Texte original de l'article en espagnol ici
La première phase d'une affaire compliquée dans laquelle l'historique et très étendu Ordre Souverain Militaire Hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte (S.M.O.M.) - connu simplement sous le nom d'"Ordre de Malte" - est empêtré depuis plusieurs années, au moins depuis 2016, vient de prendre fin.
Le Pape François, par un décret entré en vigueur le 3 septembre, a promulgué une nouvelle charte constitutionnelle pour l'ordre et un Code Melitense correspondant, révoquant en même temps les hautes fonctions et dissolvant l'actuel Souverain Conseil. Le document est maintenant disponible sur le site web de l'Ordre.
Commence maintenant la deuxième phase, qui conduira le S.M.O.M. à un renouvellement interne. Il a fallu à l'Ordre au moins sept ans, et de nombreuses vicissitudes, pour identifier les modalités de ce renouveau avec la nouvelle Constitution. Le Pontife lui-même a fixé au 25 janvier 2023, fête de la conversion de saint Paul, la date du chapitre général extraordinaire, qui doit désigner la nouvelle direction de l'Ordre, y compris le Grand Maître - vacant depuis 2020 à la suite du décès de Fra' Giacomo Dalla Torre del Tempio di Sanguinetto - selon un règlement approuvé par le Pape.
Entre-temps, un Souverain Conseil provisoire de treize membres a été mis en place pour aider le délégué spécial du Pape (le cardinal Silvano Maria Tomasi) et le lieutenant du précédent Grand Maître (Fra' John T. Dunlap), qui est toujours en fonction, à se préparer au Chapitre général, qu'ils coprésideront.
L'histoire de l'Ordre
L'Ordre de Malte a une histoire multiséculaire, qui remonte au premier siècle du deuxième millénaire. Reconnue comme sujet de droit international depuis 1113, elle entretient des relations diplomatiques avec plus de 100 États et avec l'Union européenne, et est observateur permanent aux Nations unies.
Il s'agit d'un ordre religieux laïc catholique opérant dans 120 pays, où il est principalement engagé dans des activités caritatives, médicales, sociales et humanitaires. Elle est organisée en 11 prieurés, 48 associations nationales, 133 missions diplomatiques, 33 corps de secours et 1 agence d'aide internationale, en plus de gérer de nombreux hôpitaux, centres médicaux et fondations spécialisées.
C'est le pape Pascal II qui a reconnu officiellement la communauté monastique des "Hopitallers de Saint-Jean de Jérusalem" par le document suivant Pie postulatio voluntatisEn effet, la première communauté monastique qui, depuis un demi-siècle (1048), s'occupait des pèlerins pauvres dans une auberge à Jérusalem, a reçu un pouvoir de souveraineté et d'indépendance et a été transformée en un ordre religieux laïc. Le premier dirigeant et Grand Maître fut le bienheureux Fra' Gerard, originaire de Scala, à quelques kilomètres d'Amalfi, dans le sud de l'Italie.
La nouvelle Charte constitutionnelle reprend les objectifs de l'Ordre, qui se réfèrent principalement à la promotion de "la gloire de Dieu et la sanctification de ses membres" par la défense de la foi et le soin des pauvres et des souffrants "au service du Saint-Père". Ses membres sont appelés "à être des disciples crédibles du Christ" et l'Ordre tout entier "témoigne des vertus chrétiennes de charité et de fraternité".
Les événements de ces dernières années
Le Saint-Siège est intervenu à plusieurs reprises auprès des Chevaliers de Malte pour affirmer leur identité et les aider à surmonter les crises, comme le mentionne le pape François dans son dernier décret. Cela s'est également produit au cours de ce pontificat, selon une série de vicissitudes qui ont représenté une division interne de ses membres, qui a commencé par une expulsion de l'un des précédents grands chanceliers (Albrecht Freiherr von Boeselager) en décembre 2016.
À cette époque, le cardinal patron de l'Ordre était le cardinal Raymond Leo Burke (nommé par le pape François le 8 novembre 2014), qui en était membre depuis 2011. Le but du Cardinal Patron est de représenter le Pontife et de promouvoir les intérêts spirituels de l'ordre, ainsi que d'entretenir des relations avec le Saint-Siège. Le Grand Maître de l'Ordre était Fra' Matthew Festing.
C'est à ce moment-là, entre la fin de l'année 2016 et le début de l'année 2017, que sont apparus les premiers désaccords : ceux-ci conduiront ensuite, dans les années suivantes, à diverses mesures du Pape pour une réorganisation complète de l'Ordre et de ses relations avec le Siège Apostolique.
L'origine de ces vicissitudes, on l'a dit, remonte à la révocation forcée du grand chancelier Boaselager début décembre 2016, accusé d'avoir distribué des préservatifs lors d'une initiative humanitaire au Myanmar les années précédentes. Il s'est défendu en affirmant qu'il n'était pas au courant de cette affaire, qui a été décidée au niveau local, et qu'il est intervenu dès qu'il en a eu connaissance.
Le Cardinal Patron de l'époque en a informé le Pape, probablement pour obtenir son aval à la décision de licencier le Grand Chancelier Boaselager, mais il apparaît que dans une lettre adressée à Burke et à l'Ordre, le Pontife, tout en soulignant la pertinence morale de la question, a appelé à une résolution "dialoguée" pour comprendre les raisons de l'incident, sans trouble particulier. Mais cette proposition n'a pas été suivie d'effet. Ensuite, deux lettres de la Secrétairerie d'État, signées par le cardinal Pietro Parolin, ont été adressées au Grand Maître pour souligner ce que le Pape avait demandé : " le dialogue pour aborder et résoudre tout problème ".
La demande du Pape
À ce stade, quelques semaines plus tard, le 22 décembre 2016, le souverain pontife a créé une première commission d'enquête pour clarifier l'affaire ; elle comprenait, entre autres, celui qui était alors Monseigneur Silvano Maria Tomasi et le canoniste jésuite Gianfranco Ghirlanda, tous deux désormais cardinaux.
En janvier 2017, une nouvelle étape est franchie dans l'affaire, avec la démission de Fra' Matthew Festing du poste de Grand Maître - un poste habituellement occupé à vie - à la demande du pape, après que le chef de l'Ordre se soit lui-même opposé à la commission papale, revendiquant la pleine autonomie des Chevaliers de Malte et niant toute collaboration.
Le mois suivant, le Pape François, "en vue du Chapitre extraordinaire qui devra élire le nouveau Grand Maître" de la S.M.O.M., a nommé délégué spécial le Cardinal Angelo Becciu, alors Substitut pour les Affaires générales de la Secrétairerie d'Etat, appelé à collaborer avec le Lieutenant intérimaire "pour le plus grand bien de l'Ordre et la réconciliation entre toutes ses composantes, religieuses et laïques".
Le 2 mai 2018, Fra' Giacomo Dalla Torre, personne équilibrée et excellent médiateur entre les sensibilités et les conflits internes, a été élu Grand Maître ; mais il est décédé prématurément le 29 avril 2020. Entre-temps, le pape avait renouvelé la nomination de Becciu pour qu'il poursuive "le chemin du renouveau spirituel et juridique" de l'Ordre, mais ce processus a été interrompu par sa démission à la suite de la fameuse affaire des investissements à Londres. Le 1er novembre 2020, le scalabrinien Silvano Maria Tomasi lui a succédé, avec pour mission de poursuivre la fonction " jusqu'à la conclusion du processus de mise à jour de la Charte constitutionnelle ".
Le 11 novembre 2020, l'Ordre a élu à une large majorité un nouveau Lieutenant Grand Maître, Fra' Marco Luzzago, mais celui-ci est décédé de maladie le 8 juin de cette année. La semaine suivante, le pape François a nommé le Fra' canadien John Dunlap comme nouveau lieutenant, reconnaissant que l'ordre "vit un nouveau moment de consternation et d'incertitude".
Des mois plus tard, l'Ordre a conclu son processus de réforme constitutionnelle et se prépare à célébrer le Chapitre Général Extraordinaire le 25 janvier, le Pape François espérant que l'unité "et le plus grand bien" du S.M.O.M. pourront enfin être sauvegardés.
