Culture

Une petite boîte à bijoux pour la Vierge Marie

Il existe des compositions qui, en raison de leur petite taille et de la grande valeur de la musique qu'elles contiennent, peuvent être comparées à de petites boîtes à bijoux. Marc Antoine Charpentier, compositeur français de l'époque baroque, a inclus dans ses "Litanies" une précieuse collection de petites perles et de bijoux musicaux. Un beau cadeau musical à la Vierge Marie qui, outre les grandes œuvres chorales, se voit dédier de petites merveilles, comme celle qui nous intéresse dans cette revue.

Antonio de la Torre-8 mars 2025-Temps de lecture : 5 minutes

L'Annonciation de la Vierge Marie par Philippe de Champaigne (Wikimedia Commons)

Ceux qui ont suivi les émissions de l'Eurovision il y a quelques décennies connaissent la fanfare majestueuse qui les précède, évocatrice d'une époque de lustre et de grandeur. Il s'agit du prélude composé par Marc Antoine Charpentier pour son monumental "Te Deum", écrit dans les années 1690. C'est probablement la partition de ce compositeur qui est la plus connue du grand public, même de ceux qui ne sont pas amateurs de musique classique.

Pourtant, ce très intéressant compositeur français, qui vécut de 1643 à 1704, a à son actif un catalogue bien plus vaste et plein de belles surprises. L'une d'entre elles est la petite composition dédiée à la Vierge Marie que nous présentons dans cette revue, et dont il est intéressant de connaître le contexte pour mieux l'apprécier.

De Rome à Paris

Une grande partie de la formation musicale de Charpentier s'est déroulée à Roma. C'est là qu'il découvrit la valeur de la nouvelle musique développée par Monteverdi au début du XVIIe siècle pour l'évangélisation et l'expression esthétique de l'expérience religieuse. Charpentier connaissait les milieux romains de l'Oratoire de Saint Philippe Néri qui, comme on le sait, attachait une grande importance à la musique comme élément de catéchèse, d'évangélisation et de promotion d'une liturgie attrayante. Des compositeurs de grand talent des XVIe et XVIIe siècles, tels que Tomás Luis de Victoria et Giacomo Carissimi, connaissaient et partageaient cette vision de la musique religieuse, qui mettait davantage l'accent sur l'émotion, la mélodie et le symbolisme théologique que sur la structure, le contrepoint et les démonstrations de virtuosité chorale ou vocale.

Par conséquent, lorsque Charpentier revint en France pour rejoindre l'équipe musicale de Versailles, il possédait déjà un catalogue intéressant de musique religieuse et avait développé un style élégant, mélodique et émotif, d'une grande persuasion esthétique et symbolique, afin d'exprimer musicalement la foi. Ces traits apparaîtront à maintes reprises dans de petits détails des Litanies que nous allons entendre.

Un bijou de petit format

Parmi les espaces dédiés à la musique religieuse, le collège jésuite de Paris, comme celui de Rome, se distingue. Les disciples de saint Ignace avaient appris à l'Oratoire le pouvoir d'expression et d'évangélisation de la nouvelle musique, qu'ils allaient diffuser et promouvoir dans toute l'Europe et ses colonies américaines et asiatiques. Charpentier a donc peut-être composé cette mise en musique de la Litanies lauretaines pour la Congrégation mariale du collège des Jésuites de Paris. Cette association en l'honneur de la Vierge est typique de tous les collèges fondés par la Compagnie de Jésus, et cet environnement scolaire, ou académique, explique que les "Litanies de la Vierge" soient une composition de petite envergure. Quant à l'effectif musical, il se compose de quatre ou cinq instruments et de neuf solistes vocaux. Quant à sa durée, elle peut être exécutée en quinze minutes. On est loin des compositions solennelles dédiées aux fonctions liturgiques de Versailles, comme on peut le constater en comparant ces "Litanies" avec les "Litanies de la Vierge". avecpar exemple, les splendides "Grands Motets" de Lully.

Le texte de la composition, comme on peut le constater, est la Litanie de la Vierge Marie du Sanctuaire de la Sainte Maison de Lorette, qui depuis l'époque de Clément VIII (décret "Quoniam multi", 1601) peut être considérée comme la version traditionnellement officielle de cette prière à la Vierge Marie, qui a été mise en musique un nombre incalculable de fois depuis lors. Ce texte commence par un bref acte de pénitence et une invocation à la Sainte Trinité, que Charpentier fait précéder d'un très court prélude instrumental. On voit ici l'impact expressif qu'il parvient à donner avec seulement deux altos et la basse continue (normalement jouée avec une viole de gambe, un théorbe et un orgue positif).

Ce prélude serein et priant nous conduit aux invocations pénitentielles des solistes féminines qui, dans le symbolisme de la musique de Charpentier, semblent évoquer l'Épouse de l'Église implorant la miséricorde du Seigneur. Ensuite, les mêmes solistes invoquent la Sainte Trinité d'une manière très élaborée. La voix la plus grave, l'alto, commence par invoquer le Père ("Pater de cælis, Deus"). Sur la note finale, on entend le chant des deux sopranos qui invoquent le Fils (deux voix pour la deuxième personne de la Trinité : "Fili, Redemptor mundi, Deus"). Le cycle revient à son origine lorsque la contralto intervient à nouveau, invoquant l'Esprit Saint ("Spiritus Sancte, Deus"). Les trois voix s'exclament alors à l'unisson "Sancta Trinitas", après quoi seule la soprano chante : "Unus Deus". Avec une extrême brièveté, les instruments reprennent les dernières mesures des voix et préparent le début de la série de louanges à Marie.

Louanges à la Vierge Marie

En deux minutes et demie, Charpentier, fidèle aux idéaux de l'Oratorio romain, a réussi à émouvoir, à intéresser le goût esthétique, à susciter une réflexion symbolique et à faire en sorte que l'auditeur, en définitive, écoute cette musique comme une expérience de prière pour contempler la Vierge Marie. C'est précisément l'invocation à Marie, chantée par toute l'équipe musicale, qui sert à rendre présente l'image de la Vierge sous une forme sonore, autour de laquelle est chantée une majestueuse première série de litanies, à laquelle répondent les quatre solistes féminines et les cinq solistes masculins.

Ce style de chœurs opposés, ou d'antiennes, est très caractéristique de la musique baroque ancienne, tant en Italie (d'où il est originaire) qu'en France et en Espagne. En de nombreux endroits de ces "Litanies", on notera qu'il a pour effet de dynamiser l'expression musicale et de donner une plus grande profondeur et une plus grande résonance au son.

Les litanies commençant par "Mater" sont confiées aux solistes masculins, qui les chantent progressivement entrelacées sur la basse continue, se terminant par une autre intervention instrumentale très brève. Charpentier marque la transition d'une section des "Litanies" à la suivante par de courts passages instrumentaux. Les litanies "Virgo" sont à nouveau chantées dans le style des chœurs antiphoniques. Elles sont suivies d'une étourdissante série de louanges commençant par "Speculum iustitiæ", où un ingénieux jeu de miroir musical entre les deux sopranos illustre le texte. Dans cette série, on découvre comment chacune des litanies fait l'objet d'un traitement musical aussi bref qu'illustratif, offrant ainsi une belle série de miniatures musicales des titres par lesquels la Vierge Marie est invoquée. Par exemple, les trois litanies "Vas" chantées par les solistes masculins sur le continuo, ou les mélodies lumineuses consacrées aux titres les plus importants des litanies des litanies de la Vierge Marie. céleste de la Vierge : "Rosa mystica", "Domus aurea", "Porta cæli", "Stella matutina"... 

La série suivante de litanies, de caractère plus triste et suppliant, reçoit une musique plus sereine et mélancolique, qui atteint un sommet expressif de délicieuse tendresse dans la répétition des invocations "Consolátrix afflictórum", "Auxílium christianórum". Ce sont les seules invocations individuelles répétées dans toute la composition, ce qui semble suggérer que pour l'auteur, elles exprimaient un besoin spirituel particulier, facile à comprendre et à partager. Dans un clair-obscur marqué, la morosité de cette série contraste avec la joie lumineuse de la dernière section, qui loue la Vierge en tant que reine : des anges, des patriarches, des prophètes, des apôtres, des martyrs, des confesseurs, des vierges et de tous les saints (les invocations contenues dans le texte de l'époque). L'étonnante répétition en écho du mot "Regina" tout au long de ces invocations, ainsi que la répétition de l'ensemble de la série, conduit à une admirable conclusion de cette chaîne de supplications et de louanges à la Vierge Marie. Dans toutes les sections, le groupe d'invocations se termine par la demande "ora pro nobis" (elle n'est donc pas chantée après chaque invocation individuelle, comme il est d'usage dans le récitatif), mais dans la dernière section, qui chante Marie comme Reine, cette demande est chantée avec plus de grandeur, atteignant ainsi le point culminant final des louanges à la Vierge.

Comme c'est le cas dans les litanies, les invocations mariales sont suivies d'un triple "Agnus Dei", composé avec simplicité et élégance, ce qui donne une fin sereine et confiante à l'ensemble de la composition. Le dernier des trois, qui chante : "Agnus Dei, qui tollis peccata mundo, miserere nobis", est remarquable par l'ampleur admirable des chœurs antiphoniques. C'est sur cette couleur pénitentielle que s'achève ce petit recueil de louanges à la Vierge Marie, qui peut éventuellement aider à passer un délicieux moment de contemplation musicale, le regard fixé sur la Mère de Dieu.


L'auteurAntonio de la Torre

Docteur en théologie

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