Dans la Rome éternelle, où le Bernin a gravé la gloire dans le travertin de Saint-Pierre, l'histoire ne s'arrête pas. La foi non plus. Ni le deuil. Ni l'amour du peuple pour son berger.
Penser à la mort d'un pape à Rome, c'est se promener sans le savoir dans les cercles de la "Divine Comédie", car tout ce qui se passe ici, au cœur de l'Église, a quelque chose du jugement dernier, de la balance, du ciel et de la terre qui se rejoignent. Ici, le deuil d'un pape a une résonance théologique et politique, mystique et populaire.
Bilan d'un pontificat
Les analystes sont déjà passés à l'action. Tous s'accordent à dire que le pontificat de Francisco a été marquée par une polarisation croissante au sein de l'Église. Ces dernières années en particulier, les tensions se sont manifestées plus durement. L'héritage de cette papauté reste à écrire. Il faudra du recul, de la perspective, de la sagesse... et sûrement des générations qui prient plus et parlent moins.
Certains ont écrit avec appréciation et équilibre, d'autres avec beaucoup de critiques. Le temps jugera, comme il a jugé les papes que Dante a placés dans les parties les plus sombres de l'Enfer ou sur les sommets du Paradis.
Les croyants prient pour le pape
Mais pour l'instant, dans un présent sans filtre ni récit définitif, la seule chose certaine est que dans la file d'attente de Saint-Pierre, les fidèles font ce qu'ils font depuis des siècles : prier pour le Pape. Parce qu'au-delà des idéologies et des nuances, être catholique c'est être uni au Pape - à celui-ci, au précédent et à celui à venir - même si l'on ne partage pas tous ses propos ou toutes ses décisions. Car le pape est le successeur de Pierre. Et quand il meurt, c'est toute l'Église qui s'arrête.
Certains établiront un parallèle entre les files d'attente de ces jours-ci et celles qui se sont formées lors des funérailles de Jean-Paul II, se demandant si elles sont plus courtes, moins colorées ou plus calmes aujourd'hui.
Certains se souviendront également que ces journées coïncident avec le Jubilé des adolescents et avec le report de la cérémonie de remise des diplômes. canonisation Carlo Acutis, ce qui explique la marée inattendue de pèlerins qui, hier, a dépassé toutes les prévisions, avec des files d'attente de trois à cinq heures qui sont restées incessantes jusqu'à l'heure de fermeture, après deux heures du matin. "Nous sommes venus avec l'illusion de voir Carlo sur les autels, mais la nouvelle nous a laissé le cœur brisé. Maintenant, nous sommes ici pour prier pour le pape et le remercier pour tout ce qu'il a fait", explique Valentina, une jeune femme d'Arezzo venue accompagnée de sa paroisse.
Histoires à la fin de St. Peter's
Nombreux sont ceux qui sont venus de différentes régions d'Italie pour rendre hommage au pontife qui a marqué une époque. Giuseppe et Annamaria, un couple de retraités de Bari, sont arrivés en train : "Nous ne voulions pas manquer cela. François a été un berger proche de nous, un grand-père pour le peuple. Nous avons beaucoup prié pour lui ces jours-ci.
L'atmosphère de la place n'est pas seulement celle du recueillement, car on y passe de nombreuses heures sous le soleil, debout, entouré d'une masse de gens. Certains touristes sont encouragés à faire la queue dans l'espoir de prendre un selfie alors qu'ils se trouvent à un peu plus de deux mètres de la dépouille du pape, mais quatre heures de pénitence sont un prix que seul l'amour véritable est capable de payer.
"Chaque visage dans la file d'attente témoigne de l'affection que François a su semer", explique le père Marcelo, un prêtre brésilien. "C'est un pape qui a parlé à nos cœurs, qui nous a appris à regarder avec tendresse et à faire confiance à la miséricorde de Dieu. Ce dernier geste, venir le voir partir, est aussi une prière".
Certains prient le rosaire et il n'est pas rare que les personnes qui se trouvent à proximité se joignent spontanément à la prière. Il y a des jeunes, des familles avec enfants et des personnes âgées. Malgré la fatigue, l'attente est vécue dans la sérénité et l'expectative. "Cinq heures de queue, ce n'est rien pour lui rendre un peu de ce qu'il nous a donné", dit Marta, une Péruvienne.
La nuit, alors que la ville s'éteint, la file des fidèles continue à avancer lentement vers la basilique. Beaucoup marchent en silence. Dans l'air, un sentiment partagé : la gratitude. Car, comme le dit l'un d'entre eux, "le pape est parti, mais pas son héritage. Sa voix vit en nous".
Sous le baldaquin doré conçu par le Bernin, reposent les restes d'un homme pour lequel l'Église prie. Un pasteur auquel les gens simples disent au revoir non pas par des éditoriaux, mais par des prières. Parce qu'en fin de compte, au-delà du bruit et des chiffres, l'Église réagit toujours de la même manière à la mort d'un pape : avec foi, avec espérance... et avec une longue file de fidèles qui, sans savoir comment expliquer tout cela, sentent qu'ils doivent être là. Parce qu'ils savent que les grands adieux ne se crient pas. Ils sont priés. Et on l'apprend dans la file d'attente pour dire au revoir à François à Saint-Pierre.
Le corps du Pape François sera gardé dans la Basilique jusqu'à vendredi. Les funérailles auront lieu samedi matin sur la place, au cours d'une cérémonie à laquelle une foule nombreuse devrait assister.