Culture

La musique de Bach pour le roi à venir

Au cours du temps de l'Avent, l'espérance de la Parousie de Jésus-Christ, Roi et Sauveur de tous les peuples, se confond avec le souvenir de sa première venue dans l'Incarnation. Face à cela, le croyant cultive la vertu d'espérance et s'efforce de se souvenir avec gratitude, de présenter ses requêtes au Sauveur et de se préparer à lui ouvrir les portes de son cœur. Tout cela est exprimé musicalement dans cette cantate.

Antonio de la Torre-26 décembre 2024-Temps de lecture : 5 minutes
Bach

J.S. Bach, Cantate BWV 61, Nun komm, der Heiden Heiland

La célébration du premier dimanche de Avent de 1714 est l'occasion qui a poussé Johann Sebastian Bach (1685-1750) à composer la cantate qui porte le numéro 61 dans son catalogue d'œuvres, et dont le titre (tiré de la première phrase de son texte, comme dans toutes les cantates de Bach) est Nun komm, der Heiden Heiland ("Viens maintenant, Sauveur des nations"). Il s'agit du premier verset d'un hymne très populaire dans la liturgie luthérienne, qui est lui-même basé sur la traduction allemande de l'hymne grégorien Veni Redemptor gentiumque la tradition attribue à Saint Ambroise.

À cette époque, le génie allemand, qui a terminé ses études à Mühlhausen et Arnstadt, est compositeur à la cour de Weimar, où il est employé en tant qu'interprète. Konzertmeister des ducs protestants Wilhelm Ernst et Ernst Augustus de Saxe-Weimar. En tant que tel, il était obligé de composer une cantate par mois pour les célébrations religieuses, où les ducs mélomanes voulaient la meilleure musique possible pour le culte divin.

Cantates de Bach

Ils y sont certainement parvenus avec cette cantate, car le début de l'Avent était un moment liturgique où la musique revêtait une importance particulière. Les trois autres dimanches de l'Avent étaient généralement célébrés dans les églises luthériennes avec des compositions plus simples, en attendant la splendeur musicale de Noël. C'est la raison pour laquelle nous avons conservé jusqu'à trois cantates écrites par Bach pour le premier dimanche de l'Avent.

Le premier est celui qui nous intéresse ici, il date de sa première année à Weimar, et présente donc un certain caractère inédit de la nouvelle Konzertmeister de la nouvelle année liturgique. Les deux autres sont celles composées en 1724 (BWV 62, dès sa deuxième année comme Cantor de Saint-Thomas à Leipzig) et en 1731 (la cantate BWV 36). Toutes trois expriment musicalement le contenu des lectures bibliques lues ce jour-là : l'entrée de Jésus en tant que roi davidique à Jérusalem (Matthieu 21, 1-9) et l'exhortation à rester éveillé (Romains 13, 11-14).

Pour sa première cantate de l'Avent à Weimar, Bach a un effectif musical assez réduit : trois solistes vocaux (ténor, soprano et basse), un petit chœur à quatre voix et l'habituel ensemble baroque de cordes avec basse continue. L'économie de moyens, opportune au vu de l'important investissement musical qu'exigeait l'approche de la période de Noël, n'empêche pas le résultat d'être brillant, car dans cette cantate, le talent de dramaturge de Bach et son génie de compositeur, qui se manifeste déjà dans un style mûr et consolidé, sont particulièrement perceptibles.

L'entrée du Roi dans sa Cour

Cette cantate commence en fait par un geste d'un caractère dramatique remarquable, car le chœur d'ouverture que l'on s'attend à trouver dans une cantate est présenté sur une ouverture dans le style de l'opéra français, rien de moins. Depuis la fin du XVIIe siècle, les opéras joués à la cour de Versailles de Louis XIV, et plus tard à la cour de la plupart des pays d'Europe, commencent par une ouverture en trois parties jouée à l'entrée du roi.

La première partie est une marche solennelle qui annonce la venue du monarque au théâtre, la suivante est une section de fugato rapide qui dynamise la présence du roi, et la troisième est une répétition de la marche d'ouverture pour signaler le début de la représentation. L'Avent étant l'époque où l'on attend l'arrivée du roi, Bach conçoit le chœur d'ouverture sur le modèle de l'ouverture française, avec une intention que n'importe lequel de ses auditeurs cultivés de Weimar percevrait clairement.

Dans la marche d'ouverture, le chœur chante voix pour voix le premier verset de l'hymne qui donne son titre à la cantate ("Viens maintenant, Sauveur des nations") ; puis les quatre voix chantent le deuxième verset à l'unisson ("montre la Vierge née"). Suit une fugue chorale rapide et entraînante, dans laquelle le chœur chante le troisième verset ("que le monde entier l'admire"). Enfin, la marche initiale est répétée et le chœur reprend à l'unisson la mélodie chorale en chantant le quatrième verset ("car Dieu a prévu une telle naissance"). Le Fils de Dieu et de la Vierge est sur le point d'entrer en tant que Roi Sauveur dans sa Cour, où toutes les nations de la terre sont rassemblées.

Annonce et foi

Dans les cantates de la maturité de Bach (celles de la période de Weimar, et plus encore celles composées à Leipzig), le chœur d'ouverture est suivi d'une succession de récitatifs et d'arias. Les premiers, avec un accompagnement simple, permettent généralement à la voix soliste d'annoncer et d'exposer le contenu de la foi. Dans les seconds, avec un cadre instrumental large et soigné, le soliste chante sa foi de manière expressive, sous forme de prière. Bien que cette division entre la proclamation (le récitatif) et la foi (l'aria) ne se produise pas toujours, elle peut nous aider à comprendre et à suivre le chemin spirituel que Bach propose dans chacune de ses cantates.

Dans le cas de la BWV 61, le ténor annonce dans un récitatif la foi en l'Incarnation du Sauveur comme le commencement et la racine de toutes ses venues en ce monde. Après une simple exposition, le violoncelle, qui jusqu'à présent n'avait accompagné que la basse continue, est merveilleusement animé dans les derniers mots de l'annonce : "Tu viens et tu fais briller ta lumière pleine de bénédictions". Un nouveau dispositif dramatique qui nous rappelle la nécessité d'annoncer la lumière bénie que le Roi-Sauveur apportera. Le ténor transforme ensuite son annonce en une expression de foi dans l'aria qui suit le récitatif. Il s'agit d'une prière pour la protection et la bénédiction de Jésus, chantée avec un rythme de gigue imparable (une danse entraînante que l'on dansait autrefois lors des mariages et des fêtes populaires) qui évoque la joie de l'amour et de la foi dans le Sauveur.

La parole et la musique

Après cette chorégraphie de la foi, Bach nous assène un nouveau geste dramatique. Un récitatif dans une tonalité mineure confié à la basse, qui représente l'âme de l'homme. Vox Christiéclate sur un fond de cordes en pizzicato. La couleur mineure évoque l'obscurité et la nuit, les pizzicato qui pince les cordes des instruments, suggère le coup sec que l'on frappe à une porte. Le contraste avec l'aria précédente ne pourrait être plus dramatique, afin de préparer l'auditeur à écouter les paroles de ce récitatif, qui annonce la présence de Jésus à la porte de chaque croyant avec les mots mêmes de l'Apocalypse : "Voici, je me tiens à la porte et je frappe..." (Apocalypse 3,20).

Avec ce changement brutal de ton, le parcours spirituel de cette cantate nous conduit de la venue du Roi à la présence effective du Christ frappant à la porte de chaque cœur. Face à cette annonce, le cœur croyant entonne un chant d'accueil dans la foi au Dieu qui nous appelle. C'est ce que fait la soprano dans l'aria qui suit cet imposant récitatif. Un air de douceur et d'intimité, où la foi médite dans sa mélodie sur un simple accompagnement de violoncelle, où l'on répond à l'appel du Sauveur ("Ouvre grand, cœur, ouvre grand, car Jésus vient et va entrer").

La soprano chante ouvert sur une figure de trois notes ascendantes que le violoncelle rappellera tout au long de l'aria, dans laquelle, en effet, le cœur s'élève ; cependant, lorsque la soprano chante le dernier vers ("Oh, comme je serai heureux !"), le violoncelle fait jaillir un flot ondulant de croches qui semblent évoquer la mer de bonheur reçue par le cœur qui a écouté éveillé l'appel du Roi qui frappe à la porte et qui a su s'ouvrir à Lui. Une fois de plus, la Parole de Dieu trouve dans la musique de Bach un reflet admirable.

Pour conclure la cantate, Bach ne recourt pas à l'austère choral final qui sera de rigueur dans les cantates de Leipzig, mais compose une brève mais vivante fantaisie chorale. Voix et instruments expriment la joie et la vive attente contenues dans le texte qui clôt la cantate ("Amen, amen ! Viens, belle couronne de joie, ne tarde pas ! je t'attends avec impatience").

Le chemin spirituel nous a conduits de l'annonce solennelle de l'entrée du Roi à la cour à la peinture musicale des attitudes qu'elle suscite chez le croyant : la joie, la demande, la disponibilité, le dévouement et une espérance certaine. Ceux qui ont écouté la cantate avec laquelle Bach a créé sa production musicale pour l'Avent dans la chapelle de la cour ducale de Weimar ont peut-être ressenti certaines de ces attitudes grâce au pouvoir spirituel suggestif de son compositeur. Peut-être qu'aujourd'hui encore, elle continuera à éveiller dans le cœur de nombreux auditeurs ces attitudes que la venue de l'Avent nous suggère. Il suffit pour s'en convaincre d'écouter cette version soigneusement élaborée de la Société Bach des Pays-Basqui comprend des sous-titres en anglais pour savourer la musique et les mots en même temps.

L'auteurAntonio de la Torre

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