Il s'agit d'une visite historique pour de nombreuses raisons. Le pape François se rendra au Canada dans le courant du mois de juillet pour un voyage très spécial. En plus d'écouter et de dialoguer avec les peuples autochtones, d'exprimer sa proximité et d'aborder l'implication de l'Église catholique dans le fonctionnement des pensionnats à travers le Canada, la visite papale sera l'occasion de rencontrer la communauté catholique au sens large au Canada.
Une communauté qui, depuis des années, est plongée dans un processus d'acceptation, de pardon, mais surtout de construction d'un avenir, comme il le souligne dans cette interview pour Omnes, Raymond Poisson, président de la Conférence des évêques catholiques du Canada.
Dans cette conversation, Mgr Poisson, qui est évêque du diocèse de Saint-Jérôme-Mont-Laurier, dans la province de Québec, note que "la parole, les gestes, la présence du Saint-Père nous guideront dans la direction que nous devons prendre" sur ce chemin difficile mais nécessaire.
Comment l'Église canadienne se prépare-t-elle à cette visite ?
- C'est un grand travail d'équipe avec plusieurs partenaires, au niveau national et local, qui doit être réalisé en un temps record.
Depuis plus de trois ans, un groupe de quatre évêques accompagne régulièrement les initiatives des évêques du Canada en vue d'actions et de gestes concrets de réconciliation avec nos frères et sœurs autochtones. Faisant partie de ce groupe, je peux témoigner du parcours qui nous a conduits à organiser cette rencontre à Rome de 3 délégations - Premières Nations, Inuits et Métis - avec le Pape François (mars-avril 2022).
Ces rencontres ont culminé par une audience de plus de 150 délégués autochtones avec le Saint-Père, au cours de laquelle le pape François s'est joint aux excuses présentées par les évêques du Canada en septembre 2021. Pour donner suite à ces délégations à Rome, le pape François a accepté l'invitation de ses frères évêques. de venir au Canada à partir de juillet 2022.
Les organisations nationales de peuples autochtones participent à la planification de la visite papale au Canada. Les échanges ont commencé avec les délégués qui se préparaient à se rendre au Vatican en mars/avril 2022 et se sont poursuivis lors de leurs rencontres privées avec le pape François, ainsi qu'avec un groupe de travail d'évêques canadiens dans le cadre d'un dialogue continu.
Les frères et sœurs indigènes ont également participé à des pré-visites de sites potentiels pour la visite papale. La programmation a été finalisée en étroite collaboration avec eux afin de s'assurer que la prochaine visite du pape François sera une étape importante sur le chemin de la guérison et de la réconciliation.
Nous prions pour la santé du Saint-Père alors que nous nous lançons dans la planification intensive de cette visite historique.
La préparation de ce voyage a été, comme vous le soulignez, très rapide. En dehors des préparatifs "officiels", comment les fidèles sont-ils associés aux préparatifs ?
- Les fidèles participent de nombreuses manières aux préparatifs de la visite de notre Saint-Père, afin de se réjouir de l'amour de Dieu et de montrer comment nous rejoignons le pape dans son engagement en faveur de la guérison et de la réconciliation.
Certains groupes paroissiaux prient ensemble, d'autres font du bénévolat, d'autres encore se déplacent pour assister à l'un des événements publics, etc.
Cette question touche les survivants des pensionnats, mais aussi toute personne ayant souffert de douleurs ou de traumatismes aux mains de membres de l'Église catholique.
Mgr Raymond Poisson. Président de la Conférence des évêques catholiques du Canada
La visite du Pape est marquée par des rapports sur le comportement peu édifiant de certaines institutions ecclésiastiques envers la population autochtone. Pensez-vous que cette visite marquera un tournant dans l'histoire de l'Église canadienne ?
- Lors des délégations à Rome, nous avons entendu les paroles du pape François, qui s'est exprimé en termes d'excuses à ses frères évêques pour les comportements de certains membres de l'Église dans les pensionnats. Nous savons que sa visite sera une nouvelle étape de guérison et de réconciliation.
Cette question touche les survivants des pensionnats, mais aussi toute personne ayant subi des douleurs ou des traumatismes aux mains de membres de l'Église catholique. Mais cette visite touche surtout à la volonté de l'Église de vivre avec nos frères et sœurs indigènes de nouveaux projets de réconciliation. Pas seulement des excuses.
La visite du pape peut également avoir un certain effet libérateur, permettant un pas vers la guérison pour un grand nombre de victimes de différents types d'abus, ainsi que pour leurs familles d'anciens élèves, qui en subissent l'impact multigénérationnel.
Évidemment, toutes les victimes ne seront pas apaisées, mais pour beaucoup, ce sera l'occasion d'entendre et de voir le pape François ému par les témoignages entendus.
Les autochtones attachent une grande importance à la relation, à la présence. D'où l'importance de l'organiser sur le sol canadien et d'y faire participer le plus grand nombre possible d'autochtones.
Cette visite touche avant tout la volonté de l'Église de vivre avec nos frères et sœurs indigènes de nouveaux projets de réconciliation. Pas seulement des excuses.
Mgr Raymond Poisson. Président de la Conférence des évêques catholiques du Canada
En ce sens, comment la population autochtone, y compris les non-catholiques, vit-elle ce voyage ?
- En général, après deux ans de pandémie : comme il sera bon de se revoir en grands groupes, d'être heureux d'être ensemble !
Il est nécessaire de reconstruire et de solidifier les liens, d'apprendre à mieux se connaître et à se respecter, de mieux comprendre les spiritualités et les traditions autochtones, d'approfondir notre compréhension des vérités, de clarifier nos façons de nous voir.
Il existe des préjugés et des stéréotypes parmi nous, alors marcher ensemble, catholiques et autres confessions religieuses avec l'ensemble de la population, nous aidera à créer un avenir plus uni. L'idée est de transformer la façon dont nous nous regardons les uns les autres. Cette visite est une occasion unique offerte à l'ensemble de la société canadienne.
La devise de la visite est "Marcher ensemble", dans le cadre du processus de réconciliation initié il y a plusieurs années par les évêques du Canada. Comment se déroule ce processus ?
- La délégation qui s'est rendue à Rome en avril dernier fait suite à plus de trois ans de dialogue entre les évêques catholiques du Canada et leurs partenaires autochtones, notamment l'Assemblée des Premières Nations (APN), le Ralliement national des Métis (RNM) et l'Inuit Tapiriit Kanatami (ITK), dans le but d'apprendre et de discerner la meilleure façon de les soutenir sur la voie de la guérison et de la réconciliation.
Alors que ce dialogue se poursuit, nous avons pris plusieurs étapes importantespour soutenir un avenir meilleur, notamment l'annonce d'un soutien de $30 millions pour les initiatives de guérison et de réconciliation, notre engagement à faire en sorte que les documents relatifs aux pensionnats soient mis à la disposition des survivants et la poursuite de nos efforts pour former notre clergé, nos consacrés et nos laïcs aux cultures et à la spiritualité autochtones.
Les évêques canadiens s'entendent clairement pour dire qu'il faut faire davantage pour atténuer les souffrances historiques et actuelles causées par le système des pensionnats.
Le voyage du Saint-Père au Canada nous permettra d'être ensemble, de marcher ensemble, membres des communautés autochtones et non autochtones. Vivre ensemble des événements forts qui parlent pour nous, nous le pensons, sera bénéfique.
Les mots, les gestes, la présence du Saint-Père nous guideront dans la direction que nous devons prendre, nous ouvriront des chemins pour continuer à marcher ensemble vers la réconciliation, vers la guérison, vers une vision de l'avenir.
Marcher ensemble, catholiques et autres confessions religieuses avec l'ensemble de la population, nous aidera à créer un avenir plus solidaire. L'idée est de transformer la façon dont nous nous regardons les uns les autres.
Mgr Raymond Poisson. Président de la Conférence des évêques catholiques du Canada
Le Canada, comme le reste de l'Occident, a connu un très grand processus de sécularisation. Comment est l'Église au Canada aujourd'hui ? Comment a-t-elle vécu et vit-elle ce processus de purification qui peut parfois être presque incompréhensible ?
- L'Église en tant qu'institution personnalise tout un peuple en mouvement ; elle est une force d'action. Il y a aussi un danger : l'Église ne doit pas se limiter aux membres consacrés ou cléricaux mais à tous les baptisés.
À travers les défis et les controverses, les joies et les projets, l'Église tente de donner une place centrale au Christ, à l'Évangile et aux valeurs évangéliques. Elle est composée d'êtres humains et n'est donc pas parfaite.
Il y a une importance croissante dans la société pour l'authenticité du témoignage que cette Église, avec ses pasteurs et toute sa structure, doit servir au cœur de la société. C'est aussi cette authenticité, "fidélité à la mission", qui est souvent reprochée aux membres de l'Eglise dans le cas des internats.
Par ma propre adhésion et participation à la Conférence des évêques catholiques du Canada, je suis inspiré par de merveilleux exemples d'engagement et de sainteté dans le cheminement missionnaire du peuple de Dieu au Canada. Le monde moderne est plein de complexité, mais il y a aussi des moments où la Parole de Dieu peut s'enraciner dans la société.
En tant qu'évêques, nous comptons sur tous les membres du peuple de Dieu, y compris le clergé, les laïcs et les personnes consacrées, tous les baptisés, pour rendre un bon témoignage de l'Évangile dans la vie quotidienne.