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Le travail acharné comme amour du travail

Le travail acharné est la vertu qui nous apprend à aimer le travail que Dieu organise pour notre vie et qui nous aide à produire les fruits que Dieu attend.

Manuel Ordeig-29 octobre 2024-Temps de lecture : 12 minutes
Travail

(Unsplash / Cathryn Lavery)

Il est bien connu que l'assiduité est une vertu qui conduit à bien travailler, à faire bon usage de son temps, à mettre de l'amour (pour Dieu et/ou son prochain) dans son travail, etc. Mais rien de tout cela n'est possible si l'on n'aime pas aussi son travail d'une manière ou d'une autre. Le dictionnaire définit l'ardeur au travail comme "l'inclination au travail", mais non pas comme une balle qui dévale la pente - toute seule - mais comme un alpiniste qui est attiré par la montagne. Le rôle attractif de l'amour entre en jeu. L'ardeur au travail implique donc l'amour du travail, le travail qui correspond à chacun d'entre nous : le travail en soi, indépendamment d'une éventuelle reconnaissance ou rémunération.

Un homme industrieux est un homme qui aime son travail et qui s'efforce de l'accomplir au mieux de ses capacités. Cela montre qu'il aime son travail et que cet amour lui fait supporter avec joie les difficultés et les efforts que tout travail implique. Il est fatigué de travailler, mais il n'est pas fatigué de travailler. Sans travail, sa vie serait terne et vide. Lorsqu'il se repose, il travaille différemment : à autre chose, avec un autre rythme, avec une autre joie ; il ne comprend pas très bien l'idée de se reposer "sans rien faire". La joie de créer - une idée, une chose, un résultat - compense largement la douleur cachée dans une telle naissance.

Le sens transcendant du travail

De nombreux auteurs l'ont découvert aujourd'hui et l'ont fait savoir à un large public : "Votre travail va occuper une grande partie de votre vie, et la seule façon d'être vraiment satisfait est de faire un grand travail. Et la seule façon de faire du bon travail est d'aimer ce que vous faites" (Steve Jobs). "Lorsque vous aimez votre travail, vous devenez le meilleur travailleur du monde" (Uri Geller). "Pour réussir, la première chose à faire est de tomber amoureux de son travail" (Mary Lauretta). "Chaque jour, j'aime ce que je fais et je crois que c'est un don et un privilège d'aimer son travail" (Sarah Burton). Ces phrases et d'autres similaires sont le résultat d'expériences humaines fructueuses, aujourd'hui partagées par le réseau mondial.

Si l'on y ajoute un sens transcendant, il en résulte qu'en aimant le travail, on aime Dieu et son prochain. La foi et l'espérance colorent indubitablement cet amour et introduisent la personne qui travaille dans la sphère surnaturelle à laquelle l'être humain est destiné. Saint Josémaria Escriva disait : " Fais ton travail par amour : fais tout par amour, j'insiste, et tu verras - précisément parce que tu aimes... - les merveilles que ton travail produit ".

Il est des cas où il peut paraître difficile - voire choquant ou contradictoire - de prétendre aimer le travail auquel nous avons fait référence : soit parce que l'on souffre d'un travail ingrat (quelles qu'en soient les raisons), soit parce que sa situation personnelle (santé, etc.) le rend impossible, soit parce que l'on juge que l'amour doit être réservé à des choses plus nobles. On pourrait supposer que tous les hommes doivent travailler, mais qu'il n'est pas obligatoire de le faire avec plaisir. 

Il est évident que l'amour ne s'impose pas. Le fait est que l'homme laborieux, celui qui apprend à aimer son travail - parfois avec effort et petit à petit - a un long chemin à parcourir pour être heureux et rendre heureux ceux qui l'entourent. "Celui qui est laborieux fait fructifier son temps, qui n'est pas seulement de l'or, mais la gloire de Dieu ! Il fait ce qu'il doit et il est dans ce qu'il fait, non par routine, ni pour occuper les heures... C'est pourquoi il est diligent [et] diligent vient du verbe "diligo", qui signifie aimer, apprécier, choisir comme fruit d'une attention soigneuse et attentive " (saint Josémaria Escriva de Balaguer).

En outre, le travail est en lui-même le principe des relations personnelles et sociales. Et la personne au centre de ces relations doit, avec elles, remplir les devoirs raisonnables de coexistence que tout homme a envers la société. Dans ce cas, combien il serait difficile pour celui qui travaille malgré lui - dans l'opposition - d'être bon, patient, de répondre avec douceur, et même de comprendre et de pardonner aux autres ! Le travail acharné permet de transmettre autour de soi la vision optimiste de ceux qui aiment leur travail et savent profiter des joies qu'il leur apporte.

Même en dehors de la sphère professionnelle, comme la mauvaise humeur au travail peut involontairement s'étendre à la sphère familiale ou plus intime ! C'est une chose de rentrer fatigué du travail et de chercher un repos naturel, et c'en est une autre de reporter ses frustrations professionnelles sur les autres. Si, en plus d'aimer son travail, on aime Dieu et son prochain, le repos nécessaire aidera aussi nos proches à se reposer.

Aimer le travail

Lorsque l'on parle d'amour du travail, il est nécessaire de préciser que le terme amour contient un concept analogue. On peut aimer des personnes, des animaux, des choses, des idées, des attitudes, des sentiments... mais on ne les aime pas de la même manière. Le propre de l'amour est d'aimer les personnes : parmi elles, Dieu. Les autres applications du terme doivent être comprises correctement. Mais, avec cette précision, on peut dire que les autres choses sont aussi aimées.

Comme l'a expliqué Benoît XVI, l'amour a une première dimension d'"eros", qui englobe l'attirance, le désir de possession. Et une deuxième dimension "agapè" : l'amour véritable implique le don, le cadeau, le don de soi. Tout amour comporte une part de chacun de ces aspects. L'amour des personnes, s'il est grand, comporte une bonne part de don de soi, jusqu'au don total dans l'amour conjugal. L'amour des choses et des idées est, de manière dominante, un amour érotique : de possession et de jouissance.

Pourtant, il est légitime d'appeler amour, dans le cadre de l'analogie, celui que l'on a, par exemple, pour un animal de compagnie, un lieu (de naissance, de vie familiale...), un certain paysage, l'art, le sport, le football... Cet amour est celui qui nous remplit de joie lorsque nous pouvons le satisfaire, même si cela demande des efforts (atteindre un sommet...) ou des années de préparation sacrificielle (des Jeux olympiques...).

De plus, cet amour est aussi celui qui permet de développer le plus parfaitement la tâche en question. Par exemple, un musicien qui n'aime pas la musique ne sera jamais qu'un pianiste ou un violoniste médiocre ; même s'il joue les bonnes notes, il manquera d'"esprit" et d'expressivité ; seul un amour intense pour la musique elle-même peut amener quelqu'un à être un musicien extraordinaire. Ou encore, dans un autre domaine, seul un bon chasseur - un grand amateur de chasse - peut exceller dans cette activité. On pourrait multiplier les exemples.

Si l'on objecte que ces exemples se réfèrent plutôt à des hobbies ou à des goûts, et non pas proprement à des emplois "professionnels", on peut rétorquer que le travail est une condition humaine presque universelle, qui s'applique de manière particulière aux fidèles laïcs de l'Église, comme l'a reflété le Concile Vatican II dans l'article "...".Gaudium et spes". Dans ce contexte, Jean-Paul Ier a même écrit : "François de Sales prône aussi la sainteté pour tous, mais il semble n'enseigner qu'une spiritualité de laïcs, alors qu'Escriva veut une spiritualité de laïcs. C'est-à-dire que François suggère presque toujours aux laïcs les mêmes moyens que ceux pratiqués par les religieux, avec des adaptations appropriées. Escriva est plus radical : il parle de matérialiser - au bon sens du terme - la sanctification. Pour lui, c'est le travail matériel lui-même qui doit se transformer en prière". Tout travail, même intellectuel, suppose - tôt ou tard - des résultats matériels qui le prouvent. La matérialisation susmentionnée suppose d'aimer, d'une certaine manière, à la fois le travail et la matérialité qu'il contient.

L'ardeur au travail

Comme nous l'avons déjà dit, l'ardeur au travail est précisément l'amour du travail que chacun de nous doit accomplir. Certes, il est possible de travailler sans amour du travail : comme une obligation désagréable que l'on n'a pas d'autre choix que d'accomplir. Rares sont les personnes qui travaillent ainsi. Dans ce cas, il est très difficile de travailler avec bonheur, et encore plus de travailler parfaitement.

Bien sûr, l'amour (pour Dieu, pour sa famille, pour son pays, pour l'argent...) peut être mis dans n'importe quel travail. Et dans ce cas, le travail sacrifié et désagréable sera fait avec la joie d'accomplir son devoir, ce qui n'est pas sans valeur. Mais ce n'est pas cet amour qui est impliqué dans le concept d'assiduité, même s'il cache une certaine relation avec lui.

Dans l'ardeur au travail, on aime son propre travail, quel qu'il soit. On aime l'acte de travailler, la manière de le faire et le fruit de ce travail. Le travail est alors profondément satisfaisant. Et, bien qu'il soit toujours possible de faire un travail sérieux et professionnel, ce n'est qu'avec l'amour qu'il sera pleinement réalisé : ce n'est qu'à ce moment-là qu'il sera digne d'éloges. L'amour pour Dieu ou pour le famille peut rendre un travail sacrificiel et utile, mais il est difficile de le rendre humainement agréable si l'on n'aime pas le travail lui-même.

Seul le travail acharné permet de travailler avec persévérance, jour après jour, sans reconnaissance immédiate (financière ou autre). Et de le faire en toute rectitude d'intention, c'est-à-dire de se sentir "payé" pour le simple fait de travailler, d'accomplir sa tâche, même si personne ne le voit. Cela ne signifie pas, bien sûr, qu'il faille renoncer à une rémunération correcte, mais simplement que l'amour du travail relègue à l'arrière-plan les autres intérêts matériels.

Comme toute vertu, l'assiduité admet des degrés : il est possible d'aimer le travail trop ou trop peu. En effet, on peut pécher contre cette vertu par excès, si le travail en vient à nuire à la santé ou au temps dû à la famille ou à Dieu. Et aussi par défaut, lorsque la paresse, le désordre ou la routine transforment le travail en un simple "accomplissement" matériel aux imperfections répétées.

C'est-à-dire que l'amour du travail doit être ordonné, comme tout le reste. C'est généralement la vertu de prudence, humaine et surnaturelle, qui se charge de mettre le travail à sa place, dans la complexité des intérêts qui composent la vie d'une personne. Il ne devrait pas être nécessaire d'attendre des indications extérieures pour se rendre compte que le travail encombre sa propre vie.

En bref, la personne industrieuse, en plus d'aimer Dieu et les autres au travail, aime le travail lui-même : comme un moyen, non comme une fin, mais elle l'aime. Nier cette dimension d'amour au travail, c'est le réduire à un simple ensemble de directives, essentiellement négatives : ne pas perdre de temps, éviter le désordre, ne pas remettre au lendemain ce qui doit être fait aujourd'hui....

Et dans la vie de tout être humain, parce que toutes les vertus sont unies d'une certaine manière, l'assiduité facilite des vertus aussi éloignées, apparemment, que la tempérance : chasteté, pauvreté, humilité... En revanche, l'oisiveté - l'extrême opposé de l'assiduité -, comme le résume l'adage ascétique, est à l'origine de nombreux vices.

L'amour du travail, associé à l'amour de Dieu et du prochain, fait mûrir l'homme. Il facilite cette maturité humaine qui se manifeste dans les détails concrets de l'esprit de service, de l'entraide, du désintéressement, de l'accomplissement des promesses, etc. Il rend les personnes plus humaines, en conclusion : "par leur savoir et leur travail, elles rendent la vie sociale plus humaine, tant dans la famille que dans l'ensemble de la société civile" (Concile Vatican II, "Gaudium et spes").

D'autre part, il en va du travail comme des autres réalités humaines. Dans le cas d'une personne contrainte de changer de pays, pour des raisons professionnelles, familiales, etc., il est important - pour elle - qu'elle apprenne à aimer le nouveau pays. Si le séjour dure des années et qu'il n'apprend pas à aimer les coutumes, le caractère et les manières de l'endroit, il sera toujours un inadapté. Il lui sera très difficile d'être heureux dans un environnement qu'il n'aime pas, voire qu'il rejette. Dans le même ordre d'idées, on peut mettre en parallèle le cas d'une personne contrainte de changer d'emploi et d'assumer une nouvelle tâche qui, au départ, ne lui paraissait pas attrayante : plus ou moins rapidement, elle devrait commencer à l'apprécier et à l'aimer, faute de quoi elle se stabiliserait en tant que malheureux perpétuel.

Travail et sanctification du travail

L'enseignement de saint Josémaria Escriva sur la sanctification du travail et de la vie ordinaire, qu'il a si souvent exposé, est bien connu, compte tenu de l'appel à la sainteté auquel tous les baptisés sont appelés. Pour reprendre ses propres mots, "pour la grande majorité des gens, être saint signifie sanctifier son propre travail, se sanctifier dans son travail et sanctifier les autres à travers son travail, et ainsi trouver Dieu sur le chemin de sa vie".

Dans le livre que nous venons de citer, l'interviewer lui demande ce que saint Josémaria entend par " travail sanctifiant ", les autres expressions étant plus faciles à interpréter. Il répond que tout travail " doit être accompli par le chrétien avec la plus grande perfection possible : ... humaine... et chrétienne... Parce qu'ainsi fait, ce travail humain, aussi humble et insignifiant qu'il puisse paraître, contribue à l'ordonnancement chrétien des réalités temporelles et s'assume et s'intègre dans l'œuvre prodigieuse de la Création et de la Rédemption du monde ".

En outre, "la sainteté personnelle (se sanctifier dans le travail) et l'apostolat (se sanctifier par le travail) ne sont pas des réalités qui se réalisent à l'occasion du travail, comme si le travail leur était extérieur, mais précisément par le travail, qui est ainsi greffé sur la dynamique de la vie chrétienne et donc appelé à se sanctifier en lui-même".

En gardant ces affirmations à l'esprit, il est clair que ceux qui aiment leur travail trouveront dans son exécution un double motif de satisfaction : le travail lui-même et la conviction qu'avec lui, ils ne parcourent pas seulement le chemin de la sainteté, mais que le travail qu'ils aiment est comme le "moteur" qui leur permet d'avancer sur ce chemin. Toujours avec la grâce de Dieu, bien sûr.

Face à ces affirmations, on peut se demander comment il est possible de sanctifier le travail si on ne l'aime pas. Car il ne s'agit pas d'une sanctification subjective - se sanctifier dans le travail - mais de sanctifier l'exercice et la composante matérielle du travail lui-même : sanctifier cette coopération avec l'action créatrice divine, qui a laissé la création "incomplète" pour que l'homme puisse la parfaire par son travail.

Et inversement, comment un chrétien ne pourrait-il pas aimer cette tâche divino-humaine de perfectionner le monde, de contribuer à sa rédemption en union avec Jésus-Christ, "dont les mains se sont exercées au travail manuel, et qui continue à travailler au salut de tous en union avec le Père". Par cet amour, "les hommes et les femmes (...) développent par leur travail l'œuvre du Créateur, servent le bien de leurs frères et contribuent de façon personnelle à l'accomplissement des desseins de Dieu dans l'histoire".

C'est pourquoi saint Josémaria ajoute : " Nous voyons dans le travail - dans le noble labeur créateur des hommes et des femmes - non seulement l'une des valeurs humaines les plus élevées, un moyen indispensable de progrès... mais aussi un signe de l'amour de Dieu pour ses créatures et de l'amour des hommes entre eux et pour Dieu : un moyen de perfection, un chemin de sainteté ". Voilà, en substance, ce qu'aime l'homme laborieux lorsqu'il aime son travail.

Parce que le travail est un moyen et non une fin, comme nous l'avons déjà dit. La fin, c'est Jésus-Christ, l'établissement du Royaume de Dieu : l'Église, tant que nous sommes dans ce monde. Mais comme il sera difficile d'atteindre la fin pour ceux qui n'aiment pas les moyens d'y parvenir ! Jésus lui-même, dans l'obéissance au Père, a aimé sa Passion et sa Mort comme le chemin de la Rédemption de l'humanité. Si l'on ne peut pas dire que le Christ ait aimé la douleur en elle-même, on peut dire qu'il est mort en aimant la Croix et les clous qui l'y fixaient, comme instruments de la volonté du Père.

"La sueur et le labeur, que le travail implique nécessairement dans la condition actuelle de l'humanité, offrent au chrétien (...) la possibilité de participer à l'œuvre que le Christ est venu accomplir. Cette œuvre de salut s'est accomplie par la souffrance et la mort sur la croix. En supportant le labeur du travail en union avec le Christ crucifié pour nous, l'homme collabore d'une certaine manière avec le Fils de Dieu à la rédemption de l'humanité. Il se montre un vrai disciple de Jésus en portant sa croix quotidienne dans l'activité qu'il a été appelé à exercer". (Saint Jean-Paul II, "Laborem ecvercens").

Encore une fois, seul l'amour de ce travail transformera la douleur et le labeur, non seulement en une réalité rédemptrice, mais aussi en une réalité profondément satisfaisante : comme le Christ qui meurt satisfait de donner sa vie pour l'humanité. Le contraire, souffrir par dégoût et par déni, ne convient ni au Christ ni à son disciple.

Les difficultés

L'objectif est noble et, en tant que tel, il comporte de nombreuses difficultés. Beaucoup d'entre elles sont externes : circonstances défavorables, concurrence loyale ou déloyale, contraintes de santé... et mille autres raisons qui ne dépendent pas de la volonté de la personne qui travaille. Mais ce ne sont pas les seules, ni les plus difficiles. C'est à l'intérieur du sujet humain que se déroulent les conflits les plus étroitement liés à l'ardeur au travail dont nous avons parlé.

Le Pape François résume en quelques pages d'une singulière clairvoyance les problèmes "intérieurs" qui se posent dans la tâche ministérielle. Il s'adresse aux prêtres, mais ses considérations sont valables dans tous les domaines. S'ils "ne sont pas heureux avec ce qu'ils sont et ce qu'ils font, ils ne se sentent pas identifiés avec leur mission". ("Evangelii Gaudium"). "Il ne s'agit pas d'une fatigue heureuse, mais d'une fatigue tendue, lourde, insatisfaisante et, en fin de compte, inacceptable". C'est ainsi que naît la plus grande menace, celle du "pragmatisme gris de la vie quotidienne"... se développe la psychologie de la tombe... qui nous transforme en pessimistes plaintifs et désenchantés, avec un visage de vinaigre". Cela semble très négatif, peut-être exagéré, mais c'est une caricature de ce travailleur qui n'est pas satisfait de ce qu'il fait, qui se sacrifie mais sans amour : sans amour pour Dieu et pour le prochain, et sans amour pour cette tâche concrète que la volonté de Dieu - souvent à travers des intermédiaires humains - a mise entre ses mains.

Il est clair que le travail - l'amour du travail - ne suffit souvent pas à résoudre les problèmes. Il y a des obstacles qui peuvent rester insurmontables pour le moment. Dans ces cas, il n'y a rien à gagner à se plaindre et à se lamenter ; mais si nous essayons d'aimer la situation - le travail et ses circonstances - un peu plus chaque jour, nous finirons par être en mesure de réduire de manière significative l'inconfort dont nous souffrons et que nous communiquons aux autres. Une circularité bien connue se produit : l'amour facilite le dévouement et le sacrifice, et ceux-ci augmentent de plus en plus l'amour. Comme toute vertu, l'ardeur au travail se développe et grandit précisément dans l'infirmité : dans l'épreuve et dans la faiblesse (cf. 2 Co 12,9). 

"Nous sommes appelés à être des personnes-canaris pour abreuver les autres" ; à répandre autour de nous l'espérance et la joie qu'aucun travail coûteux ne peut diminuer, si nous apprenons à l'aimer avec l'aide de Dieu. En effet, bien qu'elle soit une vertu humaine, seule la charité surnaturelle nous permet d'atteindre cette hauteur qui, au-delà des raisons de la logique, nous fait surmonter tous les inconvénients humains. "Lorsque tu comprendras cet idéal de travail fraternel pour le Christ, tu te sentiras plus grand, plus ferme et aussi heureux que possible en ce monde " (Saint Josémaria Escriva, " Sillon ").

Ensuite, non seulement il dit, comme saint Martin, "non recuso laborem" ("je ne refuse pas le travail"), mais il remercie Dieu de pouvoir travailler toujours, tous les jours, jusqu'au dernier jour de sa vie.

Conclusion

Ce qui est dit sur l'assiduité et le travail offre un parallèle clair avec d'autres dimensions de la vie humaine. Par exemple, la piété : la personne pieuse aime tout ce qui la rapproche de Dieu et de ses détails. La prière sera plus ou moins fructueuse, peut-être même parfois sèche, mais cela ne lui fait rien : il sait être heureux en présence de Dieu, même s'il ne "sent" rien. S'il n'est pas pieux, chaque action liturgique sera lourde et longue pour lui, et s'il aime Dieu, il la fera pour Lui, avec un sacrifice qui a de la valeur en soi. Mais ce n'est que s'il est pieux - s'il aime les gestes et les paroles - qu'il appréciera ses propres prières et les prières liturgiques.

La célèbre parabole des talents (cf. Mt 25, 14-29) nous enseigne que celui qui n'a reçu qu'un seul talent n'aimait pas la tâche que lui avait confiée son maître. En revanche, les deux autres, enthousiasmés par les talents qu'ils avaient reçus, ont su les faire fructifier. Ils ont aimé la tâche qui leur était confiée et en ont tiré du fruit.

L'ardeur au travail est la vertu qui nous apprend à aimer le travail que Dieu organise pour notre vie et qui nous aide à produire les fruits que Dieu attend. Nous devons apprendre à être assidus, comme tant d'autres vertus, mais une fois apprises, elles nous donnent une satisfaction intime dans ce que nous faisons, ce qui nous aide à être heureux.

L'auteurManuel Ordeig

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