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Carte. Baldisseri : "L'Eglise veut aider les jeunes à comprendre les valeurs".

Giovanni Tridente-12 avril 2017-Temps de lecture : 9 minutes

En prévision de la prochaine assemblée du Synode des évêques, prévue en octobre 2018, PALABRA a interviewé le secrétaire général du Synode, le cardinal Lorenzo Baldisseri, pour savoir de première main comment fonctionne la machine organisationnelle. Le sujet sera "Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel".. De cette manière, l'Église Elle "écoute la voix, la sensibilité et la foi des jeunes".

-Giovanni Tridente, Roma

Amateur de musique classique et pianiste accompli, le cardinal Lorenzo Baldisseri nous accueille au premier étage du Palais Bramante, Via della Conciliazione 34, où se trouve le Secrétariat général du Synode des évêques. Nous sommes accompagnés pendant l'entretien par un piano à queue, sur lequel le Cardinal jouera une agréable composition en l'honneur de la Madone avant de prendre congé.

Né à San Pietro in Campo, en Toscane, il est prêtre depuis 1963 et évêque depuis 1992. Avant de s'installer à Rome, il a travaillé pendant 39 ans dans diverses nonciatures sur quatre continents : de Haïti à l'Inde et du Japon au Paraguay, en passant par Paris.

En tant que Secrétaire du Collège des Cardinaux, il a suivi de près les travaux des Congrégations générales du dernier pré-conclave. Le jour de son élection au trône pontifical, le pape François a posé son sceptre cardinalice sur la tête de Lorenzo Baldisseri, comme s'il prônait sa création immédiate en tant que cardinal, ce qui a été confirmé en 2014, alors qu'il avait déjà pris la direction du Secrétariat général du Synode des évêques.

Dans cette interview pour Palabra, il donne un avant-goût de certains détails de la future Synode sur la jeunesse.

Votre Éminence, parlez-nous un peu de vous. Nous connaissons, par exemple, votre passion pour le piano et la musique classique...

-La musique m'a toujours accompagné tout au long de ma vie. C'est une passion que je cultive depuis mon enfance, puis pendant mes années de séminaire à Pise. Pendant les cinq années où j'étais curé, je me suis inscrit au conservatoire pour me perfectionner en piano. Je me suis ensuite rendu à Rome, où j'ai terminé mes études de droit, de théologie et de musique.

Enfin, j'ai étudié à l'Académie pontificale ecclésiastique. Depuis lors, j'ai voyagé dans divers endroits à l'occasion de mon service diplomatique. La première étape a été la nonciature au Guatemala. J'ai ensuite exercé ce travail pendant 39 ans, avant de retourner à Rome.

Quel souvenir gardez-vous de ces années en tant que Nonce apostolique dans différents pays : Haïti, Inde, Japon, Paraguay et aussi à Paris ?

-Ces années ont été très intéressantes, tant du point de vue ecclésial que du point de vue politique, en raison des événements qui se sont produits. Ces années m'ont permis d'avoir une vision large de la réalité et, surtout, de faire l'expérience d'une Église qui est missionnaire dans sa nature la plus profonde. En quittant l'Europe et en voyageant sur d'autres continents, j'ai pu découvrir une Église qui est vraiment à la frontière.

Cela a donc été une expérience extraordinaire qui a ouvert mes horizons et m'a enrichi, surtout si je pense au contraste avec d'autres religions et cultures. En cela, la musique, qui est un langage universel et un formidable instrument de relation, m'a aussi beaucoup aidé.

En 2007, vous avez participé à la 5e Conférence épiscopale latino-américaine à Aparecida... Connaissiez-vous déjà l'archevêque Bergoglio ?

-À vrai dire, j'ai rencontré le cardinal Bergoglio, comme tant d'autres archevêques et évêques, à cette occasion, sans contact particulier au-delà des salutations formelles. J'étais nonce apostolique au Brésil et je n'ai pas eu beaucoup d'échanges avec l'Argentine.

Je considère plutôt que nos relations ont commencé à se consolider pendant la phase pré-conclave. En tant que Secrétaire du Collège des Cardinaux, j'étais chargé d'aider le Doyen à diriger les travaux des douze Congrégations générales, et le futur Pontife a probablement considéré que je m'acquittais bien de cette tâche. Lorsqu'il m'a appelé à diriger le Secrétariat du Synode des évêques, il a fait référence à cette expérience et à ces aspects organisationnels pour me confier cette nouvelle mission.

Passons aux affaires courantes. Après les familles, les jeunes, comment s'est fait le choix du thème du Synode des évêques en octobre prochain ?

-Pour le choix du sujet, nous avons suivi les indications de l'encyclopédie en ligne. Ordo Synodi. Après quelques premières indications des Pères qui ont participé à la dernière Assemblée générale, nous avons envoyé une lettre aux Conseils des Hiérarques des Eglises catholiques orientales, aux Conférences épiscopales, aux dicastères de la Curie romaine et aux Unions des Supérieurs généraux pour recueillir leur avis. Le XIVe Conseil ordinaire du Synode a également été consulté.

En tête de liste des questions soulevées figure celle des jeunes. Le Pape, quant à lui, a voulu consulter les Cardinaux réunis en Consistoire, et là aussi il y a eu une certaine unanimité. En ce qui concerne le thème lui-même, il faut dire qu'il englobe tous les jeunes de toutes les confessions et cultures, âgés de 16 à 29 ans. Nous voulons réfléchir sur la foi, c'est ce que nous proposons et, par conséquent, aussi sur le discernement vocationnel.

Depuis la dernière Assemblée, la procédure synodale et la manière dont chaque Père apporte sa contribution ont été modifiées. Pourquoi ces changements ?

-L'expérience synodale, qui en est à sa cinquantième année, nous a amenés à réfléchir à la manière d'améliorer le déroulement des Assemblées, notamment sur le plan méthodologique. Nous avons donc adopté une dynamique plus adaptée à la participation et à l'écoute. Nous pensons également que la phase préparatoire est fondamentale, et c'est pourquoi nous demandons aux Conférences épiscopales de travailler à la transmission du thème sur le terrain, de manière immédiate et participative, et non comme quelque chose de plutôt facultatif.

En bref, nous avons voulu que la discussion implique directement le plus grand nombre de personnes possible dans les paroisses et dans les différents groupes de fidèles. Il s'agissait, en somme, de surmonter le danger que la consultation perde de son importance parmi les innombrables autres activités qui se déroulent dans un diocèse.

Cette fois, le pape François a écrit une lettre aux jeunes de sa propre main. Une nouveauté...

-Oui, je dirais que c'était une très bonne décision du Pape. François a voulu écrire une lettre de sa propre main pour que les jeunes se sentent encouragés et accompagnés par leur père commun. De cette façon, le Pontife capte l'estime des jeunes et montre qu'il est présent dès le début du parcours synodal que nous venons d'entreprendre. Et il exhorte les jeunes à participer activement, car le Synode est pour eux et pour toute l'Église, et il écoute la voix, la sensibilité, la foi et aussi les doutes et les critiques des jeunes.

Le "questionnaire" avait déjà été introduit dans la phase préparatoire. Quelle est l'utilité de cet instrument ?

-Tout d'abord, le questionnaire nous permet de résumer le contenu du Document en questions et à partir de là d'avoir une réaction immédiate à ce que le texte lui-même demande. J'insiste pour qu'il fasse partie intégrante du document et ne soit pas simplement une annexe.

Les éléments qui ressortent des réponses seront utilisés pour la rédaction de la Instrumentum LaborisLe texte est ensuite remis aux Pères synodaux avant l'Assemblée. Comme l'époque l'exige, nous avons également mis en place un site Internet pour consulter directement les jeunes sur leurs attentes dans la vie. Ils pourront eux-mêmes suivre les différentes phases de préparation du Synode et partager leurs réflexions et expériences.

Il a fait un impact que, en plus de quelques questions générales, il y a une partie spécifique pour chacune des zones géographiques de la planète...

-En effet, en plus des quinze questions proposées à tous, sans distinction, trois questions spécifiques sont ajoutées pour chaque zone géographique ; et les réponses sont demandées uniquement à ceux qui appartiennent au continent en question. C'est aussi une façon de répondre à l'objection selon laquelle nous proposons souvent des textes trop " occidentaux ". C'est donc un moyen d'élargir l'horizon de la discussion.

Quand vous regardez le monde des jeunes, qu'est-ce qui vous vient à l'esprit ?

-Je pense que les jeunes d'aujourd'hui doivent surmonter leur peur de l'avenir. On a l'impression qu'ils ne suivent pas du tout cette spontanéité typique qui les pousse à se lancer dans l'aventure de la vie. Probablement parce qu'ils n'ont pas d'idées très claires. Les valeurs qui nous servaient de référence dans le passé sont aujourd'hui mises à l'épreuve.

Il y a aussi la variété des offres, de sorte qu'ils ne savent pas quelle est la bonne voie à suivre. C'est pourquoi, en tant qu'Église, nous voulons les aider à discerner, à comprendre quelles sont les vraies valeurs et où elles se trouvent.

Dans quel sens l'Église veut-elle " écouter " les jeunes ?

-La question de l'écoute est fondamentale. C'est pourquoi le pape François insiste tant sur l'apprentissage de l'écoute, et pas seulement de la dictée ou de la parole.

C'est aussi, dans un certain sens, le sens de l'accompagnement. Être avec les gens, physiquement et aussi à travers les médias, signifie établir un dialogue. S'il y a une attitude de dialogue, nous aurons certainement plus de succès, car les jeunes ne veulent pas être guidés aveuglément, mais n'acceptent d'être guidés que s'il y a cet espace de liberté.

Il est nécessaire de les aider car, comme je l'ai déjà dit, le processus de maturation s'est ralenti, les années de décisions pour choisir sa propre voie et son propre projet de vie ont été retardées.

C'est particulièrement vrai en Europe, mais aussi sur d'autres continents, car la mondialisation fait que les mêmes préoccupations sont vécues partout dans le monde. En tant qu'Église, nous devons être très présents dans ces changements.

La deuxième partie du document approfondit les spécificités du thème : foi, discernement et vocation.

-La foi" est la proposition que nous faisons, et nous devons expliquer qu'il s'agit d'une personne, Jésus en personne. Les jeunes ne regardent pas trop l'abstrait, les concepts, mais ils regardent les gens ; de cette façon, le discours peut être rendu attrayant pour eux. L'expérience de Jésus en tant que personne devient alors un témoignage pour tous.

En termes de vocation, il s'agit de savoir comment je peux servir l'humanité. Jésus lui-même est venu et nous a montré le chemin. A ce stade, notre proposition, confrontée au monde des jeunes, devient discernement.

Lorsqu'on parle des jeunes, qu'entend-on par "discernement" ?

-Le discernement, c'est se demander quel chemin je peux prendre dans la vie. Ce parcours nécessite quelqu'un qui accompagne le jeune et l'aide à réfléchir sur la multiplicité des propositions, puis le conduit à aimer la personne de Jésus en tant que telle, en choisissant le chemin le plus conforme à son aspiration. Il ne faut pas oublier que le jeune a reçu la foi par le baptême, mais qu'elle deviendra stérile si elle n'est pas nourrie ensuite.

Le thème de la vocation est souvent associé aujourd'hui au monde des "consacrés"...

-D'autre part, nous voulons lui donner une valeur large. Nous avons estimé qu'il était important d'élargir l'horizon également dans le contexte de l'expérience synodale précédente, qui nous a donné une dimension encore plus profonde de la famille. La famille est une vocation, un choix de vie. De la même manière, nous voulons réfléchir à la vie des jeunes.

Je comprends qu'une partie importante du Synode sera consacrée à la pastorale des jeunes.

-Il s'agit d'un aspect important, en raison de sa spécificité. Le monde de la jeunesse nous appelle à un défi particulier. Il est nécessaire de s'intéresser aux jeunes par une pastorale renouvelée, plus dynamique, avec des propositions créatives. Dans la troisième partie du Questionnaire dont nous avons parlé précédemment, nous avions prévu la modalité de "partage des pratiques ou des initiatives". Nous voulons ainsi faire circuler la connaissance des expériences, souvent très intéressantes, qui se développent dans les différentes régions du monde, afin qu'elles puissent être utiles à tous.

Comment ce voyage s'inscrit-il dans le cadre des prochaines Journées mondiales de la jeunesse qui auront lieu à Panama en 2019 ?

-À cet égard, nous travaillons en étroite collaboration avec le Dicastère pour les laïcs afin de combiner les deux processus préparatoires. Du 5 au 8 avril, le Secrétariat général participera également à l'habituelle rencontre internationale qui est organisée entre les JMJ. À cette occasion, nous présenterons le Document préparatoire et la dynamique de consultation dans les Églises particulières avec les responsables de la pastorale des jeunes dans les Conférences épiscopales.

Quelles sont les prochaines étapes pour le Secrétariat du Synode ?

Parmi les activités plus immédiates, nous promouvrons en septembre une réflexion sur la réalité de la jeunesse dans le monde contemporain, à l'occasion d'un séminaire d'étude de trois jours, auquel seront invités des spécialistes de différents pays, mais qui, le dernier jour, sera ouvert à tous ceux qui souhaitent y participer. Dans le sillage de ce que le Pape a dit dans son homélie du 31 décembre 2016, nous voulons nous interroger sur la " dette " que nous avons envers les jeunes, réfléchir à la manière d'assumer la " responsabilité " en planifiant des parcours éducatifs, des lieux, des espaces, afin qu'ils puissent être réellement insérés dans la société, et ainsi contribuer à la réalisation de leurs rêves pour un avenir plus juste et humain.

Depuis votre observatoire privilégié à Rome, ayant aussi la possibilité de sonder tant d'Eglises locales, quel est l'état de l'Eglise dans le monde aujourd'hui ?

-Je crois qu'aujourd'hui l'Eglise dans le monde est en état d'évangélisation missionnaire, et pas seulement parce que le Pape veut une "Eglise en marche", mais aussi parce que ce dynamisme vient de la base. Une Église missionnaire au sens le plus large du terme, qui comprend non seulement les régions connues comme telles, mais toutes les régions dans leur nature même.

Si nous considérons ensuite l'intuition du Pape Benoît XVI de créer un dicastère spécial pour la promotion de la nouvelle évangélisation, qui s'occupe particulièrement de l'Europe, nous comprenons que ce processus est en cours depuis longtemps. Certes, le pape François, qui ne cache pas qu'il voulait être missionnaire dès son plus jeune âge, lui donne chaque jour une forte impulsion.

Que peut nous apprendre la vitalité des jeunes églises aujourd'hui ?

-Ils nous enseignent que la foi est un grand don. Les jeunes Eglises, confrontées à d'autres réalités culturelles et religieuses, témoignent de la conscience d'avoir reçu un grand don, le baptême, qui les élève spirituellement et les place en communion avec toute l'Eglise.

Cette universalité et ce lien qu'ils ressentent avec le pape et les évêques rendent leur foi forte et sont en même temps un témoignage pour nous tous.

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