Vocations

Mariolina Ceriotti : "Pour qu'une relation dure, il faut vraiment l'aimer".

Mariolina Ceriotti parle à Omnes de la réalité complexe des relations conjugales et de certains points de "tension" que chaque couple connaît au cours de sa vie commune.

Maria José Atienza-28 octobre 2024-Temps de lecture : 6 minutes
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Mariolina Ceriotti

Avec titres Mariolina Ceriotti, neuropsychiatre infantile italienne et psychothérapeute pour adultes et couples, est l'un des auteurs les plus renommés dans le domaine des relations familiales et, en particulier, des relations conjugales, avec ses livres "Le couple imparfait", "Épouse-moi... encore" et "Parents et enfants", et les nombreuses conférences qu'elle donne chaque année dans le monde entier. 

Dans cette interview, Ceriotti parle à Omnes de la réalité complexe des relations conjugales et de certains points de "tension" que chaque couple connaît au cours de sa vie commune.

Avant de parler de mariage, il faut se pencher sur la séduction, un sujet parfois "oublié". Comment se déroule une bonne préparation au mariage ?

- Sur le plan psychologique, je pense que la chose la plus importante aujourd'hui dans la préparation au mariage est de réfléchir à la signification de la promesse que l'on s'apprête à faire.

Avec le mariage, nous ne promettons pas à l'autre personne de ressentir pour toujours le même sentiment amoureux ; nous lui promettons plutôt une présence qui peut résister aux assauts de la vie. 

Les émotions et les sentiments sont quelque chose de changeant, que nous ne pouvons pas simplement contrôler avec notre volonté ; par conséquent, nous devons prévoir de manière réaliste que, vis-à-vis de la personne que nous avons choisie et que nous aimons, nous ressentirons de nombreux sentiments mitigés au fil du temps ; parfois, inévitablement, même des sentiments négatifs, parce que, dans la vie commune, les différences sont, pour tout le monde, une source potentielle de fatigue et de conflit.

Avec le mariage, nous nous promettons l'un à l'autre que même dans les moments où les sentiments peinent à nous soutenir, dans les moments où nous aurons du mal à nous entendre et où nous serons tentés d'abandonner, nous serons au contraire présents et nous nous efforcerons de trouver tout ce qu'il y a de bon dans notre relation.

Mais pour pouvoir faire une promesse aussi exigeante, il est nécessaire de comprendre et de reconnaître que l'autre - même avec ses inévitables limites - est une personne vraiment "unique". L'autre représente notre défi existentiel, celui dont nous avons besoin pour devenir pleinement nous-mêmes. Pour un croyant, l'autre est la personne "choisie pour moi" et fait partie intégrante de ma vocation.

Le sérieux de cette promesse est la seule garantie dans une relation sans garantie. Dans le mariage, nous accomplissons un acte de confiance mutuelle sans précédent, car nous nous disons l'un à l'autre : "Je te fais confiance parce que je fais confiance à ta promesse".

Cette confiance est inconditionnelle et sans garantie ; c'est un don gratuit, le vrai et grand don du mariage.

Pour bien se préparer au mariage, il faut donc réfléchir sérieusement à la portée de cette promesse qui nous donne l'un à l'autre. Certes, elle ne peut être comprise une fois pour toutes... mais elle est d'une grande importance car elle représente le cœur et la spécificité de la relation conjugale.

Est-il vrai que tous les cinq ans, la vie conjugale connaît un tournant ?

- Je ne crois pas beaucoup à ce genre de statistiques, mais le mariage n'est certainement pas une relation statique, car il s'agit de maintenir une relation entre deux personnes qui changent et évoluent au fil du temps.

Le défi du mariage consiste à trouver en permanence un équilibre entre la continuité et le changement. Chacun de nous, même en couple, a une vocation personnelle et il est juste que nous nous efforcions de faire en sorte que nos talents s'épanouissent et continuent à se développer au fil du temps. Je change et l'autre change : nous ne devons pas les emprisonner dans la relation, mais essayer de devenir des alliés, en travaillant ensemble pour eux et pour leur réussite humaine, professionnelle et spirituelle. Pour qu'il réalise sa vocation et devienne la belle personne qu'il est.

Dans le développement concret de la vie, pour que chacun grandisse vraiment, des adaptations et parfois même des renoncements seront souvent nécessaires de la part de l'un ou de l'autre, mais dans le cadre de l'alliance, nous pouvons vivre les différentes options de manière positive, en prenant les meilleures décisions ensemble.

Qu'est-ce que l'homme avec sa masculinité et la femme avec sa féminité apportent à la relation conjugale ?

- Il est difficile de répondre à cette question, car la masculinité et la féminité se déclinent de manière personnelle et différente chez chacun d'entre nous.

D'une manière générale, une masculinité pleinement développée conduit les hommes à la compétition paternelle, de même que la féminité prédispose les femmes à la compétition maternelle. 

Le maternel et le paternel représentent le développement maximal du féminin et du masculin ; ce sont des dimensions qui exigent le dépassement de la position narcissique, parce qu'elles impliquent l'élargissement de son propre centre de gravité, afin de s'occuper également du bien de l'autre.

En développant leurs compétences maternelles, les femmes apprennent à prendre soin de l'autre en tant que personne, à s'en occuper concrètement et à protéger ses vulnérabilités. En développant la compétence paternelle, les hommes peuvent utiliser leurs compétences et leur force pour promouvoir généreusement le bien de l'autre, pour l'encourager et le soutenir, pour favoriser sa croissance sans craindre la rivalité. 

Les compétences paternelles et maternelles que nous sommes capables de développer en nous-mêmes nous rendent généreux et attentifs aux autres, non seulement à l'égard d'éventuels enfants, mais aussi dans notre travail et dans notre partenariat : elles nous aident à prendre soin des autres de manière concrète, en allant au-delà de nous-mêmes et de la satisfaction de nos propres besoins.

L'arrivée d'un enfant est un petit "tremblement de terre" dans la vie de chaque famille. Que faire pour que la parentalité ne se substitue pas à la vie de couple ?

- L'arrivée d'un filsMême s'il est désiré, ce n'est pas un défi facile à relever, surtout pour les femmes. L'enfant nous unit puissamment et remet souvent en question nos priorités ; sa naissance est une grande joie, mais c'est aussi quelque chose qui génère une discontinuité dans nos vies et nous demande de trouver de nouveaux équilibres. Si pour les pères, la naissance d'un enfant est avant tout une complexité organisationnelle à affronter et à résoudre, pour les mères, l'enfant représente une révolution copernicienne, qui va bien au-delà des questions d'organisation. Il est nécessaire de comprendre cette différence entre le masculin et le féminin si l'on ne veut pas que des tensions excessives naissent dans le couple après la naissance d'un enfant.

La mère a besoin de temps pour trouver un nouvel équilibre et répartir ses énergies de la manière qu'elle juge la plus appropriée pour elle, et elle a besoin que son mari la soutienne dans cette recherche avec patience, qu'il soit capable d'écouter ses angoisses sans vouloir la remplacer ou la bousculer. Plus que de "solutions" préétablies, la femme, à cette étape de sa vie, a besoin que le père du bébé l'écoute vraiment.....

Mais il faut aussi toujours garder à l'esprit que la meilleure garantie de bien-être pour nos enfants est que la relation de couple soit la plus stable et la plus riche possible ; pour cela, il faut toujours prendre soin d'eux, sans oublier que le "nous" du couple doit être cultivé, en maintenant vivantes la communication, la sexualité et le partage des intérêts et des moments vitaux, même s'il y a des enfants.

Vous parlez beaucoup d'"imperfection". Y a-t-il une idée fausse selon laquelle le mariage parfait ne connaît pas de problèmes ?

- La limite est la figure normale de l'être humain, et avec la limite il y a bien sûr l'imperfection. Il ne s'agit pas de "s'installer", mais d'apprendre que la patience et la bonne humeur sont toujours nécessaires dans les relations, ce qui permet de désamorcer de nombreuses situations de fatigue ou de conflit et de repartir de l'avant.

L'amour peut recommencer chaque jour : reconnaître que nous sommes tous un peu imparfaits n'est pas une excuse pour s'adapter ou imposer ses défauts aux autres, mais une façon de reconnaître que les difficultés sont inévitables pour tous, et que la présence d'incompréhensions et de fatigue n'est en aucun cas synonyme d'échec ou de manque d'amour.

En Occident, près de 40 % des mariages se terminent par une rupture. Que se passe-t-il ?

- Ce qui se passe, c'est que nous ne sommes plus capables de comprendre la beauté potentielle d'une relation pour toujours.

Le mariage est une aventure extraordinaire, qui implique toutes les dimensions de la personne : son corps, son histoire, ses pensées, ses projets, ses relations. C'est une aventure qui demande du courage, de la créativité, de la patience, de la bonne humeur ....

C'est comme la lecture d'un roman de grande valeur : il y a des pages qui vous enveloppent, qui vous passionnent, qui vous font vibrer et que vous ne voudriez jamais terminer, mais il y a aussi des pages ennuyeuses que vous voudriez sauter ; il y a des pages qui vous font rire et d'autres qui vous font pleurer. Mais pour vraiment comprendre la beauté du livre, sa richesse, son message, il faut le lire jusqu'au bout.

Aujourd'hui, la plupart des gens préfèrent la dimension moins exigeante de la nouvelle, pour éviter la fatigue de pages plus exigeantes... Mais ils ne se rendent pas compte de l'appauvrissement de leur vie.

Est-il plus difficile de vivre un mariage à vie aujourd'hui que par le passé ?

-Je ne pense pas qu'il soit "en soi" plus difficile de poursuivre un mariage à vie, car les relations ont toujours été complexes. Aujourd'hui, cependant, nous avons la possibilité de rompre un mariage très facilement, ce qui oblige les hommes et les femmes à avoir une plus grande conscience, une volonté plus claire. 

Autrefois, si quelque chose ne fonctionnait pas, il n'était pas courant que les gens travaillent sur leur relation pour l'améliorer : l'idée était souvent de s'adapter, de s'accommoder, de supporter la croix.....

Aujourd'hui, si quelque chose ne fonctionne pas, nous sommes plus clairement à la croisée des chemins : nous pouvons soit mettre fin à la relation, soit, si nous le voulons, tenter de la relancer, éventuellement avec l'aide d'une autre personne. La possibilité réelle de se séparer rend plus claire la possibilité d'un choix et nous invite donc plus clairement à prendre position.

A la question "Qu'est-ce qui fait durer un mariage ?", la réponse est donc que la première condition pour qu'une relation dure toujours est, tout simplement, de l'aimer vraiment ?

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