Espagne

A César ce qui est à César. Sur les immatriculations de l'Église

L'auteur explique le processus légal d'immatriculation des biens immobiliers par l'Église et l'avenir prévisible, suite au rapport présenté par le gouvernement.

Santiago Cañamares Arribas-18 février 2021-Temps de lecture : 3 minutes
croisière sur la mosquée de Cordoue

Photo : De piet theisohn - Mosquée-Cathédrale de Cordoue

Le rapport que le gouvernement vient d'envoyer au Congrès sur l'immatriculation des biens ecclésiastiques au registre foncier est le résultat d'une proposition de non-loi, présentée en 2017 par le groupe socialiste de la Commission de la justice, dont l'objectif ultime était de récupérer auprès de l'Église catholique la propriété des biens qui avaient été inscrits au registre en sa faveur après la réforme de la législation sur les hypothèques en 1998.

Selon le gouvernement, de cette date jusqu'en 2015, l'Église a immatriculé 34 915 biens immobiliers, dont environ 20 000 correspondent à des temples et des lieux de culte, et le reste à d'autres biens non directement liés à un usage religieux : parcelles de terrain, locaux, maisons, etc.  

Parmi les lieux de culte énumérés - dont la propriété en faveur de l'Église est mise en doute - figurent des lieux aussi importants que la cathédrale de Cordoue et la Giralda de Séville, dont la propriété appartiendrait - selon les inscriptions au registre - au diocèse de Cordoue et au chapitre de la cathédrale de Séville, respectivement.

Le gouvernement indique dans son rapport qu'il mènera des procédures administratives pour élucider l'éventuelle propriété de ces biens en faveur de l'État, de sorte que lorsque celle-ci sera accréditée, il aura recours à des procédures judiciaires pour obtenir leur reconnaissance et la modification conséquente du registre.   

Le changement de 1998

Pour comprendre l'ombre de doute qui plane sur les actions de l'Église catholique dans ce domaine, il faut savoir que jusqu'en 1998, la législation hypothécaire ne permettait pas l'inscription au registre foncier ni des biens publics (État, province, municipalité) à usage public ni des églises utilisées pour le culte catholique, car ils étaient considérés comme des biens communs dont on supposait le propriétaire.

Ainsi, étant donné qu'ils ne pouvaient pas être enregistrés, il était peu important de disposer d'un titre de propriété et, en cas d'absence de titre, il n'était pas non plus approprié d'engager une procédure de propriété pour le prouver. Cette réglementation était clairement préjudiciable à l'Église car elle ne pouvait pas bénéficier de la protection impliquée par l'enregistrement de ses lieux de culte, contrairement à ce qui se passait avec les autres confessions religieuses dont les propriétés pouvaient être enregistrées.

Afin de corriger cette discrimination, la réforme de 1998 a permis l'accès au registre foncier tant pour les biens publics susmentionnés que pour les lieux de culte catholiques. Lorsque les propriétés en question n'avaient pas de titres de propriété - pour diverses raisons, y compris historiques - l'enregistrement pouvait se faire au moyen d'un certificat délivré par le fonctionnaire compétent ou l'évêque diocésain quant à la propriété de la propriété.

 C'est le cas, par exemple, de la mosquée-cathédrale de Cordoue, qui a été enregistrée en 2006 au nom du diocèse parce qu'elle appartenait à l'Église catholique depuis des temps immémoriaux et qu'il ne semble pas que quelqu'un ait eu un titre de propriété en sa faveur. Évidemment, dans ce cas, l'Administration aurait pu également utiliser la même procédure, mais la réalité est que seule l'Église a fait usage de cette prérogative qui leur est reconnue par la loi hypothécaire.  

Mesures visant à prévenir les immatriculations irrégulières

Il est vrai que ce système - qui a cessé d'être en vigueur pour l'Église à partir de 2015 - pouvait se prêter à certains abus en raison de la large autonomie de l'évêque diocésain. Toutefois, afin d'éviter les irrégularités, une série de soupapes de sécurité ont été mises en place. D'une part, l'enregistrement n'a produit des effets vis-à-vis des tiers que deux ans après sa réalisation. D'autre part, il y avait toujours la possibilité d'aller en justice à tout moment pour revendiquer la propriété d'un bien contrairement à la présomption prévue par le registre. Le gouvernement n'est pas connu pour avoir contesté la propriété de la cathédrale de Cordoue ou de toute autre cathédrale devant les tribunaux de l'État.

Il n'échappe à personne que ce rapport, qui a une composante politique et idéologique clairement identifiable, peut mettre à jour des irrégularités dans le processus d'immatriculation de certains lieux de culte en faveur de l'Église, mais il n'atteindra pas l'effet escompté : la propriété des grandes cathédrales d'Espagne passera aux mains de l'État. Pour cela, il faudrait que les tribunaux acceptent que l'État ait un meilleur droit sur la mosquée-cathédrale de Cordoue - pour donner un exemple - que l'Église, ce qui est hautement improbable, étant donné que le gouvernement devrait prouver - en l'absence de titres de propriété - que la mosquée lui appartient en démontrant l'origine de son acquisition ou sa propriété par usucapion, c'est-à-dire par possession publique et pacifique en tant que propriétaire pendant une période de temps considérable. Aucune de ces options ne semble facile à réaliser. Caesaris, Caesari, Dei Deo.

L'auteurSantiago Cañamares Arribas

Professeur de droit. Université Complutense de Madrid

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