Culture

"Almost", plus qu'une simple histoire sur le sans-abrisme

Jorge Bustos matérialise dans ces pages la seule raison d'être du journaliste, cette profession qui parle de tout ce qui ne vit pas : raconter les histoires qui méritent d'être entendues.

Maria José Atienza-26 novembre 2024-Temps de lecture : 2 minutes

Détail de la couverture de Casi ©Livres de l'astéroïde

Il suffit de deux jours pour le lire. La rapidité de sa lecture est probablement due, en grande partie, au fait qu'il Presque capte le lecteur dès le début de l'histoire.

Le journaliste Jorge Bustos fait la chronique du sans-abrisme, comme il sous-titre lui-même cet ouvrage, non pas du point de vue économique ou socio-descriptif du politicien, ni comme l'un de ces prêches moralisateurs des nouveaux prêtres laïcs en lesquels beaucoup d'entre nous, communicateurs, avons muté. 

Presque est un récit de première main, écrit depuis la salle à manger du centre d'accueil, depuis le bus partagé et les bavardages confidentiels des courtes marches d'une excursion.

Presque

AuteurJorge Bustos
Editorial: Libros del Asteroide
Pages: 192
Année: 2024

Presque naît d'un regard reconnaissant, et non d'un regard rapide, sur ces milliers de "sans-abri" qui peuplent nos rues du premier monde. Ceux qui sont si proches de nous que nous ne les voyons même pas, que nous avons "assimilés" à l'ensemble du paysage, mais qui sont l'échec le plus retentissant d'une société qui, comme le souligne Bustos lui-même, les collectivise pour les faire disparaître. "diluer la responsabilité, qui incombe toujours à des décisions spécifiques prises par des personnes spécifiques".

Presque est constitué de bribes d'histoires inachevées, parce qu'elles sont encore vécues au moment où vous lisez ces lignes : la vie des sans-abri, leurs lumières et leurs ombres, la tâche ingrate et en même temps merveilleuse de ceux qui s'occupent d'eux ; le travail des sœurs de la Charité qui sont, en plus d'être des sœurs, le père et la mère de centaines de personnes que personne ne veut appeler "famille".

Avec l'acuité stylistique qui le caractérise, Bustos passe du journaliste-compteur au journaliste-auditeur, incarnant un narrateur qui réfléchit, analyse, se souvient... et disparaît quand il le faut. Il partage avec les vrais protagonistes, les invisibles, la nourriture et la conversation. Et avec ceux qui s'occupent d'eux, dans le centre d'accueil de San Isidro à Madrid (Presque), dans d'autres centres tels que La Rosa ou Juan Luis Vives.

Dans ces pages, on trouve des toxicomanes nés avec des symptômes de sevrage, des femmes qui ont été abusées à maintes reprises, des professeurs que l'alcool a fait descendre de la salle de classe à des nuits sur un banc de rue froid, et des immigrants marqués par des étiquettes d'un signe ou d'un autre. Ses membres n'apparaissent pas comme des pauvres piétinés (même si plus d'un porte la marque d'une semelle sur son visage), mais avec la dignité de ceux qui, en tant que femme ou homme, ont un cœur et une histoire entre les côtes.

À l'ère de l'information faible coût (et rapide), de l'animateur de talk-show et du journaliste ChatGPTQu'un des nôtres accepte de descendre dans la rue pendant plus de deux heures pour un reportage est une preuve plus que louable de dévouement particulier à la profession et de respect pour le lecteur.

Si, comme dans le cas présent, il y a consacré des jours et des nuits, et même la célébration de son propre anniversaire, nous passons à quelque chose de plus qu'un rapport d'information ou de "dénonciation".

Jorge Bustos matérialise dans ces pages l'unique raison d'être du journaliste, cette profession qui parle de tout ce qui ne vit pas : raconter les histoires qui méritent d'être entendues. Être la voix de ceux qui ne peuvent pas la raconter, qui n'ont pas de voix ou qui ne sont même pas conscients que c'est leur vie qui matérialise réellement le pouls d'une société.

Presque est un livre qu'on ne finit pas de lire quand on passe à la page 189. C'est même drôle de se dire qu'on l'a "presque" fini, mais qu'on ne l'a pas fini. Car, si vous avez du cœur, des tripes et des yeux... Ou plutôt, si vous avez des yeux dans votre cœur, vous continuerez à lire les pages de Presquetous les jours, dans les rues de leur ville.

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