Culture

Pèlerinage en Allemagne : la cathédrale d'Aix-la-Chapelle

L'une des plus grandes réalisations de Charlemagne fut la construction de la chapelle palatine ("Pfalzkapelle"), l'ancêtre de l'actuelle cathédrale d'Aix-la-Chapelle.

José M. García Pelegrín-6 janvier 2024-Temps de lecture : 5 minutes

Photo : Chœur de la cathédrale d'Aix-la-Chapelle ©Domkapitel Aachen_Peter Braatz

"Urbs Aquensisurbs regalis, regni sedes principalis, prima regum curia".. "Ville d'Aix-la-Chapelle, ville royale, siège principal du royaume, première cour des rois". Ainsi commence l'hymne composé en 1165 pour la canonisation de Charlemagne, qui est encore chanté aujourd'hui lors de célébrations profanes et liturgiques.

Aix-la-Chapelle, siège royal

L'"Hymne d'Aix-la-Chapelle" souligne l'importance significative d'Aix-la-Chapelle, en particulier à l'époque de Charlemagne, à la fin du VIIIe siècle et au début du IXe siècle.

A l'époque, le royaume franc (pré-germanique) n'a pas de capitale fixe, c'est une monarchie itinérante afin de maintenir la proximité avec les vassaux. Le roi et son entourage se déplaçaient d'un "Pfalz" (palais royal) à l'autre, le temps passé dans l'un ou l'autre étant très variable. 

Aix-la-Chapelle s'est imposée comme lieu de résidence, non seulement en raison de sa situation géopolitique, mais aussi en raison de la préférence personnelle de Charlemagne, qui, souffrant de la goutte, a trouvé un soulagement dans les eaux thermales aux propriétés médicinales depuis l'époque romaine.

Le nom "Aquae Granni" ou "Aquisgrani", dont dérivent les noms espagnol et italien de la ville, fait référence aux eaux thermales associées au dieu celte "Grannus". Le nom allemand "Aachen" ou le nom néerlandais "Aken" font également référence aux eaux thermales.

La Renaissance carolingienne

Chandelier Barbarossa

La construction du "Palatinat" à Aix-la-Chapelle a commencé sous le règne du roi franc de 751 et père de Charlemagne (747/748-814), Pipin le Bref, mais c'est Charlemagne qui lui a donné l'impulsion décisive en en faisant sa résidence d'hiver dès le premier jour de son règne en 768. Mais c'est Charlemagne qui lui a donné l'impulsion décisive en en faisant sa résidence d'hiver dès le premier jour de son règne en 768. 

À partir de 777, la "curie" royale accueille d'éminents érudits venus de toute l'Europe (Alcuin, Paulinus II d'Aquilée, Paulus Diaconus, Théodulf d'Orléans). Elle devient un centre d'érudition latine (théologie, historiographie, poésie), auquel la nouvelle écriture, dite "minuscule carolingienne", apporte une contribution particulière, et dont l'inspiration se répand dans tout l'empire franc. C'est ainsi que commença la "renaissance carolingienne", après des décennies de déclin culturel.

Chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle

L'une des plus grandes réalisations de Charlemagne fut la construction de la chapelle palatine ("Pfalzkapelle"), l'ancêtre de l'actuelle cathédrale d'Aix-la-Chapelle.

L'édifice octogonal, érigé entre 795 et 803, s'inspire des églises byzantines, notamment de San Vitale à Ravenne. 

Construit sur les vestiges d'un complexe thermal romain, il a utilisé des matériaux de construction provenant de diverses parties de l'Empire franc, notamment des "spolia" (colonnes antiques) et d'autres matériaux de construction romains.

L'octogone intérieur est entouré d'une construction hexadécagonale (polygone à 16 côtés), couronnée par une imposante coupole.

Avec ses 31,40 mètres de haut, la chapelle n'était pas seulement sans équivalent au nord des Alpes ; il faudra attendre plus de 200 ans pour qu'un édifice similaire soit érigé.

Le rapport 1:1 entre la hauteur et la largeur du bâtiment central fait référence à l'harmonie de la Jérusalem céleste : "sa longueur, sa hauteur et sa largeur sont égales" (Ap 21,16).

La chapelle palatine a été le lieu de couronnement des rois allemands entre 936 et 1531. Plutôt que la remise de la couronne et des autres insignes impériaux, l'acte constitutif était l'intronisation de Charlemagne sur le trône.

C'est surtout au cours des premiers siècles, jusqu'à ce que la division entre le "trône" et l'"autel" - l'une des étapes les plus importantes de la culture occidentale, considérée par certains comme son événement fondateur - soit réalisée avec la "Querelle des Investitures" (1075-1122), que le couronnement/l'intronisation revêt un caractère sacré.

Selon l'une des plus anciennes ordonnances de couronnement, utilisée pour les Ottoniens au Xe siècle, le roi était acclamé par les mots "Tu es Melchisédech", paradigme de l'union personnelle entre le roi et le prêtre.

Lors de la messe de couronnement, le roi lisait l'Évangile et portait la mitre épiscopale. C'est pourquoi, entre 1002 et 1014, Henri II fit construire la chaire recouverte d'or, de pierres précieuses et d'ivoires, l'un des plus splendides trésors de l'art ottonien et l'un des plus précieux de la cathédrale aujourd'hui, avec l'autel du IXe siècle avec le front ("Pala d'oro") et le "chandelier de Barberousse", offert par l'empereur Frédéric Ier "Barberousse" à l'occasion de la canonisation de Charlemagne.

Destination de pèlerinage

Outre la dernière demeure de Charlemagne et d'Otto III (mort en 1002), l'actuelle cathédrale d'Aix-la-Chapelle est également l'un des plus importants lieux de pèlerinage depuis le Moyen Âge.

Quatre reliques textiles sont vénérées à Aix-la-Chapelle (vêtement de la Vierge, langes de l'Enfant Jésus), périzonium ou tissu de crucifixion et le tissu utilisé pour la décapitation de saint Jean-Baptiste), qui sont probablement arrivés à Aix-la-Chapelle à l'époque de Charlemagne.

Pèlerinage à Aix-la-Chapelle. 1622

Les annales impériales franques racontent qu'un légendaire trésor de reliques a été envoyé de Jérusalem pour la consécration de la chapelle palatine en 799.

Si les pèlerinages existaient déjà à l'époque, ils ont pris de l'ampleur au XIIIe siècle, sous le règne de l'empereur Frédéric II.

La dévotion pour les reliques eut également des répercussions sur la construction. Alors qu'elles étaient exposées depuis 1322 dans la galerie de la tour, la construction du chœur gothique débuta en 1355, l'édifice carolingien étant insuffisant pour accueillir les nombreux pèlerins qui se rendaient à Aix-la-Chapelle. 

Cet édifice, achevé en 1414, présente des dimensions remarquables : 25 mètres de long, 13 mètres de large et 32 mètres de haut. Son mur extérieur, largement divisé par des vitraux, mesure 25,55 mètres de haut, ce qui en fait l'un des plus hauts édifices gothiques d'Europe.

Avec plus de 1 000 mètres carrés de verre, elle est connue sous le nom de "maison de verre d'Aix-la-Chapelle". Parallèlement, un ensemble de chapelles a été érigé autour de l'octogone afin d'offrir aux pèlerins un espace de dévotion et de prière.

Après l'épidémie de peste dévastatrice qui a frappé l'Europe à partir de 1349, des pèlerinages ont été organisés tous les sept ans. Aux XIVe et XVe siècles, Aix-la-Chapelle est devenue la troisième destination de pèlerinage en Occident, après Saint-Jacques-de-Compostelle et Rome.

Le dernier était prévu pour 2021, mais en raison des restrictions imposées par le COVID, il a été reporté à juin 2023. Toutefois, le prochain pèlerinage est prévu pour 2028, reprenant ainsi le cycle initial. 

Le dévouement marial

L'érection de la chapelle palatine ou de l'église de la Vierge en cathédrale est relativement récente, car Aix-la-Chapelle n'est devenue un siège épiscopal qu'au 19e siècle. Jusqu'alors, elle relevait du diocèse de Maastricht/Liège ou du diocèse de Cologne.

C'est Napoléon qui désigna Aix-la-Chapelle comme siège épiscopal du diocèse qu'il fonda en 1802 pour les nouveaux départements de la Roer, du Rhin et de la Moselle. En 1821, le diocèse fut supprimé par la bulle papale "De salute animarum" et incorporé à l'archevêché de Cologne.

Le rétablissement du diocèse d'Aix-la-Chapelle n'aura lieu que le 13 août 1930, sur décision du pape Pie XI. Joseph Vogt est devenu le premier évêque du diocèse après son élection en décembre 1930. Depuis septembre 2016, Helmut Dieser, jusqu'alors évêque auxiliaire de Trèves, occupe le siège épiscopal.

L'actuelle cathédrale d'Aix-la-Chapelle a été reconnue comme site du patrimoine mondial en septembre 1978, lors de la deuxième session du comité de l'UNESCO.

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