Le 1er décembre 2021, la Libreria Editrice Vaticana a publié le volume "Le pape François et le Missel romain pour les diocèses du Zaïre", un an seulement après l'Eucharistie présidée par le Souverain Pontife dans le rite zaïrois (typique de la région du Congo), dans la basilique Saint-Pierre. Le pape a envoyé un message vidéo pour se joindre à la présentation du livre, qui comporte également une préface écrite par lui-même.
Inculturation de la liturgie
Avec tant d'initiatives en cours, et tant de défis auxquels l'Église est confrontée aujourd'hui, la question est évidente : pourquoi le pape accorde-t-il tant d'importance à un livre sur la liturgie congolaise ? Dans un message vidéo, le Pape François souligne la raison principale de la publication : "La signification spirituelle et ecclésiale et la finalité pastorale de la célébration eucharistique du rite congolais sont à la base de la création de ce volume". En outre, dans la préface du livre, il ajoute : "Le processus d'inculturation liturgique au Congo est une invitation à valoriser les différents dons de l'Esprit Saint, qui sont une richesse pour toute l'humanité".
Le pape François, qui a touché et expérimenté de près la piété et la religiosité populaires pendant son mandat d'archevêque de Buenos Aires, voit clairement la nécessité d'une liturgie pleinement immergée dans la société, afin que le peuple s'approprie la célébration des sacrements, sceaux indélébiles de la grâce. Et tout cela n'est pas son invention.
La vérité est que l'inculturation de la liturgie n'est pas une question qui s'est posée dans le sillage du Synode pour l'Amazonie ou avec le pontificat de François. Lors des travaux du Concile Vatican II, des "normes d'adaptation au caractère et aux traditions des divers peuples" ont été proposées. En ce sens, le rite zaïrois ou congolais est le premier et le seul rite inculturé de l'Église latine approuvé après le Concile et - comme le dit encore le Pape dans le message vidéo - l'expérience de ce rite dans la célébration de la Messe "peut servir d'exemple et de modèle pour les autres cultures".
Inculturation de la liturgie et continuité avec le Missel romain
Le numéro 125 de la Instrumentum Laboris du Synode pour l'Amazonie (qui se tiendra du 6 au 27 octobre 2019), dans son numéro 125, dit : " La célébration de la foi doit être réalisée de manière inculturée, de sorte qu'elle soit une expression de la propre expérience religieuse et un lien de communion pour la communauté qui célèbre. "
"Une culture vivante, une spiritualité animée par des chants aux rythmes africains, le son des tambours, des mouvements corporels et des couleurs nouvelles... tout cela est nécessaire pour que la célébration soit vivante et remplisse sa finalité évangélisatrice", explique le pape. Peut-être que pour les catholiques occidentaux, cela peut sembler trop nouveau et même irrévérencieux, mais pas pour les Congolais. Ils sont familiers avec les couleurs et les différentes langues, ils connaissent les mouvements et les danses, et les chansons font partie de leurs célébrations quotidiennes. Ce que l'Église propose, c'est de traduire dans la liturgie ces coutumes originelles de célébration des différents peuples, coutumes et traditions qui existent déjà et qui sont, en fait, bien établies dans les communautés, de sorte que la liturgie réponde mieux à leur spiritualité originelle, que les célébrations soient source et sommet de sa vie chrétienne et sont liés en même temps à leurs luttes, leurs souffrances et leurs joies.
Bien sûr, cette "inculturation de la liturgie" ne se fait pas pour toutes les cultures de manière générique mais doit toucher "le monde culturel des gens". Cela nécessite un "processus de discernement concernant les rites, les symboles et les styles de célébration des cultures indigènes en contact avec la nature qui doivent être repris dans le rituel liturgique et sacramentel". Un tel processus conduit à la séparation de la véritable signification du symbole qui transcende les aspects purement esthétiques et folkloriques. Toutefois, il est particulièrement important d'inclure dans la célébration la musique et la danse elles-mêmes, ainsi que les costumes indigènes, propres à chaque communauté et en communion avec la nature.
Un problème de longue date
Dans le texte programmatique de son pontificat, l'exhortation apostolique Evangelii GaudiumLe Pape parle précisément de l'opportunité d'atteindre les différentes cultures avec leur propre langue. Il nous exhorte à dépasser la rigidité d'une discipline qui exclut et aliène, pour une sensibilité pastorale qui accompagne et intègre", car "le christianisme n'a pas un modèle culturel unique". Le christianisme, tout en restant "dans une totale fidélité à l'annonce de l'Évangile et à la tradition ecclésiale, apportera aussi le visage des nombreuses cultures et des peuples dans lesquels il est accueilli et enraciné". En fait, le rite romain reste le rite majoritaire des fidèles chrétiens depuis que le pape saint Pie V a imposé l'utilisation du même rite, sauf lorsqu'une coutume différente d'un rite particulier, vieille d'au moins deux cents ans, a été célébrée sans interruption.
En ce sens, le cas du rite de Zairé pourrait bien être un pas de plus vers de nouveaux chemins et processus de discernement liturgique où les différentes spécificités de chaque communauté, insérée dans une culture, avec ses propres langues et symboles, peuvent être prises en compte sans altérer la nature du Missel romain, qui garantit la continuité avec la tradition ancienne et universelle de l'Église.
Une invitation transversale
On peut penser que la publication de ce volume n'est pas nouvelle en soi, puisque le Missel romain contenant le rite de Zairé a été approuvé en 1988 par la Congrégation pour le culte divin et que ce rite est utilisé depuis lors dans la région de la République démocratique du Congo. Toutefois, la lecture clé n'est pas la publication ou la présentation du livre, mais l'invitation du Pape à travailler dans ce domaine : le Pape parle du rite congolais comme d'un " rite prometteur pour d'autres cultures ", dans le but, avant tout pastoral, d'accompagner les communautés qui demandent la reconnaissance de leur propre spiritualité. Le Souverain Pontife rappelle que "le Concile Vatican II avait déjà appelé à cet effort d'inculturation de la liturgie parmi les peuples indigènes, bien que peu de progrès aient été réalisés". Le Pape lance donc un appel transversal - aux différentes communautés et associations locales et, surtout, aux Conférences épiscopales - dans cette direction.