Charisme et hiérarchie dans l'Opus Dei, deux dimensions dans la même réalité. La relation entre les dons du Saint-Esprit dans l'Église

Texte original de l'article en espagnol ici

La dimension institutionnelle et la dimension charismatique sont deux dimensions que l'on peut distinguer, sans les confondre. En même temps, ils sont nécessaires à la vie de l'Église et complémentaires les uns des autres.

Il n'y a pas d'Église qui ne soit pas hiérarchique, fondée sur les Apôtres et gouvernée par leurs successeurs, et qui ne soit pas en même temps charismatique. Il n'existe pas d'Église hiérarchique ni d'Église du peuple.

Il n'existe pas non plus d'Église qui soit uniquement hiérarchique sans être en même temps charismatique.

En fait, les charismes donnés par le Saint-Esprit sont une réalité dans l'Église depuis sa fondation. Il suffit de lire les lettres de saint Paul pour comprendre qu'il existe une grande variété de dons de l'Esprit, pour l'utilité et le bien de l'Église ; certains sont de l'autorité, d'autres des fidèles (comme on peut le voir, par exemple, en 1 Co 12, 28 et 1 Co 14, 27-28).

Les dons que les baptisés recevaient dans la communauté chrétienne étaient dans chaque cas des dons très différents dans leur entité et leur contenu. Mais ils n'étaient pas destinés à un bénéfice individuel, mais au bien de la communauté. Par conséquent, leur exercice doit être ordonné, car ils servent à construire et non à détruire.

Prenant acte de cette réalité, le Concile Vatican II a souligné que l'Esprit Saint fournit et gouverne l'Église par des dons tant hiérarchiques que charismatiques. Comme la Constitution Lumen GentiumL'Esprit Saint... guide l'Église dans la vérité tout entière (cf. Jn 16, 13), l'unifie dans la communion et le ministère, la dote et la gouverne par divers dons hiérarchiques et charismatiques et l'embellit de ses fruits (cf. Ep 4, 11-12 ; 1 Co 12, 4 ; Ga 5, 22)".

Les dimensions hiérarchique et charismatique chez les Pontifes romains récents

Cette présence de l'Esprit Saint a été particulièrement appréciée par les Pontifes romains récents. Une contribution claire de Saint Jean Paul II a été de souligner, en se référant à la présence de nouveaux groupes dotés d'un élan charismatique et évangélisateur notable, que les dons de l'Esprit sont essentiels pour l'Eglise.

Ainsi, il a déclaré : "A plusieurs reprises, j'ai souligné qu'il n'y a pas de contraste ou d'opposition dans l'Eglise entre les deux religions. dimension institutionnelle et le dimension charismatiquedont les mouvements sont une expression significative. Tous deux sont également essentiels à la constitution divine de l'Église fondée par Jésus, car ils contribuent à rendre présent le mystère du Christ et son œuvre salvatrice dans le monde" (Message aux participants au Congrès mondial des mouvements ecclésiaux, 27 mai 1998, n. 5). S'ils sont co-essentiels, cela signifie qu'ils appartiennent à la nature et à l'être de l'Église.

Le Pape Benoît XVI, pour sa part, a précisé comment les deux dimensions se combinent et se rapportent l'une à l'autre : "Dans l'Église, même les institutions essentielles sont charismatiques et, d'autre part, les charismes doivent être institutionnalisés d'une manière ou d'une autre pour avoir une cohérence et une continuité. Ainsi, les deux dimensions, suscitées par le même Esprit Saint pour le même Corps du Christ, concourent ensemble à rendre présents le mystère et l'œuvre salvifique du Christ dans le monde" (Discours à la Fraternité de Communion et Libération à l'occasion du 25ème anniversaire de sa reconnaissance pontificale, 24 mars 2007).

Ce sont deux dimensions qui s'entremêlent, qui se complètent, qui sont toujours présentes avec plus ou moins d'intensité. Comment ne pas rappeler que le charisme de l'infaillibilité est uni à la figure du Pontife Romain ; que celui qui est le successeur des Apôtres reçoit les dons de l'Esprit pour gouverner et guider l'Eglise, et que parmi ces dons se trouve le discernement sur l'authenticité des charismes - comme l'a rappelé la Congrégation pour la Doctrine de la Foi au n. 8 de la Lettre Iuvenescit Ecclesia du 15 mai 2016 : " le même Esprit donne à la hiérarchie de l'Église, la capacité de discerner les charismes authentiques, de les accueillir avec joie et gratitude, de les promouvoir avec générosité et de les accompagner avec une vigilance paternelle " ; c'est un don reçu pour le bien de tout le peuple de Dieu.

Le pape François a également souligné l'harmonie entre les deux dimensions : " Marcher ensemble dans l'Église, guidés par les pasteurs, qui ont un charisme et un ministère particuliers, est un signe de l'action de l'Esprit Saint ; l'ecclésialité est une caractéristique fondamentale pour les chrétiens, pour chaque communauté, pour chaque mouvement " (homélie lors de la veillée de Pentecôte avec les mouvements ecclésiaux, 19 mai 2013). Et il a souligné comment les charismes naissent et s'épanouissent dans les communautés chrétiennes : " C'est dans la communauté que germent et s'épanouissent les dons dont le Père nous comble ; et c'est... au sein de la communauté que nous apprenions à les reconnaître comme un signe de son amour pour tous ses enfants". Ils sont toujours ecclésiaux, et sont au service de l'Église et de ses membres.

Dans la lettre de 2016 Iuvenescit Ecclesiala Congrégation pour la Doctrine de la Foi déclare : " En définitive, il est possible de reconnaître une convergence du Magistère ecclésial récent sur la co-essentialité entre les dons hiérarchiques et charismatiques ". Leur opposition, de même que leur juxtaposition, serait le signe d'une compréhension erronée ou insuffisante de l'action de l'Esprit Saint dans la vie et la mission de l'Église".

Complémentarité entre hiérarchie et charisme : le cas de l'Opus Dei

Dans le récent motu proprio Ad charisma tuendum du 22 juillet 2022, le pape François a de nouveau souligné la complémentarité des dons hiérarchiques et charismatiques. En fait, la prélature de l'Opus Dei a été constituée par Jean-Paul II avec la Constitution apostolique Ut sitpour réaliser une finalité propre à ces entités hiérarchiques : la réalisation d'œuvres pastorales particulières (l'autre finalité est de contribuer à la répartition du clergé : décret du 30 juin 2006). Presbyterorum ordinisn. 10 ; Code de droit canonique, c. 294).

Comme le rappelle le pape François dans l'introduction du motu proprio, l'Opus Dei a une tâche particulière dans la mission évangélisatrice de l'Église : vivre et diffuser le don de l'Esprit reçu par saint Josémaria, qui n'est autre que de diffuser l'appel à la sainteté dans le monde, à travers la sanctification du travail et les tâches familiales et sociales du chrétien.

Pour atteindre cet objectif de diffusion de l'appel universel à la sainteté - qui n'est pas une tâche exclusive de l'Opus Dei mais qui appartient à toute l'Église (cf. Lumen gentium, n° 11, et François, Encyclique Exsultate et gaudete, 19 mars 2018)-, la hiérarchie a créé une prélature, afin de présenter un modèle réel et pratique pour vivre cette sainteté au milieu du monde.

En effet, le chemin ouvert par l'Esprit Saint le 2 octobre 1928, date de la fondation de l'Opus Dei, a porté des fruits de sainteté parmi une grande variété de fidèles : hommes et femmes, mariés et célibataires, laïcs et clercs. En effet, parmi les fidèles de l'Œuvre, certains ont atteint la gloire des autels : saint Josémaria, le bienheureux Álvaro del Portillo et la bienheureuse Guadalupe Ortiz de Landázuri. L'Opus Dei est, en fait, un exemple possible et réel de sainteté dans le monde.

À son tour, le Saint-Siège a procédé à un discernement du charisme de l'Opus Dei, donnant son approbation à différents moments de son histoire (voir A. de Fuenmayor, V. Gómez-Iglesias, J. L. Illanes, Le chemin canonique de l'Opus DeiSceptre 1994), et a conclu en 1982 qu'elle devait être configurée comme une prélature personnelle, configuration qui a été confirmée par le pape François dans le motu proprio (qui modifie en même temps certains articles de la Constitution Apostolique Ut sitdans les points où les relations avec le Saint-Siège sont précisées : articles 5 et 6).

Deux dimensions dans la même réalité

Il est normal que, face aux dons charismatiques et hiérarchiques, la tendance soit de penser que les dépositaires de l'un ou l'autre sont des personnes différentes.

Dans ce cas, nous trouvons une entité qui est hiérarchisée (son guide est un prélat, qui agit avec la collaboration nécessaire d'un presbyterium et de fidèles laïcs comme membres : voir cc. 294 et 296, et Jean-Paul II, Ut sitarticles 3 et 4), et en même temps charismatique : elle doit vivre et diffuser ce charisme. Tous ses membres ont reçu l'appel de Dieu à être des saints, incarnant l'esprit que Dieu a donné au fondateur de l'Œuvre.

Il s'agit donc d'un exemple d'entité dans laquelle la complémentarité entre les dons hiérarchiques et charismatiques est palpable dans une même réalité. Chaque réalité charismatique a un rapport avec la fonction de la hiérarchie. Dans ce cas, à la relation normale avec l'autorité, qui a décrété l'authenticité du charisme et qui accompagne toujours ce charisme vivant qui a ses développements dans l'histoire, s'ajoutent des aspects particuliers, comme celui que je viens d'indiquer : une prélature avec un pasteur, avec un presbytère et avec des laïcs destinés à diffuser un charisme au service du peuple de Dieu.