Pour établir les clés de la poésie de Wisława Szymborska, il faut inévitablement se tourner vers son discours de réception du Prix Nobel de littératuredans laquelle elle exprime, de manière simple et directe, ce qui la pousse à écrire, l'inspiration étant le résultat de ce qu'elle définit comme une "maladie". Je ne sais pas. C'est ainsi qu'il écrit : "Il y a, il y a eu et il y aura toujours un certain groupe de personnes qui sont touchées par l'inspiration. Il s'agit de tous ceux qui choisissent consciemment leur travail et le font avec amour et imagination. On trouve des médecins, des pédagogues, des jardiniers et d'autres personnes dans une centaine d'autres professions. Leur travail peut être une aventure sans fin tant qu'ils sont capables de percevoir de nouveaux défis. Malgré les difficultés et les échecs, leur curiosité ne se refroidit pas. De chaque doute résolu jaillit une nuée de nouvelles questions. L'inspiration, quelle qu'elle soit, naît d'un constant "je ne sais pas".".
Le fruit de l'inspiration
A partir de là Je ne sais pas L'œuvre poétique de Wisława Szymborska génère tout un processus créatif d'approfondissement et de recherche de l'essentiel à partir du quotidien, concevant l'écriture lyrique comme une découverte continue qui va du concret au général, du particulier à l'universel, de l'insignifiant à ce qui dépasse la connaissance ; Un processus créatif qui, à son tour, est une manière d'apprécier la réalité dans laquelle l'infime contient le grand, le futile le transcendant, le contingent l'éternel ; un processus créatif, en outre, chargé d'interrogations face à l'étonnement de ce qui se passe tous les jours et qui conduit l'auteur à un nombre infini d'incertitudes et lui fait voir que l'existence est insaisissable, insaisissable, trop subtile.
Je ne peux oublier certains de ses textes aussi excellents que "...".À la gloire de ma sœur"., "Les nuages, "Il peut être sans titre"., "Fin et début". o "Adieu à un paysagedes titres qui sont dans la mémoire de tout lecteur qui se respecte et qui méritent le privilège d'entrer dans l'histoire de la poésie lyrique contemporaine pour leur capacité à révéler les choses ou les événements auxquels ils se réfèrent, autant de témoignages authentiques de sa voix puissante et inimitable.
Présentation réflexive
Généralement centrés sur l'exposition réflexive de scènes de la vie ordinaire dans ses aspects comiques et dramatiques, tous les poèmes de Szymborska éveillent chez le lecteur une certaine curiosité qui l'incite à rester absorbé dans la lecture de ses vers comme s'il s'agissait d'une révélation continue et inhabituelle. À titre d'exemple, je choisis au hasard l'une des compositions susmentionnées, "Fin et début", dans laquelle la poétesse montre, avec un détachement discret, une ironie sage et une naïveté intelligente, ce qui peut se passer sur un champ de bataille après la fin d'une guerre.
En effet, il donne l'impression que ce qu'il décrit ne semble pas être le résultat douloureux ou tragique d'un événement guerrier, comme il conviendrait, mais le lendemain d'une célébration festive au cours de laquelle il est opportun de nettoyer un espace supposé altéré. C'est ainsi qu'il affirme : "[...]Après chaque guerre / quelqu'un doit faire le ménage / Ils ne vont pas faire le ménage tout seuls, / je dis / Quelqu'un doit jeter les décombres / dans le caniveau / pour que les wagons remplis de cadavres / puissent passer."C'est le point de vue, apparemment froid et impassible, qui ressort le plus souvent de sa création poétique.
Un autre exemple du même genre est le poème "Les nuagesoù il se rend compte que sa fonction, en parlant de ces masses de vapeur d'eau, doit être ajustée au moment où elles sont présentes dans le ciel, sinon il ne pourrait pas les photographier poétiquement dans leur état instantané, puisqu'elles sont transitoires, fugaces, éphémères. Ainsi, il déclare : "Avec la description des nuages / je devrais me dépêcher, / en un millième de seconde / ils cessent d'être ceux-là et commencent à être d'autres / Ils ont pour caractéristique / de ne jamais se répéter / dans les formes, les nuances, les postures et l'ordre.". Il conclut : "Que les gens existent s'ils le veulent, / Et qu'ils meurent les uns après les autres, / Peu importe aux nuages [...] / Sur toute Ta vie / Et la mienne aussi, toujours incomplète, / Ils paradent pompeusement comme ils ont paradé / Ils n'ont aucune obligation de mourir avec nous, / Ils n'ont pas besoin d'être vus pour passer.".
La liste des références pourrait être très longue, mais je crois qu'avec celles déjà mentionnées, le lecteur peut se faire une idée que la poésie de Szymborska, sans éclat formel, parfois conversationnelle, d'apparence prosaïque, mais pleine de découvertes et d'illuminations, est d'une énorme puissance émotionnelle, toujours encline à dévoiler, comme je l'ai déjà dit, une réalité à laquelle elle désire sans cesse accéder.
C'est d'elle que vient la phrase : "Ce sont les choses que vous ne savez pas qui rendent la vie fascinante."L'idée de donner une nouvelle tournure à la Je ne sais pas que j'ai signalée au début et qui est à la base de son admirable travail lyrique. C'est aussi une tournure qui lui permet de fonder ses vers sur le dos de l'ignorance, de la perplexité, de l'étonnement, comme si dans le fait de ne pas savoir, paradoxalement, siégeait la sagesse même. Dans le poème "Es una gran suerte", il l'exprime succinctement dans son style particulier : "[...]C'est une grande chance / de ne pas savoir du tout / dans quel monde on vit.".
Passé et futur
Et c'est dans le devenir de l'existence que s'implantent finalement ses poèmes, un devenir dans lequel tout a un passé inévitable - comme il l'exprime dans la composition "Puede ser sin título" (Il peut être sans titre) : "...".L'instant le plus fugace a aussi son passé, / son vendredi avant le samedi, / son mai avant le juin."sans possibilité de retour en arrière. Mais non seulement son passé inévitable, mais aussi son avenir énigmatique et surprenant. Le fait est qu'à chaque début, il y a une continuité avec une autre réalité préexistante. Elle se répète de multiples façons. À titre d'exemple, je citerai "Despedida de un paisaje" (Adieu à un paysage) : "...Je ne reproche pas au printemps / de revenir. / Je ne me plains pas qu'il remplisse / comme chaque année / ses obligations. / [...] Je n'exige aucun changement / des vagues au rivage, / légères ou paresseuses, / mais jamais obéissantes. / Je ne demande rien / aux eaux de la forêt [...] / Une chose que je n'accepte pas / de retourner en ce lieu. / Je renonce au privilège / de la présence. / Je t'ai survécu assez longtemps / et seulement assez longtemps / pour m'en souvenir de loin". Des considérations que la poétesse polonaise fait avec la conscience lucide que, comme elle l'exprime sous la forme d'un aphorisme dans "Regarder avec un grain de sable: "Le temps passe vite, comme un messager qui apporte des nouvelles urgentes.".
Le temps et la vie
Le temps et la vie, les deux piliers sur lesquels repose l'œuvre lyrique de Wisława Szymborska et qui s'appuient sur le caractère non seulement réfléchi mais aussi contemplatif avec lequel cette femme regarde l'existence, la sienne et celle de ceux qui l'entourent, en s'attardant sur de nombreuses circonstances profondément humaines, apparemment sans importance, mais toujours conçues comme un pur émerveillement : "...".Miracle commun / c'est que beaucoup de miracles communs se produisent / Miracle commun : / dans le silence de la nuit, aboiement / de chiens invisibles / Miracle, un parmi d'autres : / un nuage léger et petit / est capable de cacher une lune grande et lourde / [...] Miracle rien qu'en regardant autour de soi : le monde omniprésent". Des miracles, en somme, qui sont le fruit de cette extraordinaire capacité à découvrir la richesse des nuances qu'apporte la vie, dès que l'on se met en route depuis le début. Je ne sais pascomme s'il entreprenait "une aventure sans finLe "défi" est plein de défis.