Partir du principe que l'accompagnement spirituel a ses racines non pas sur terre mais au ciel, et qu'il produit ses fruits dans l'histoire, c'est jouer avec un avantage. Fondamentalement, toute réalité qui traite du surnaturel est susceptible d'être interprétée de cette manière. En effet, l'image de l'arbre inversé qui prend racine dans le ciel et porte des fruits sur les autels a été abondamment détaillée à l'époque patristique en référence à l'Eucharistie. La sève coule le long du tronc de la croix et se déverse dans les dons eucharistiques, faisant du corps et du sang du Christ.
Les lettres sont donc marquées par l'empreinte du surnaturel. Je parle de l'accompagnement spirituel dans une perspective de grâce, de don surnaturel. Nous allons décrire les caractéristiques essentielles d'une rencontre entre frères ou, si vous préférez, entre un fils et son père. La paternité spirituelle et la fraternité chrétienne sont à l'origine de cette pratique spirituelle. Dans l'accompagnement, il n'y a pas de clients, comme dans la coachingIl n'y a pas de patients, comme en psychiatrie, il y a simplement des frères et des sœurs. Dans le colloque spirituel, il n'y a pas de thérapie, comme dans le monde légitime et profitable de la psychologie ; il y a ouverture du cœur, dialogue fraternel, conversation filiale.
Lorsque l'on veut réaliser une étude, quelle qu'elle soit, la première question de tout essayiste ou chercheur est celle des sources. Où trouver les connaissances ? Quelle bibliographie consulter ? Quels articles ont été publiés récemment ?
J'écris sur l'accompagnement spirituel des jeunes, et je confesse que la source fondamentale de ces lettres a été les jeunes eux-mêmes. En d'autres termes : pour décrire cet arbre de grâce qu'est l'accompagnement spirituel, je commence - pourquoi pas ? - par détailler ses merveilleux fruits dans les jeunes cœurs. Au cours de ces années de vie pastorale, j'ai vu beaucoup d'entre eux grandir dans la chaleur du dialogue spirituel. Dans cette réflexion, il est nécessaire d'enlever nos chaussures, nous marchons sur une terre sainte (cf. Ex 3, 5) : la tâche de la grâce dans les âmes est si délicate qu'elle mérite notre première attention.
Fruits
Une plante improductive n'est pas définie par ses fruits. Si l'on prend la peine de chercher le terme évangélique "tares" dans le dictionnaire de l'Académie royale de la langue espagnole, on n'y trouvera pas le mot "fruit". On dit que c'est une plante toxique, difficile à enlever sans déraciner aussi les bonnes graines, qui peuvent à elles seules endommager des récoltes entières.
En revanche, si l'on cherche "blé", la référence à sa belle "rangée de grains et de fruits" est presque immédiate. Le fruit en dit long sur la plante, au point de pouvoir qualifier son existence de bénéfique ou de nuisible.
Or, quel est le fruit produit par l'accompagnement spirituel dans les jeunes âmes ? Par-dessus tout, l'amour. Je sais que cela semble générique à l'oreille sceptique, et puisque c'est dans mon esprit de le rendre croyant, nous allons descendre bien en dessous pour détailler ce que signifie, dans ce contexte, l'amour.
Elle commence, même si elle n'est pas recherchée (peut-être parce qu'elle n'est pas recherchée), par un amour juste pour soi-même. De nombreuses filles et garçons ont appris à se respecter grâce à l'accompagnement spirituel. Lorsque le dialogue est extrêmement doux, il conduit à ce respect qui commence par soi-même. Les garçons commencent à penser qu'ils sont capables de quelque chose. Trop souvent, ils ont entendu des paroles de reproche, des jugements imprudents - et peut-être faux - sur la bonté des temps passés, des jugements réprobateurs sur leur volonté inconstante. Enfin, quelqu'un croit en eux, et je ne parle pas du compagnon spirituel, mais de Dieu lui-même. Peu à peu, on arrive à l'impressionnante conviction que quelque chose m'attend, Celui qui existait avant que les montagnes ne naissent ou que la terre ne soit engendrée, et qui a toujours et pour toujours été Dieu (cf. Ps 89, 2).
L'amour consiste toujours à partager quelque chose. Amans amato bonum velitdisent les classiques. En d'autres termes, aimer, c'est partager le bien. Découvrir à la jeune âme qu'elle a quelque chose à partager avec Dieu, c'est l'ouvrir au monde passionnant de la prière. Le cœur devient grand dans le dialogue de la prière, parce que la jeunesse - tant qu'elle est jeune - ne remarque pas les difficultés quand elle perçoit la grandeur de l'amour, la beauté d'un idéal d'amour. Tout cela se révèle quand on persévère dans la prière, et l'accompagnement spirituel est synonyme de paroles d'encouragement en la matière.
Dans le colloque spirituel, nous apprenons à prier, nous grandissons dans notre relation avec Dieu, nous essayons de mettre la personne "face à face" avec Dieu (cf. Ex 33, 11). Comme Abraham, nous voulons écouter sa voix (cf. Gn 12, 1). Au début, nous ne sommes peut-être pas conscients que cette écoute peut aussi signifier quitter notre propre terre. Cela n'a pas d'importance. Dieu ne demande rien qu'il ne donne d'abord. Le dialogue régulier avec le compagnon est fondamentalement orienté vers l'accomplissement de sa volonté ; la volonté de Dieu. Le thème principal et premier de la conversation spirituelle est la prière, la demande, la plainte et l'action de grâce à Dieu : le dialogue intime avec Lui.
La lumière de la grâce reçue dans la prière révèle les divisions de l'âme. Qu'est-ce que cela signifie ? Comme le détaille le document préparatoire du synode des évêques de 2018 sur les jeunes, "Le cœur humain, à cause de sa faiblesse et de son péché, est généralement divisé en raison de l'attraction de revendications différentes, voire opposées". Le jeune prend conscience de cette opposition et distingue, une fois de plus, les fruits des branches qui plongent leurs racines dans le ciel de celles qui naissent de et pour le monde. L'accompagnement spirituel éveille chez le jeune un désir de ce qu'il y a de mieux, et ouvre son cœur et son intelligence à une vie qui a du sens.
Le jeune qui se laisse authentiquement accompagner spirituellement échappe au conformisme, et n'agit plus seulement s'il "paie" ou "ne paie pas". Dans son cœur se cache quelque chose de plus que la sensualité et le confort, qui n'a rien à voir avec une idéologie lourde, mais plutôt avec un amour brûlant.
Le jeune homme qui prie sincèrement, et s'y plonge sans cesse, fait briller son âme des plus beaux éclats. Il ne se laisse pas tromper. Il découvre la perle cachée, et est capable de vendre tout ce qu'il a pour l'acquérir (cf. Mt 13, 45-46). Il est bien plus qu'un jeune homme avec des valeurs, il est un jeune homme avec une vie surnaturelle. Il a trouvé le trésor caché de l'amour de Dieu et voit un monde différent : il ne voit pas des étrangers, mais des frères ; il ne connaît pas de difficultés, mais des épreuves dans l'amour ; il ne connaît pas la plainte, mais le défi du don de soi.
Sur le chemin de la vie, dit le document, c'est une question de choix, "car on ne peut pas rester indéfiniment indéterminé. Mais nous devons nous doter des outils nécessaires pour reconnaître l'appel du Seigneur à la joie de l'amour et choisir d'y répondre". Le fruit le plus surnaturel que l'accompagnement spirituel peut produire chez les jeunes est le discernement de sa propre vocation, car il implique la conviction sereine d'un amour extraordinaire de Dieu qui, dans son infinitude et sa toute-puissance, a réparé ma pauvreté.
" Écoute, ma fille, regarde, incline ton oreille, le roi est fasciné par ta beauté. il est votre Seigneur". (Ps 44, 11). C'est là, et nulle part ailleurs, le contexte de toute vocation : un dialogue d'amour dans lequel on a quelque chose à donner. C'est cela qui est beau : que Dieu veuille mendier quelque chose à la jeune âme. Et c'est ça qui est excitant : que ce garçon, cette fille, puisse le lui donner. Un fruit d'une beauté aussi extraordinaire peut-il être enraciné dans un autre lieu que le ciel lui-même ?
Branches et tiges
Ces fruits merveilleux "collent" à une personnalité bien précise : une humanité qui veut grandir. La jeunesse est une période d'idéaux, et quiconque pense que c'est la fin du siècle dernier ne traite en fait pas ou ne sait pas comment traiter les jeunes. Perdre l'espoir que la jeunesse puisse être l'âge des rêves, c'est perdre l'espoir dans l'humanité tout entière.
"La jeunesse n'est pas faite pour le plaisir", a dit à juste titre le poète Paul Claudel, "mais pour l'héroïsme".. Aujourd'hui, comme toujours, les jeunes ont besoin quelqu'un qui lui rappelle sa grandeur. Ces fruits qui sont les nobles cœurs des jeunes sont suspendus à des branches qui ont besoin d'être taillées, à une tige digne de l'attention la plus exquise. En bref, les jeunes doivent être sérieusement abordéLa jeunesse doit être considérée comme le signe d'une personne jeune, et non pas comme une personne moralement déficiente ou, pire encore, psychologiquement incapable. La jeunesse doit être synonyme d'une plus grande générosité, et non d'une vie rabougrie.
Il faut des hommes qui comprennent ce qui intéresse vraiment les jeunes, et qui peuvent les pousser au plus bel amour. Ils le disent - ils le demandent ! - eux-mêmes. Les guides spirituels doivent être persuadés de l'héroïsme de la jeunesse.
"Nous avons été capables de réagir.dit un prêtre âgé au groupe de prêtres serrés autour de lui, "parce que quelqu'un a eu des espoirs pour nous". Les garçons et les filles ont besoin que quelqu'un qui leur apprend à aimer ce qui est vraiment important et à ne pas se laisser distraire par les tromperies de la route... Et souvent, ils l'apprennent non pas tant à la suite de longs cours magistraux qu'en raison d'une véritable passion pour eux de mille façons : leurs idéaux, leurs goûts, leurs chansons, leurs valeurs, leurs préoccupations. Je les veux.
Parce que quelqu'un a eu de l'espoir pour nous. Ceux qui accompagnent spirituellement devraient graver ces mots dans leur cœur s'ils souhaitent sincèrement aider les jeunes. Se réjouir de la jeunesse, se réjouir qu'un jeune soit appelé par Dieu à un dévouement sans réserve, se réjouir que tous puissent atteindre les plus hauts sommets de l'amour de Dieu. Avoir une passion pour la jeunesse rend les jeunes noblement passionnés. Ils remarquent rapidement qui a le goût de la vie, le désir d'être joyeux et la confiance en la jeunesse. Lorsque le prêtre ou le directeur spirituel a de l'enthousiasme pour les jeunes, il réussit à communiquer leurs aspirations de façon naturelle, sans faux-semblants ni étrangetés. Ils trouvent enfin un adulte qui les comprend et parle à leur cœur, qui ne veut pas... sortir rien sur eux, mais veut seulement qu'ils trouvent le vrai bonheur : à leur manière (et plus haut). Il n'y a pas de suspicion, au contraire : ils savent qu'ils peuvent lui parler de leurs choses les plus intimes, car cela ne lui semblera jamais trop. Cet homme, cette femme, enseigne continuellement en paroles et en actes qu'être à Dieu est un don, et que celui qui a été choisi par Dieu est privilégié.
Nous avons pu répondre, parce que quelqu'un a eu de l'espoir pour nous. Pour reprendre la comparaison agricole, la plante de la jeunesse doit être soignée au prix des plus grands efforts, mais le plus grand de tous est de l'aimer sincèrement et de tout cœur. Par son amour et ses paroles, l'accompagnateur spirituel débarrassera le jeune des nombreux fléaux auxquels il est exposé : les égards humains, les critiques féroces, la procrastination, la sensualité et le manque de racines.
La peur de Dieu
L'accompagnement spirituel requiert la maîtrise d'un gardien de bonsaï. Une extrême délicatesse dans le traitement de l'âme chrétienne. Le cours de la conversation spirituelle abordera diverses questions : la prière, la foi en Dieu, les doutes et les inquiétudes, les sacrifices de la journée et les circonstances de la vie quotidienne. Chaque personne a sa propre façon d'engager cette conversation, mais dans tous les cas, il faut rechercher la rencontre la plus sincère et la plus vraie avec Dieu. C'est la tâche de l'accompagnateur spirituel d'écouter et d'amener le jeune devant Dieu pour qu'il ne fasse pas ce qu'il veut faire, mais ce qui conduit à un plus grand amour de Dieu. C'est la tâche de l'enseignant d'ouvrir des horizons de droiture et d'amour qui sont le moteur des décisions les plus difficiles ; de pousser les âmes à la communion avec Dieu afin d'amener le paradis sur terre.
Cette extrême délicatesse s'accompagne de la plus grande sincérité. Une personne est sincère qui dit tout ce qu'elle sait, et cela représente au moins trois aspects du plus haut intérêt. En premier lieu, cela signifie que rien n'est caché par honte ou par peur de mal paraître. Vous n'aurez jamais l'air mauvais dans la direction spirituelle si vous dites la vérité.. Dans ce but, l'accompagnateur ne doit jamais montrer de déception, car une telle attitude ne serait pas du tout évangélique. Le père du fils prodigue a-t-il jamais montré l'ombre d'une déception ?
Deuxièmement, être sincère signifie approfondir et croître jour après jour dans sa propre connaissance. Dites tous ce que l'on sait ne signifie pas le savoir tous. Pour se laisser accompagner, il convient d'avoir un profond esprit d'examen qui aide à une connaissance progressive de soi.
Enfin, être sincère signifie être docile aux indications. Si l'on dit toujours tout et que l'on n'écoute jamais les conseils, l'accompagnement ne sera guère un instrument efficace pour la vie spirituelle.
Racine
La racine est dans le ciel, ou plutôt dans le ciel qui s'est fait terre : Jésus-Christ. Il est le premier exemplaire et le paradigme absolu de tout accompagnement spirituel, qui s'exprime dans la totalité de son humanité : le regard aimant (la vocation des premiers disciples, cf. Jn 1, 35-51) ; la parole autoritaire (l'enseignement dans la synagogue de Capharnaüm, cf. Lc 4,32) ; la capacité de devenir un voisin (la parabole du bon Samaritain, cf. Lc 10,25-37) ; le choix de marcher à côté (les disciples d'Emmaüs, cf. Lc 24,13-35) ; le témoignage de l'authenticité, sans craindre d'aller à l'encontre des préjugés les plus répandus (le lavement des pieds à la dernière Cène, cf. Jn 13,1-20).
Par l'humanité de Jésus, la grâce est venue aux premiers disciples, aux habitants de Nazareth, à ceux qui ont écouté son enseignement, aux disciples d'Emmaüs et aux Apôtres. Grâce à l'accompagnement spirituel, des torrents de grâce continuent de couler vers les jeunes, les sortant de l'anonymat le plus terne et les amenant aux plus hauts sommets de l'amour de Dieu : comme pour Pierre et Jacques, comme pour Jean et André, comme pour Marie-Madeleine.
Dans ce cas, l'objectif est l'origine. L'accompagnement spirituel, qui est enraciné dans la grâce de Dieu, a pour finalité Dieu lui-même. Beaucoup de gens cherchent à être bien portants. Les jeunes aussi. C'est logique, personne n'aime se sentir mal. L'accompagnement spirituel contribue certes à la paix intérieure, mais son objectif est plus transcendant. En définitive, l'accompagnement spirituel veut conduire le jeune à la sainteté, et c'est pourquoi est pour chaque âme chrétienne. Le dernier Concile nous a rappelé cet appel universel à la sainteté, et lié à celui-ci, on pourrait légitimement souligner qu'il y a aussi un appel universel à l'accompagnement spirituel.
Certes, l'accompagnement spirituel n'est pas le seul moyen de parvenir à la sainteté. Les moyens de sanctification sont infinis, tout comme l'amour de Dieu pour toute créature est infini. Mais, comme le soulignait une jeune âme, l'accompagnement spirituel est une pluie fine, une suggestion délicate, une indication douce qui émeut fortement les cœurs et rend les âmes fécondes. En effet, l'accompagnement spirituel n'est pas le seul moyen de sanctification, mais c'est l'un des plus privilégiés.
Une communauté de jeunes dans laquelle l'accompagnement spirituel est vécu de manière adéquate parle clairement d'un tout et d'un individu bien orienté. La conversation régulière avec l'homme ou la femme spirituelle met chaque âme et toute la communauté sur la bonne voie.
Ce que nous avons vu de nos yeux (1 Jn 1,1)
"Les Juifs étaient capables de voir des miracles", dit saint Jean Chrysostome dans l'une de ses catéchèses ; "Vous les verrez aussi, et même plus grands et plus éblouissants que lorsque les Juifs sont sortis d'Égypte".
Le miracle est une belle récolte ; c'est ce que nos yeux ont vu et nos mains ont ressenti. Une récolte divine, qui parle de jeunes gens dévoués, totalement modernes et pleinement chrétiens. Le même fruit (le chemin de la sainteté) s'exprime de manières très différentes : âmes consacrées dans la vie religieuse, jeunes consacrés au sacerdoce, garçons et filles qui embrassent le célibat apostolique et des dizaines et des dizaines de jeunes qui forment des familles selon l'amour de Dieu. En effet, des miracles plus éblouissants que lors de la sortie d'Égypte des Juifs : le triomphe de l'amour de la nouvelle alliance (la grâce) dans la jeune âme.
"Plus que jamais, nous avons besoin d'hommes et de femmes qui, à partir de leur expérience d'accompagnement, connaissent les processus où prévalent la prudence, la capacité de compréhension, l'art d'attendre et la docilité à l'Esprit".Le Pape François a déclaré dans son Exhortation Apostolique Evangelii Gaudium, "veiller sur les brebis qui nous sont confiées pour les protéger des loups qui tentent de diviser le troupeau". (n. 171).
Protégez le troupeau, prenez soin de la plante.... et faites-la grandir. "Dans l'engagement d'accompagner les nouvelles générations l'Église".le document préparatoire au synode de 2018, "accueille favorablement son appel à collaborer à la joie des jeunes, plutôt que d'essayer de s'approprier leur foi. (cf. 2 Co 1, 24). Un tel service s'enracine en définitive dans la prière et dans la demande du don de l'Esprit qui guide et éclaire chacun d'entre nous".
Curé de la paroisse de Santa María de Nazaret (Vallecas, Madrid)