Vatican

François : le pape prophète (ou le prophète devenu pape)

François a été un prophète qui, plutôt que de prédire l'avenir, a su lire le présent avec clarté, invitant l'Église à sortir de ses structures et à s'ouvrir au monde avec courage et miséricorde.

Maria Candela Temes-24 avril 2025-Temps de lecture : 4 minutes
prophète

@CNS photo/Vatican Media

Définir un prophète n'est pas chose aisée. Peut-être parce que, comme le dit le dicton populaire, "nul n'est prophète en son pays". Ou parce que le don de prophétie est associé à tort à la capacité de prédire l'avenir, une tâche plus adaptée aux diseurs de bonne aventure ou aux devins.

Dans le Ancien Testament le prophète est celui qui sait interpréter, à la lumière de Dieu, le temps présent et qui encourage Israël - un peuple "à la nuque raide" - à rectifier sa conduite pour revenir à l'alliance. J'ai pensé que cet adjectif convenait bien à Jorge Maria Bergoglio pour plusieurs raisons. 

Le premier à bien des égards   

François n'a pas été un pape conventionnel, si tant est qu'à ce stade de l'histoire de la papauté on puisse parler de conventionnalité. Il a été une première à bien des égards : un pontife du "nouveau monde", le premier à s'appeler "le pauvre d'Assise", le premier à vivre aux côtés de son prédécesseur pendant près de dix ans.

Bien qu'il ait suivi une ligne de continuité doctrinale par rapport aux papes qui l'ont précédé, il a pris ses distances à un moment donné (dans la forme, pas dans le fond). Au cours des dernières décennies, au milieu des tempêtes idéologiques de la modernité et de la post-modernité, les chrétiens se sont tournés vers Rome et ce sont les successeurs de Pierre qui leur ont apporté la sécurité et leur ont indiqué la voie à suivre. François - pardonnez-moi - n'a pas fait cela. 

Et il ne l'a pas fait parce qu'il ne voulait pas le faire. Il y avait une intention derrière tout cela. Son style n'a jamais été d'offrir des solutions "toutes faites", des paroles réconfortantes ou des encouragements consolateurs. Il n'a pas donné une tape dans le dos, mais plutôt une touche paternelle - une poussée, si vous voulez - pour continuer à marcher sans crainte et avec joie sur ces chemins qui, apparemment, sont de moins en moins "ceux de Dieu" chaque jour. 

Il a compris que les chrétiens d'aujourd'hui sont des voyageurs dans un monde complexe, pour lequel il n'existe pas de manuels d'instruction ou de cartes routières valables. Nous n'avons que la force de l'Évangile, qui se renouvelle à chaque époque avec une vigueur insoupçonnée, en s'adaptant aux différentes langues et mentalités, comme c'est le cas depuis qu'il a été prêché pour la première fois il y a plus de vingt siècles.

Le don du dialogue avec tous 

Il n'est pas facile de prédire l'avenir, mais il est encore plus difficile de lire le présent avec précision. La réalité frappe, parfois durement, et ne me demandez pas d'être prévoyant lorsque le problème est juste sous notre nez. Un problème qui peut être aussi pressant qu'un troupeau qui n'a pas de travail, pas de toit ou de pain pour nourrir ses enfants. 

Pourtant, il existe des personnes capables de poser un diagnostic juste et de proposer un remède qui n'est pas du tout évident pour les autres. C'est pourquoi leur voyance n'est pas toujours bien accueillie. Ses années comme supérieur provincial des Jésuites en Argentine et comme évêque de Buenos Aires ont été une bonne formation pour que Jorge Mario Bergoglio puisse exercer cette vision, et il l'a fait sans tomber dans l'extrémisme d'un côté ou de l'autre. 

François avait le don du dialogue, il savait écouter et poser les bonnes questions, mais il ne nous a pas trompés : il n'avait pas les réponses. Il fallait les chercher dans une conversation amicale avec nos pairs, et pas seulement avec quelques privilégiés, mais avec "tous". En ce sens, il était un grand pédagogue et un maître de la miséricorde. 

Admiration et perplexité

Les prophètes ont tendance à susciter deux sentiments chez ceux qui les entourent : l'admiration et la perplexité. Ils ne sont pas incompatibles et peuvent se manifester à parts égales. La perplexité, si les paroles ou le comportement ne correspondent pas à ses propres filtres ou schémas mentaux, conduit parfois à une opposition acharnée.

J'ai vécu à Rome tout au long du pontificat de François. Je l'ai accompagné en cet après-midi pluvieux du 13 mars 2013, alors qu'il jetait pour la première fois un coup d'œil dans la loggia de la basilique vaticane. C'est alors que les surprises et la perplexité ont commencé. Un pape qui a salué sans expression, mais qui nous a tous fait prier. 

Quelques jours plus tard, il expliquera lui-même que lorsqu'une situation le dépasse, son visage devient grave. Mais cette gravité, il l'enfouit bientôt derrière un geste souriant et amical, sans renoncer à son sens de l'humour propre à Buenos Aires. Dans une symbiose unique, il est le pape qui a prêché à la fois la tendresse et l'enfer.

Et la perplexité continue : quitter le Palais apostolique pour la Casa Santa Marta, continuer à porter ses chaussures noires et sa croix pectorale, les appels téléphoniques aux anciens et nouveaux amis, ou sortir dans la rue pour terminer les courses que le conclave a laissées inachevées.

Dès lors, les surprises ont été le ton constant du pontificat : le choix du nom François, l'appel à une église pauvre et pour les pauvres, la messe à Lampedusa, les voyages dans les lieux les plus oubliés de la carte... s'il fallait choisir un moment emblématique de ces années, ce serait sans doute sa prière devant le Saint-Sacrement le 27 mars 2020, sur une place Saint-Pierre vide, alors que la pandémie du SIDA-19 ravageait un monde sous le choc.

Fidèle à lui-même 

Le destin du prophète n'est pas toujours facile : sa prédication impopulaire peut conduire à la punition, au bannissement ou, pire encore, à l'ostracisme. Mais la lumière reçue d'en haut est si forte qu'il n'a d'autre choix que d'être fidèle à lui-même. Cette fidélité à soi-même a été une constante tout au long de la biographie de François, que ce soit à Buenos Aires, à Cordoue ou à Rome. Ceux d'entre nous qui ont été surpris sont ceux qui ne le connaissaient pas avant qu'il ne traverse l'étang. De l'autre côté, ils répondaient en haussant les épaules : c'est Bergoglio !

Certains ont osé corriger ouvertement ce pape. J'ai toujours pensé qu'une personne qui se lève chaque jour à l'aube pour prier pendant deux heures devant le tabernacle avant de célébrer la messe ne peut pas se tromper. Il peut agir de manière irréfléchie ou hors protocole, mais il ne peut pas se tromper.

Jorge Mario Bergoglio est piémontais d'origine, argentin jusqu'à la douleur et, à son grand regret, romain. Il a accompagné l'Église comme les prophètes ont suivi le reste d'Israël en exil. Il est allé de l'avant, invitant les chrétiens à laisser derrière eux le visage de vinaigre et à ouvrir les portes de l'accueil. 

Il n'a pas hésité à mettre en œuvre la réforme de la curie que son prédécesseur avait prévue, ni à traiter les cas d'abus, la plaie la plus douloureuse du corps de l'Église. Il n'a pas non plus hésité à appliquer des mesures correctives à de jeunes institutions qui, comme souvent auparavant, ont rapidement couru le risque de dénaturer le charisme au profit du carriérisme et de la conformité à la norme.

Cette vision prophétique dont j'ai parlé au début lui a permis de garder l'esprit clair, ouvert et jeune jusqu'à la fin. Après son départ, la barque de Pierre continue son voyage sur la mer agitée de l'histoire. François ne nous a pas dit où se trouve le port sûr le plus proche, mais il nous a légué comme lumière le "...".J'espère que cela ne vous décevra pas". 

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