Écologie intégrale

Anne Schaub : "Tout embryon s'attache naturellement à la mère qui le porte". 

"Un enfant ne peut jamais faire l'objet d'une transaction rémunérée pour satisfaire les souhaits d'adultes, même si la technologie médicale le permet".affirme la psychologue belge Anne Schaub. Dans cet entretien, elle passe en revue certaines des graves conséquences psychologiques et émotionnelles que la maternité de substitution inflige aux mères porteuses et, surtout, aux enfants dont les droits sont violés. 

Maria José Atienza-24 juin 2024-Temps de lecture : 12 minutes
Anne Schaub : "Tout embryon s'attache naturellement à la mère qui le porte". 

Anne Schaub-Thomas, psychologue belge, traite depuis 25 ans les traumatismes de la vie prénatale et de naissance, et fait le lien entre les symptômes/souffrances infantiles (et adultes) et les mémoires traumatiques précoces. Elle reçoit aussi des familles dont les enfants sont nés de PMA.

Pour la psychologue, le débat sur la maternité de substitution oublie complètement le droit de l'enfant, ainsi "créé", et le lien psychologique, affectif et physique que la mère et l'enfant développent pendant la période prénatale. 

Existe-t-il un droit à la maternité avant tout ? Y a-t-il vraiment des personnes qui ne peuvent pas vivre sans se "réaliser" en tant que mère ou père ?

Le corps et le cœur de la femme sont naturellement constitués et préparés à l'enfantement. L'appel à la maternité est fort pour une femme. Face à l'infertilité ou à la stérilité (personnelle ou du conjoint), les femmes sont souvent plongées dans un sentiment de manque essentiel qui peut être difficile à supporter. Une telle réalité nécessite d'être entendue, accompagnée, afin de pouvoir recueillir toute la profondeur des sentiments de chagrin, de frustration et de souffrance. En l'absence de solution pour restaurer la fertilité naturelle, il est précieux pour la femme et le couple de trouver une aide pour insuffler du sens à la situation de stérilité, jusqu'à, si possible, pouvoir orienter la maternité et la paternité vers d'autres voies de don.

L'adoption reste pour la femme (et le couple) une chance d'épanouissement parental qui non seulement remplit leur "berceau du cœur" mais offre à l'enfant ce qu'il a perdu par les malheurs de la vie : une mère et un père.

Dans la maternité de substitution l'enfant « à tout prix », comblera-t-il le vide, et de la même manière ? La possibilité de concevoir l'enfant désiré, pour soi, hors de soi et sans soi, laisse-t-elle la femme commanditaire indemne sur le plan psychologique ? Que signifie pour elle le recours à une mère porteuse ?

Dans toute PMA (Procréation Médicalement Assistée) en dehors de la GPA (Gestation Pour Autrui), la technique modifie profondément le rapport des femmes à la maternité et au couple, car l'enfant n'est plus le fruit d'une rencontre intime entre deux êtres qui s'aiment, mais le résultat d'un acte médico-technique. Il est pour le moins révélateur d’appeler l'un des premiers médecins à avoir pratiqué la fécondation dite in vitro "père" d'Amandine.

Dans la fécondation in vitro la maternité pour une femme ne consiste pas simplement à accueillir dans son corps un embryon venu de l'extérieur. L'intervention préalable de la technique pénètre et modifie intensément le corps de la femme ainsi que l'espace privé du couple. L'action technique induit chez la femme une forte résonance psychique qui n'est pas vécue dans la maternité naturelle. Un grand stress entoure la femme qui "réussit" enfin à satisfaire son besoin de maternité.

C'est donc tout l'espace intime relationnel, charnel et privé qui est modifié. Celui-ci disparaît au profit d'un contexte médical "désaffecté" (sans affection), dans lequel le matériel génétique - un être humain en devenir, rappelons-le - est extrait et manipulé entre les mains aseptisées de généticiens et de techniciens de laboratoire anonymes. Le recours à la technologie prive la femme (et le couple) de la chaleur du vivant, de l'étreinte intime en vue de concevoir, dans le secret de leur lien, la chair de leur chair.

Passons ensuite à un regard extérieur sur le processus : le tri des gamètes de qualité, le milieu de culture et la boîte de Pétri, les tubes d'incubation, l'embryon "idéal" à "choisir" et la mère porteuse. En sortant le vivant (les gamètes) du corps, le rapport de la femme à la maternité change profondément. Qu'on ne s'y trompe pas : une femme qui laisse la conception de son enfant entre les mains des généticiens et laborantins, ou qui confie l'attente de "son" bébé entre les mains d'une autre femme, se prive d'une partie d'elle-même, et elle le sait, elle le ressent dans tout son être. Mais le sujet reste tabou et finit parfois par se révéler dans nos cabinets psychothérapeutiques.

Dans la PMA, la femme doit faire face à une série de sentiments d'impuissance et d'humiliation, d'incapacité à concevoir et à enfanter naturellement, en subissant des traitements contraignants et éminemment invasifs, risqués et douloureux ; des sentiments de culpabilité, la peur de ne plus aimer l'enfant qu'elle désire tant mais qui la fait tant souffrir, etc. Sans parler du partenaire qui sort rarement indemne d'une telle épreuve.

Dans une GPA, qu'advient-il de l'attachement pendant la période de gestation ? Quelle est la relation entre la mère enceinte et l'enfant ?

-Une femme qui porte dans son ventre un bébé qu'elle sait devoir donner/vendre à quelqu'un d'autre à la naissance est susceptible de développer des mécanismes comparables à ceux que l'on trouve dans les situations de déni de grossesse.

Le déni de grossesse coupe la femme de la conscience qu'elle porte un nouvel être à protéger et à aimer. Si la mère porteuse est parfaitement consciente de sa grossesse, choisir de porter l'enfant de quelqu'un d'autre, et destiné à quelqu'un d'autre, l'oblige à se diviser et à se dépouiller de la partie la plus intime de son être sur le plan émotionnel et psychique. 

Quelle mère, en effet, va rejoindre et s’attacher au bébé qu'elle n'a jamais voulu pour elle-même, qu'elle sait porter dans son ventre avec l'intention de s'en séparer à la naissance ? La mise à distance psychique est d'autant mieux engagée lorsqu'il s'agit d'un enfant qui ne lui est pas génétiquement apparenté.

Dans le maternité de substitution la femme enceinte porte dans son ventre un contrat à remplir plutôt qu'un bébé à aimer de tout son être. La mère porteuse a un "travail" à remplir, avec l'obligation de respecter le contrat qui la relie à une agence et aux parent(s) commenditaire(s): celui de mettre au monde un bébé, entier et en bonne santé.

Rares sont les mères porteuses qui décident à tout prix de garder l'enfant qu'elles portent. Lorsque cela se produit, c'est toujours une source de litiges juridiques et de déchirements humains tragiques. Aujourd'hui, une mère porteuse ne peut pas faire une gestation pour autrui avec ses propres gamètes, précisément pour éviter ce genre de retournement.

Car l'attachement, qui est un processus biologique naturel, prend plus facilement le dessus sur toutes les constructions mentales et les résolutions autour d'un contrat rémunéré lorsque l'enfant attendu est celui de la femme qui l'a mis au monde, c'est-à-dire lorsqu'il est conçu à partir de son ovule. 

Les grossesses organisées par l'agence sont ordonnées pour garantir le risque le plus faible d'attachement mère-enfant, alors que le principal besoin psychologique pour le développement futur de l'enfant est précisément de favoriser un attachement de qualité avec sa mère qui le porte. 

Il s'agit là d'une violence extrême, d'une part à l'égard de la femme, contrainte de travailler contre son instinct maternel naturel, et d'autre part à l'égard de l'enfant, soumis dès le début de sa vie à des conditions émotionnelles qui sont aux antipodes de ses besoins primordiaux.

Quelles sont les conséquences psychologiques et physiques de la séparation d'un enfant de sa mère à la naissance ?

-L'être humain est un être relationnel. Le besoin de lien d’amour est la caractéristique humaine la plus essentielle et profonde qui soit ; il s'agit d'une attente ontologique et vitale dont chaque être humain est "génétiquement" doté.

Comme la nappe phréatique commune à notre humanité, chaque embryon, chaque fœtus s'attachera naturellement à la mère qui le porte. Si l'attachement est un processus biologique physiologiquement programmé, il est important de considérer les neuf mois de grossesse comme bien plus qu'une simple croissance d'organes pour rendre viable un petit corps. Les prémices de la vie relationnelle et affective s'établissent dès la période prénatale, et le contenu émotionnel de l'expérience intra-utérine et de la naissance laissera une empreinte durable sur chaque personne.

Le fœtus possède une compétence sensible et affective très fine et très développée. Naturellement curieux de la relation, il capte les impulsions relationnelles, les désirs, les pensées et l'état psychologique de la mère qui le porte. Il distingue déjà la présence de son père, précieuse source d’altérité pour sa structuration psychique. Le contexte de conception et l'atmosphère de la grossesse sont loin de lui être indifférents. La naissance, première expérience de séparation du bébé hors du corps de sa mère qui l'a nourri, enveloppé et aimé pendant neuf mois, est la première épreuve naturelle de la vie qui projette le bébé dans un nouvel environnement.

Le bébé parcourt ce chemin de l'intérieur de l’utérus de sa mère vers l'extérieur et il est essentiel qu'à la sortie, il soit gardé près d'elle. Il est nécessaire que le nouveau-né retrouve à la naissance les repères sensoriels dont sa mémoire est complètement imprégnée et qui le relient à celle qui représente pour lui la vie : la voix de sa mère, son odeur, son toucher, le goût du lait maternel, etc., autant de jalons qui maintiennent l'équilibre somatique et psychique du bébé et lui apportent sa sécurité de base.

De nombreuses démonstrations des neurosciences mettent en évidence l'importance biopsychologique de la période prénatale pour l'enfant. Cette première étape de la vie représente le terreau de base dans lequel sont ensemencées les premières expériences sensorielles, relationnelles et émotionnelles inconscientes, soit avec des connotations d'unité, de tendresse, de joie et de sérénité, soit avec de la distance et du détachement, de l'ambivalence tenace ou de la confusion affective.

Le stress et l’anxiété extrêmes générés chez le nouveau-né en cas de séparation maternelle laisse une empreinte durable liée à la perte. Le besoin de continuité et de stabilité du lien avec sa mère biologique est profondément affecté. 

En effet, toute situation qui impose au nouveau-né, même involontairement, la séparation d'avec la mère qui l'a porté pendant neuf mois, provoque, selon le contexte et à des degrés divers, une blessure d'abandon qui peut aller jusqu'à l'angoisse de mort. 

Il est vrai que le bébé se sent exister et vivant grâce à la présence en qualité et en quantité de sa mère, qu'il connaît par tous ses sens et à laquelle il est attaché. Lui et sa mère ne font qu’un.

L'embryon est véritablement « greffé » au corps et au cœur de la mère qui le porte, dans un maillage relationnel très intime. Ce temps in utéro est essentiel pour tout être humain ; il influencera durablement sa vie, sans forcément qu’il s'en rende compte.

Ainsi, l'organisation d'une maternité, d'une parenté éclatée de la conception à la naissance, charge l'enfant d'un bagage psycho-affectif marqué par des ruptures, des pertes et des confusions affectives, et immerge son inconscient dans une situation de filiation floue.

Si une femme, une mère, pour quelque raison que ce soit, peut décider de ne pas s'attacher au bébé qu'elle attend, l'enfant, lui, ne le peut pas. Le processus qui crée ce lien d'attachement entre le bébé et la mère est un "réflexe" de survie programmé. Il s'agit d'un mécanisme à la fois biologique et psychologique qui ne peut être ignoré. 

Aucun contrat entre parents d'intention et mère porteuse, aucune pensée adulte, même si elle désire de tout son cœur l'enfant attendu, mais à distance, n'a le pouvoir de diminuer ou d'effacer, d'une part, cette expérience humaine de l'attachement gestationnel, fondamentale pour l'avenir de l'enfant et qui se tisse avec une grande subtilité dans l’être du fœtus pendant neuf mois, et, d'autre part, l'expérience bouleversante de l'éloignement de l'enfant de sa mère porteuse.

Il nous faut réaliser que le procédé de procréation in vitroexpose de facto le jeune enfant dès l’origine de sa vie à des dommages physiques (risque de faible poids de naissance, de prématurité, de césarienne) et psychologiques. La dissociation imposée entre les dimensions génétique, corporelle et éducative oblige l’enfant à intégrer une mémoire somato-psychique morcelée. 

En tant que professionnelle de la santé mentale, je conçois que ce type de contexte d'origine puisse être susceptible de provoquer des troubles somatiques et intrapsychiques chez l'enfant, avec le risque d'altérer sa vie affective et son ancrage identitaire.

La blessure la plus profonde que l'enfant devra sans doute résoudre - et qui n'existe pas chez l'enfant adopté - est la prise de conscience, un jour, que ce sont ses parents qui ont eux-mêmes créé la situation de dissociation et de rupture avec la mère de naissance. 

Ce conflit intrapsychique risque de perdurer tout au long de la vie de l'enfant, avec des questions identitaires et existentielles prégnantes. D'autant plus que la société dans son ensemble aura laissé faire, aura soutenu et évité la reconnaissance par l'État des différents risques et souffrances que la GPA entraîne pour le plus vulnérable : l'enfant.

Dans le débat sur la maternité de substitution, il est urgent de replacer le jeune enfant au centre de la réflexion. Par nature, tout embryon, fœtus et nouveau-né est vulnérable. Sortons de l'ombre l'enfant, sans voix propre, pour dénoncer les blessures qui, dans la gestation pour autrui, lui sont imposées au début de sa vie.

Car, "faire" un enfant pour quelqu'un d'autre, c'est risquer de générer des conflits émotionnels, des pathologies relationnelles, des troubles somatiques et cognitifs divers, ainsi que des séquelles sociales.

Pour ceux qui seront confrontés à des questions de filiation, sans réponse possible, c’est un mal-être de fond qui est à craindre, une rapport à la vie difficile voire pour certains, torturé.

Comment l'enfant gérera-t-il son droit à connaître son ascendance ?

-Ce sera, j’imagine, différent pour chacun. N’étant pas juriste, j’ignore quels seront ses moyens et ses recours possibles pour faire entendre sa voix et faire valoir ses droits, en termes de connaissance de son ascendance. Ce que je puis dire en tant que psychologue, c’est que tout être humain a besoin de se sentir inscrit dans une histoire familiale, qui ne se limite pas au cercle de la famille proche. Les membres de la famille proche et élargie, ainsi que les ancêtres encore vivants ou décédés, représentent pour toute personne des points de référence importants

La famille biologique "vit" en quelque sorte en nous et nous permet de nous forger une identité, de nous appuyer, consciemment ou non, sur les similitudes ou au contraire, sur les différences ressenties ou observées.

Tout être humain a le besoin vital de se sentir relié à une famille, à une double généalogie, maternelle et paternelle. Savoir d'où l'on vient permet, en général, de mieux savoir/comprendre/choisir où l'on va.

L'absence et l'anonymat de ceux qui composent la famille et qui nous ont précédés dans la double lignée maternelle et paternelle, et qui constituent le terreau de nos racines identitaires, peut devenir problématique pour le développement de l'identité de certains enfants, au point de devenir la source de quêtes obsessionnelles et d'une série de comportements négatifs.

Les blessures et les souffrances psychologiques causées par des séparations ou des pertes imprévisibles à la naissance sont des malheurs de vie pourtant aujourd’hui bien reconnues.

Travailler dans la prévention afin d'éviter l’organisation de telles pertes et déracinements humains, est une œuvre d'humanité que chaque État a le devoir d’engager et de soutenir dans son pays. 

À l'inverse, tout État qui permet à des promoteurs influents de s’enrichir au moyen du marché lucratif de la reproduction humaine et légalisent la vente d'enfants par le biais de la maternité de substitution, est complice de violence médicale et d’abus psychologique infligés aux femmes et aux enfants.

Il est urgent d'appliquer dans le droit international - le principe d’indisponibilité du corps d’autrui , ainsi que - l’article 3-1 de la Convention Internationale des Droits Internationaux de l’Enfant de L’ONU au sujet de l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit être une considération primordiale, en interdisant la GPA interdiction de l'AMPPour protéger les générations futures d'un mal désastreux qui affecte actuellement le secteur de la procréation, le respect des droits de l'enfant ne doit pas être laissé aux enfants de la GPA devenus adultes et en souffrance. 

Les désirs inaccomplis, les manques et les chagrins des adultes, si grands soient-ils, ne doivent jamais servir de prétexte pour "utiliser" la vie d'un enfant comme objet de consolation et de réparation. La vie d'un enfant se reçoit. Elle ne se prend pas, ne se paye pas, ne se fabrique pas artificiellement pour répondre aux besoins des adultes.

La vie d'un enfant est fondamentalement un don, gratuit. Un enfant ne peut jamais faire l'objet d'une transaction rémunérée pour satisfaire des désirs d'adultes, même si la technologie médicale rend possible ce que la nature empêche.

Projets, désirs et fantasmes d’adultes se réalisent désormais sans plus de lignes directrices morales et sans limites éthiques. Le bon sens humain a également quitté la scène individuelle et collective.

L'enfant, être vulnérable, malléable à souhait et sans voix propre, est devenu une proie facile mise à la disposition de tous les désirs parentaux.

L'un des arguments souvent utilisés est que ces enfants "seront plus aimés". Pensez-vous que ce soi-disant "maximum d'amour" puisse être considéré comme un argument en faveur de cette pratique ?

-C'est en effet l'argument "standard" que personne ne semble pouvoir réfuter. Soyons clairs : toute personne seule, tout couple hétérosexuel, et les personnes homosexuelles, sont capables d'aimer pleinement un enfant et de l'élever avec cœur, pédagogie et intelligence.

L'enfant issu d'une GPA qui se retrouve dans les bras de son/ses parent(s) commanditaires bénéficiera la plupart du temps d'un lien affectif de qualité, à l'image de la force du désir qui lui a permis de naître.

Mais, qu'en est-il de la niche affective dont chaque enfant a besoin pendant sa vie intra-utérine, socle précieux qui fonde sa sécurité de base, influence sa vie affective future et enracine sa confiance en lui, dans les autres, dans la vie ?

Qu'advient-il dans la psyché humaine en ébauche de développement, de ce "vide" d'attachement affectueux mère-enfant qui se creuse au cours des neuf mois de la vie prénatale, et de l’amour maternel censé se prolonger durablement au-delà de la naissance ? Que dire de la blessure de séparation, du traumatisme d'abandon que ressentent les bébés séparés de leur mère de naissance ? 

Est-il admissible de créer intentionnellement des situations de rupture et de perte maternelle au début de la vie d'un enfant, de rompre et de brouiller délibérément ses liens de filiation et ainsi, de programmer d’imprévisibles souffrances ?

Qui peut croire que ces aménagements procréatifs, déjà dès l’enfance ou à l'âge adulte, resteront "neutres", sans créer des zones de vulnérabilité dans l'équilibre psychique, somatique et spirituel de l’être humain ? Les chercheurs et spécialistes de la petite enfance qui, depuis plus d'un siècle, se penchent sur l'extrême sensibilité du monde infantile ne sont-ils pas suffisamment explicites et convaincants sur les besoins fondamentaux de l'être humain qui, lorsqu'ils sont satisfaits, lui permettent de se sentir authentiquement aimé et lui offrent de meilleures possibilités de s'épanouir dans la vie ?

Les médias nous abreuvent d'histoires d'amour, de sourires et de rires d'enfants nés par le biais d'une mère porteuse. 

En psychologie, on sait que l'enfance est l'âge de l'adaptation. Pour survivre et surtout pour vivre, l'enfant, quels que soient les éventuels malheurs de la vie, les difficultés ou les particularités qui ont pu l'affecter dès l’aube de sa vie, fait généralement preuve d'une extraordinaire force d'adaptation et de résilience, surtout s'il est aimé. Cependant, si les « eaux dormantes » de l'inconscient restent silencieuses le temps de l'adaptation de l'enfance, elles peuvent devenir des tsunamis psychiques à l’heure du réveil du refoulé.

Une mise en crèche précoce, une situation de perte ou de deuil, un déménagement, l'adolescence, le mariage, la première expérience sexuelle, l'attente d'un bébé, un changement de vie important... toutes ces situations peuvent voir émerger, comme un geyser trop longtemps contenu, des blessures très précoces restées refoulées et inconscientes, niées ou non visitées. Les décompensations psychiatriques sont assez rares pendant l'enfance. En revanche, elles sont plus fréquentes à l'adolescence et au début de l'âge adulte.

Les situations familiales complexes créées par la technique de procréation annoncent du chaos émotionnel et des états psychologiques fragmentés dans la vie de certains de ces enfants, même s'ils sont aimés. La société dans son ensemble en souffrira.

Si les coutumes, les mentalités et les cultures, influencés par les progrès de la science, évoluent, les besoins fondamentaux des enfants, eux, ne changent pas. Leur état d’extrême vulnérabilité nécessite de notre part une attention et une protection particulières dès le premier développement de leurs cellules.

C'est à nous, les adultes, à la société toute entière et au sommet, aux États, qu’il revient de prendre soin du plus grand intérêt des enfants et de rester adaptés à leurs besoins, et non l'inverse. N'est-ce pas cela aimer vraiment un enfant... quitte à accepter de renoncer à en avoir un à tout prix si la nature nous en empêche?

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