre alternative et doivent accepter cette injustice empoisonnée afin d'obtenir le minimum pour leur subsistance"..
Quant à la pauvreté qui libère (la vertu de détachement ou pauvreté volontaire), elle est le fruit de l'attitude de détachement que tout chrétien doit cultiver : "La pauvreté qui libère, en revanche, est celle qui nous est présentée comme un choix responsable pour alléger le lest et se concentrer sur l'essentiel"..
Le Pape note qu'aujourd'hui beaucoup cherchent à s'occuper des petits, des faibles et des pauvres, parce qu'ils y voient leur propre besoin. Loin de critiquer cette attitude, il la valorise tout en appréciant ce rôle éducatif des pauvres à notre égard : "La rencontre avec les pauvres nous permet de mettre fin à tant d'angoisses et de peurs inconsistantes, d'arriver à ce qui compte vraiment dans la vie et que personne ne peut nous voler : l'amour vrai et gratuit. Les pauvres, en réalité, plutôt que d'être l'objet de nos aumônes, sont des sujets qui nous aident à nous libérer des liens de l'agitation et de la superficialité".
Le service de la théologie
Un troisième thème, qui présente un intérêt particulier pour les éducateurs chrétiens, est celui de la théologie comme service. Dans un discours prononcé à l'occasion du 150ème anniversaire de la revue théologique La Scuola CattolicaLe pape a souligné trois aspects importants de la manière dont la théologie doit être comprise aujourd'hui.
Premièrement, la théologie est un service à la foi vivante de toute l'Églisepas seulement les prêtres, les religieux ou les professeurs de religion. Nous avons tous besoin de ce travail, qui consiste à "interpréter la foi, la traduire et la retraduire, la rendre compréhensible, l'exposer avec des mots nouveaux [...], l'effort pour redéfinir le contenu de la foi à chaque époque, dans le dynamisme de la tradition".. Il est important, souligne François, que le contenu de la prédication et de la catéchèse soit "capable de nous parler de Dieu et de répondre aux questions de sens qui accompagnent la vie des gens, et qu'ils n'ont souvent pas le courage de poser ouvertement"..
En conséquence du premier point, le Pape souligne : "Le renouveau et l'avenir des vocations ne sont possibles que s'il y a des prêtres, des diacres, des personnes consacrées et des laïcs bien formés".Cela implique un enseignement toujours accompagné de la vie de celui qui enseigne, de sa générosité et de sa disponibilité pour les autres, de sa capacité d'écoute (et aussi, j'ajouterais, en lien avec le thème précédent, de son détachement personnel des biens). Et cela implique un enseignement toujours accompagné de la vie de celui qui enseigne, de sa générosité et de sa disponibilité pour les autres, de sa capacité d'écoute (et aussi, j'ajouterais, en relation avec le thème précédent, de son détachement personnel des biens).
Troisièmement et enfin, comme conséquence de tout ce qui précèdeLa théologie est au service de l'évangélisation.Le travail du théologien est basé sur le dialogue et l'acceptation. En arrière-plan, il y a l'action de l'Esprit Saint dans le théologien et dans ses interlocuteurs. François esquisse en quelques traits un profil du théologien et de la théologie de notre temps.
Le théologien doit être"Un homme spirituel, humble de cœur, ouvert aux infinies nouveautés de l'Esprit et proche des blessures de l'humanité pauvre, écartée et souffrante". Il en est ainsi, dit-il, car sans humilité, il n'y a pas de compassion ou de miséricorde, pas de capacité à incarner le message de l'Évangile, pas de capacité à parler au cœur, et donc pas de capacité à atteindre la plénitude de la vérité à laquelle l'Esprit conduit.
La théologie doit vivre des contextes et répondre aux besoins réels des gens. Ceci, dit François comme en d'autres occasions, est contraire à une théologie de l'amour. "bureau", et signifie la capacité de "accompagner les processus culturels et sociaux, en particulier les transitions difficiles, en assumant également la responsabilité des conflits"..
Comme on peut le constater, l'évêque de Rome continue de garder un œil sur la situation actuelle, qui est compliquée sur plusieurs fronts. En tout cas, il ajoute que "Nous devons nous méfier d'une théologie qui s'épuise dans des disputes académiques ou qui regarde l'humanité depuis un château de verre". (cf. Lettre au Grand Chancelier de l'Université Catholique Pontificale d'Argentine, 3-III-2015).
La théologie doit servir à donner de la vie et de la saveur ainsi que de la connaissance à la vie chrétienne ; à éviter la tiédeur et à promouvoir le discernement synodal à partir des communautés locales, en dialogue avec les transformations culturelles.