Les enseignements du Pape

Littérature, éducation et évangélisation

Le "Lettre". du Pape François "sur le rôle de la littérature dans l'éducation". souligne l'importance de l'art littéraire dans la maturation des individus et dans leur capacité à "toucher" le cœur de l'être humain contemporain. 

Ramiro Pellitero-2 septembre 2024-Temps de lecture : 7 minutes

Quel intérêt pastoral la littérature (romans, poèmes) peut-elle avoir pour la formation personnelle et l'évangélisation, précisément dans notre culture de l'image et de l'écran ? 

Le pape François a écrit un Lettre sur le rôle de la littérature dans l'éducation et la formation (17-VII-2024) : dans la maturation de toute personne, dans la formation des chrétiens et aussi spécifiquement dans la formation sacerdotale.

Littérature et maturité personnelle

Dans sa lettre, le Pape se joint à tant de figures de tous les temps qui ont attiré l'attention sur ce moyen d'enrichir la formation, dont nous disposons et qui, pour diverses raisons, risque aujourd'hui d'être négligé, avec l'appauvrissement qui s'ensuit, face à une certaine obsession des écrans.. Par rapport aux médias audiovisuels et à leurs caractéristiques, ceux qui lisent un livre, souligne Francisco, sont beaucoup plus actifs.. Le lecteur intervient dans l'œuvre qu'il lit et la réécrit en quelque sorte. 

"D'une certaine manière, il réécrit la pièce, il l'enrichit de son imagination, il crée son monde, il utilise ses compétences, sa mémoire, ses rêves, sa propre histoire pleine de drame et de symbolisme, et il en résulte une pièce très différente de celle que l'auteur avait l'intention d'écrire.". 

Ainsi, le texte littéraire, comme tout texte en général, qu'il soit écrit ou audiovisuel, a une vie propre qui engendre d'autres "textes vivants" originaux chez ceux qui le lisent : "...".Une œuvre littéraire est donc un texte vivant et toujours fécond, capable de s'exprimer de multiples façons et de produire une synthèse originale chez chaque lecteur qui la rencontre.". Et cela enrichit le lecteur non seulement dans un sens passif, mais dans la mesure où il ouvre sa personne au monde et entre en dialogue avec lui, élargissant ainsi son monde personnel. 

"En lisantécrit le pape, le lecteur s'enrichit de ce qu'il reçoit de l'auteur, mais cela lui permet aussi de faire ressortir la richesse de sa propre personne, de sorte que chaque nouvelle œuvre qu'il lit renouvelle et élargit son univers personnel.".

C'est ce que propose François, "un changement radical".en particulier "sur l'attention à porter à la littérature dans le cadre de la formation des candidats au sacerdoce".

Pourquoi, pourrait-on se demander, le pape s'intéresse-t-il autant à la question ? Une première réponse, anthropologique, est que ".La littérature est liée, d'une manière ou d'une autre, à ce que chacun d'entre nous recherche dans la vie, puisqu'elle est étroitement liée à notre existence concrète, avec ses tensions, ses désirs et ses significations essentielles.". 

Francis évoque ses expériences au milieu des années 1960 en tant que jeune professeur de littérature qui encourageait ses étudiants à trouver les lectures dans lesquelles leurs propres drames et expériences trouvaient un écho. Cette lettre contient de nombreux conseils et détails intéressants, par exemple en ce qui concerne le choix des lectures. 

"Nous devons choisir nos lectures avec disponibilité, surprise, flexibilité, en nous laissant conseiller, mais aussi avec sincérité, en essayant de trouver ce dont nous avons besoin à chaque moment de notre vie.". 

Du point de vue de l'utilité, du discernement spirituel et moral personnel et de la contemplation, il vaut la peine de lire attentivement les numéros 16-20, 26-40 de la lettre. Dans ces passages, le Pape utilise diverses métaphores, le télescope, le gymnase, l'acte de digestion, pour montrer comment la littérature est un excellent instrument pour la compréhension personnelle du monde, pour comprendre et expérimenter le sens que les autres donnent à leur vie, pour voir la réalité avec le sens de ce qu'elle signifie pour eux. son et pas seulement de leurs propres yeux.

La littérature est donc une école du regard et de l'extase (sortie de soi), de la solidarité, de la tolérance et de la compréhension. Il en est ainsi, pense le successeur de Peter, parce que "[l]a littérature est une école du regard et de l'extase" (sortie de soi).étant chrétiens, rien de ce qui est humain ne nous est indifférent". 

L'école de la patience, de l'humilité et de la compréhension".le regard littéraire forme le lecteur au décentrement, au sens de la limite, au renoncement à la domination, cognitive et critique, à l'expérience, lui apprenant une pauvreté qui est source d'une extraordinaire richesse.". 

Le lecteur accueille le devoir de jugement, non pas comme un instrument de maîtrise, " ".mais comme une impulsion à l'écoute incessante et comme une disponibilité à se mettre en jeu dans cette extraordinaire richesse de l'histoire due à la présence de l'Esprit, qui est aussi donnée comme une grâce, c'est-à-dire comme un événement imprévisible et incompréhensible qui ne dépend pas de l'action humaine, mais qui redéfinit l'être humain comme une espérance de salut.".

Pour le discernement évangélique des cultures

Après l'introduction, François souligne l'intérêt de la lecture pour les croyants, comme moyen de connaître les cultures (la sienne et celle des autres) et de pouvoir ainsi parler au coeur des gens (il suffit à cet égard de rappeler les volumes de Charles Moeller, "La lecture de la Bible").La littérature du 20e siècle et le christianisme). En effet, aucune culture isolée ne peut épuiser le message de l'Évangile (cf. l'exhortation apostolique Evangelii gaudium 117).

A ce stade, le Pape aborde un aspect de la situation actuelle : "...De nombreuses prophéties apocalyptiques qui tentent aujourd'hui de semer le désespoir trouvent précisément leur origine dans cet aspect.". Par conséquent, "Le contact avec des styles littéraires et grammaticaux différents nous permettra toujours d'approfondir notre compréhension de la polyphonie de l'Apocalypse.Le "social et le politique", sans le réduire ou l'appauvrir en fonction de ses propres besoins historiques ou de ses propres structures mentales.

En effet, les Pères de l'Église, comme Saint Basile de Césarée (cf. Discours aux jeunes), vantait la beauté de la littérature classique, y compris païenne, et conseillait de la connaître, tant sur le plan argumentaire (philosophie et théologie) que comportemental (ascèse et morale). "Précisément".observe l'évêque de Rome, "De cette rencontre entre l'événement chrétien et la culture de l'époque est née une réécriture originale de l'annonce de l'Évangile.".

Pour cette raison, et comme en témoigne le cas de saint Paul et de sa présence à l'Aréopage d'Athènes (cf. Ac 17, 16-34), la littérature est un bon instrument pour le "...".le discernement évangélique de la culture". C'est-à-dire que pour "reconnaître la présence de l'Esprit dans la réalité humaine aux multiples facettes"et pour "capturer la graine déjà plantée de la présence de l'Esprit dans les événements, les sensibilités, les désirs et les tensions profondes des cœurs et des contextes sociaux, culturels et spirituels".

De cette manière, la littérature est représentée par une "passerelle" qui aide le pasteur à entrer dans un dialogue profond avec la culture de son temps"..

Le Pape reprend une autre observation sur le contexte religieux actuel : "...Le retour au sacré et les quêtes spirituelles qui caractérisent notre époque sont des phénomènes ambigus. Plus que l'athéisme, nous sommes aujourd'hui mis au défi de répondre de manière adéquate à la soif de Dieu de nombreuses personnes, afin qu'elles ne cherchent pas à l'étancher dans des propositions aliénantes ou dans un Jésus-Christ sans chair."(cfr. Evangelii gaudium, 89).

Toucher le cœur de l'homme contemporain

C'est une conséquence de l'Incarnation du Fils de Dieu : "...le Fils de Dieu est le Fils de Dieu.Cette chair faite de passions, d'émotions, de sentiments, d'histoires concrètes, de mains qui touchent et guérissent, de regards qui libèrent et encouragent ; d'hospitalité, de pardon, d'indignation, de courage, d'audace. En un mot, d'amour".

Ainsi, grâce à la littérature, les prêtres et en général tous les évangélisateurs peuvent devenir plus sensibles à la pleine humanité de Jésus, afin de mieux l'annoncer. En effet, lorsque le Concile Vatican II affirme que "En réalité, le mystère de l'homme ne s'éclaire que dans le mystère du Verbe incarné. (Gaudium et Spes22), Francis souligne que "il ne s'agit pas d'une réalité abstraite, mais du mystère de cet être humain concret, avec toutes les blessures, les désirs, les souvenirs et les espoirs de sa vie.".

C'est de cela qu'il s'agit : "La tâche des croyants, et en particulier des prêtres, est précisément de "toucher" le cœur des êtres humains contemporains afin qu'ils s'émeuvent et s'ouvrent à l'annonce du Seigneur Jésus et, dans cet effort, la contribution que la littérature et la poésie peuvent offrir est d'une valeur inégalée.". 

Par parenthèse, on peut penser, en lisant la lettre du Pape, que ce qui manque à nos contemporains, c'est avant tout la foi et la "doctrine", c'est-à-dire la connaissance de la vérité chrétienne sur Dieu, Jésus-Christ, les sacrements et la morale. Certes, il faudra discerner les besoins de chaque culture. Mais en général, ce jugement est pour le moins insuffisant.

Comme le dit T. S. Elliot, et comme le pape s'en fait l'écho, la crise religieuse moderne s'accompagne d'une "incapacité émotionnelle" généralisée. François souligne : "À la lumière de cette lecture de la réalité, le problème de la foi aujourd'hui n'est pas principalement de croire plus ou moins aux propositions doctrinales. Il est plutôt lié à l'incapacité de beaucoup à se laisser émouvoir par Dieu, par sa création, par les autres êtres humains. C'est donc là que réside la tâche de guérir et d'enrichir notre sensibilité.".

Dans la dernière partie de sa lettre, François insiste sur les raisons pour lesquelles il est important de considérer et de promouvoir la lecture de grandes œuvres littéraires comme un élément important de l'éducation. paideia Il s'agit d'une éducation sacerdotale, qui pourrait être équivalente, pour les évangélisateurs en général, à une éducation à la foi. Et, attention, comme nous l'avons déjà vu, il dira qu'il ne s'agit pas seulement de toucher le cœur des autres, mais de changer son propre cœur, le cœur du pasteur de l'évangélisateur, à l'image du cœur du Christ.

Auto-éducation de l'évangélisateur

Cette auto-éducation de l'évangélisateur peut se décliner en quatre directions, que la lettre rappelle en conclusion. Et il vaut la peine de les reprendre longuement.

1) "J'ai confiance, écrit François, "d'avoir montré, dans ces brèves réflexions, le rôle que la littérature peut jouer pour éduquer le cœur et l'esprit du pasteur ou du futur pasteur dans le sens d'un exercice libre et humble de sa propre rationalité, d'une reconnaissance fructueuse du pluralisme des langues humaines, d'une extension de sa propre sensibilité humaine et, en conclusion, d'une grande ouverture spirituelle à l'écoute de la Voix à travers tant de voix.".

2) "En ce sens". -Il poursuit en soulignant que "aide le lecteur à détruire les idoles des langages autoréférentiels, faussement autosuffisants, statiquement conventionnels, qui risquent parfois de contaminer aussi le discours ecclésial, en emprisonnant la liberté de la Parole.".

3) "Le pouvoir spirituel de la littérature évoque [...] la tâche première confiée à l'homme par Dieu, celle de "donner des noms" aux êtres et aux choses (cf. Gn 2:19-20). La mission de gardien de la création, confiée par Dieu à Adam, est avant tout la reconnaissance de sa propre réalité et du sens de l'existence des autres êtres.".

4) "Ainsi, l'affinité entre le prêtre - et par extension, tous ceux qui participent à la mission évangélisatrice de l'Église, c'est-à-dire tous les chrétiens, appelés à être des disciples missionnaires - et le poète se manifeste dans cette mystérieuse et indissoluble union sacramentelle entre la Parole divine et la parole humaine, donnant vie à un ministère qui devient un plein service d'écoute et de compassion, à un charisme qui devient une responsabilité, à une vision de la vérité et de la bonté qui s'ouvrent comme une beauté.". 

En effet, la littérature peut être aujourd'hui une voie maîtresse pour l'auto-éducation de sa propre personnalité, une purification du langage de l'évangélisation, une aide pour reconnaître et prendre soin de la réalité, et donc aussi un canal pour mieux incarner la mission d'évangélisation.

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